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Actuel / Doña Magdalena, une si belle mort annoncée


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La nounou de Garcia Marquez est morte à 100 ans, comme dans un livre de son Gabito. Elle nous avait raconté l’enfance du prix Nobel de littérature, dont elle est devenue la nounou à 12 ans.



Doña Magdalena, la nounou de Gabriel Garcia Marquez, est morte chez elle, à Aracataca, mardi dernier à 23 heures 40, après un dernier petit coup de bascule dans son fauteuil. Ce fut une mort annoncée: dix jours plus tôt, on lui avait diagnostiqué une pneumonie. Elle a vu son souffle s’amenuiser peu à peu mais pas sa mémoire: à 100 ans, elle était incollable pour appeler chacun par son nom. Ses 9 enfants, ses 16 petits-enfants, ses 15 arrière-petits-enfants, et des 2 arrière-arrière-petits-enfants.

La messe d'adieu à Doña Magdalena a été célébrée jeudi 28 septembre à 10h du matin dans la paroisse San Jose de Aracataca.

Doña Magdalena s’en est allée au ciel des papillons jaunes, où l’auteur de Cent ans de solitude l'a précédée il y a trois ans. Son «brave garçon», son «Gabito», son «bébé». C'était ainsi qu’elle appelait le lauréat du prix Nobel de littérature 1982 et le fondateur du réalisme magique latino-américain.

Mourir comme dans un livre de Garcia Marquez

Doña Magdalena n’est pas partie seule. La même nuit, son voisin, le señor Tali, à qui elle proposait du café chaque matin, a été retrouvé mort dans les draps blancs de son lit. Son fils était allé lui annoncer que Doña Magdalena était décédée et qu'il n'aurait plus son café quotidien. C’est ce qui s’appelle mourir comme dans un livre de Garcia Marquez; après tout, l’univers de Macondo est peut-être plus réel qu’il n’y paraît.

Doña Magdalena nous avait raconté Gabito petit. «Si gentil» et déjà têtu: «Quand il jouait à la toupie avec les autres gamins, il se battait pour s’emparer de leurs jouets. Il était fier, il ne manquait de rien. Mais quand un jouet lui plaisait, il le prenait». Cinquante ans plus tard, le caractère du grand homme ne s’était pas émoussé. L’Académie suédoise en a fait l’expérience au moment de lui remettre le Nobel. Après un échange tendu au sujet du protocole, Gabo, refusant le frac, était allé à Stockholm en costume traditionnel de la côte colombienne, la Guayabera.

Doña Magdalena a appris la nouvelle du Prix par les journaux. Elle n’avait jamais revu Gabito depuis que, avec ses parents, il avait déménagé d’Aracataca à Sucre.

C’est le colonel Nicolás Ricardo Márquez Mejía et son épouse Tranquilina Iguarán Cotes qui l’avaient embauchée, moyennant un contrat en bonne et due forme: «J’avais 12 ans et je gagnais trois pesos.» Elle devint ainsi la nounou du premier petit-fils du couple, Gabriel Garcia, fils du télégraphiste Gabriel Eligio Garcia et de Luisa Santiaga Marquez. «C’étaient de bonnes personnes. Don Nicolas était généreux avec tout le monde. De même que la maman de Gabito, Doña Luisa Santiaga.» 

Rire et exister intensément

A Carlos Manrique, journaliste colombien et ami de sa famille, Doña Magdalena a dit avoir en quelque sorte vu Gabito déjà dans le ventre de sa mère puisqu’elle a rencontré Doña Luisa Santiaga quand elle était encore enceinte. «C’était, commente le journaliste, le dernier témoin d’un moment historique fondamental, où les Colombiens ont pu aspirer à une reconnaissance mondiale, eux qui vivaient jusque-là dans l’oubli du monde.»

Carlos Manrique, journaliste colombien et ami de sa famille, et Doña Magdalena l'an passé. © Domenica Canchano Warthon

Doña Magdalena a fêté ses cent ans le 22 juillet, entourée de sa smala, famille et amis. Elle avait participé à la fête en chaise roulante car l’inconfort physique augmentait. Ce qui ne l’empêchait tout de même pas d’amener son café au señor Tali. Son nene disait que, contre la mort, il n'y a rien de mieux que d'écrire beaucoup. La petite grande femme n'a pas suivi le conseil: elle n’a jamais appris à écrire. Sa recette à elle, c’était de rire de la vie et d’exister intensément, même à 100 ans.


Précédemment dans Bon pour la tête

Nounou Magdalena: 100 ans de sollicitude

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