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Fascinés par le grand jeu mené à Anchorage et Washington, nous avons quelque peu détourné nos regards du Moyen-Orient. Où les tragédies n’en finissent pas, à Gaza et dans le voisinage d'Israël. Où, malgré divers pourparlers, aucun sursis, aucun accord de paix ne sont en vue. Où un nouvel assaut massif se prépare sur le nord de la bande gazaouie. Et voilà que Benyamin Netanyahou livre en outre le fond de sa pensée: il rêve du «Grand Israël».



L’info a fait peu de bruit. Le 12 août, sur la chaîne i24News, on lui demande son opinion sur le plan maintes fois évoqué par ses ministres extrémistes: élargir définitivement le territoire de l’Etat juif par l’annexion de Gaza, de la Cisjordanie, de la Jordanie, d’une partie du Liban et de la Syrie, un jour d’une frange de l’Egypte et peut-être de l’Irak. Au nom d’une interprétation biblique. Le chef du gouvernement israélien a répondu à deux reprises qu’il était «tout à fait d’accord avec cette vision», se disant investi d’une «mission historique et spirituelle» pour étendre les frontières de l’Etat hébreu selon cette perspective.

En fait l’entreprise a commencé il y a plusieurs décennies. Dès 1967, puis avec l’annexion officielle du Golan, plus récemment avec le contrôle du territoire syrien proche de Damas et celui de la partie du Sud Liban proche de la frontière, surtout bien sûr avec l’intensification de la colonisation en Cisjordanie, où vivent déjà plus de 700 000 Israéliens aux côtés de 3 millions de Palestiniens. Un projet vient d’être approuvé d’établir un nouveau quartier juif sur un espace de 12 kilomètres carrés au nord-est de Jérusalem, l’un des rares passages entre Ramallah, au nord de la Cisjordanie, et Bethléem, située au sud. Un ministre a affirmé avec un grand sourire que c’est là l’enterrement de tout projet d’Etat palestinien: «Il n’y aura plus rien à reconnaître!»

La mission messianique plutôt que le droit international

L’annonce d’une nouvelle offensive destinée à l’occupation totale de Gaza, en dépit des réticences de l’état-major et des énormes manifestations d’opposants israéliens, s’inscrit dans cette perspective. Personne ne peut croire qu’en cas de succès – plus que douteux – Israël laissera à d’autres, on ne sait pas trop qui, le contrôle de ce territoire. Le rappel de 60 000 réservistes, l’incitation aux Juifs de la diaspora, de France, des Etats-Unis, à rejoindre l’armée, tous ces préparatifs belliqueux surajoutés au désastre actuel montrent qu’il ne s’agit pas seulement d’éradiquer le Hamas, invaincu depuis bientôt deux ans, mais bien, à terme, d’annexer ce territoire. Plusieurs voix, proches du gouvernement, le disent sur les réseaux sociaux avec un cynisme éhonté.

Le changement du discours est notable. A chaque débordement d’Israël sur son voisinage, il était question de le défendre contre une menace, réelle ou supposée. Avec le plan du «Grand Israël», ce n’est plus le propos. Il s’agit d’accomplir une vision messianique. A preuve, la Jordanie n’a jamais représenté le moindre péril pour l’Etat hébreu mais elle est incluse dans la carte rêvée des mégalomanes conquérants. 

Un chef de gouvernement affirme donc qu’il ne reconnaît aucun droit international, que seule sa mission messianique l’anime. On s’en doutait depuis belle lurette mais cette fois, c’est dit expressis verbis. Cette ambition folle favorise une montée en puissance des discours racistes, de la volonté même d’en finir avec la notion de peuple palestinien. Envoyer ces sous-hommes tous terroristes potentiels au diable… ou au Soudan Sud!

Aucune réaction de l’Occident!

Les pays arabes, concernés ou pas, ont vivement protesté. Côté occidental, rien! Aucune condamnation formelle de ces propos incendiaires. Parce que nos Etats prétendument attachés aux règles du jeu mondial ne croient pas à la concrétisation du plan au vu des spasmes de la société israélienne, divisée, inquiète, déjà à court d’effectifs militaires? Peut-être, mais il y a des principes à marteler. Un pays allié, soutenu par nos démocraties, ne peut pas dire ni faire n’importe quoi. Le verbe pèse en politique. En l’occurrence, il prolonge une chaîne de conflits pour longtemps.

Qu’aucune sanction sérieuse – cet outil favori quand il s’agit de la Russie, de la Chine et d’autres – ne s’applique à Israël, à quelques rares exceptions près, c’est une honte pour les Occidentaux. On peut même y voir une complicité. 

Quel soulagement d’entendre toutes ces voix juives qui s’élèvent à travers le monde pour condamner non seulement la guerre actuelle mais les dérapages mentaux des sbires au pouvoir… Qu’attendons-nous tous pour ouvrir les yeux sur l’usage des religions caricaturées dans la géopolitique? On l’a vu avec les Talibans en Afghanistan. Quoi qu’on en dise, c’est moins le cas avec les mollahs iraniens, aussi détestables soient-ils, qui cependant ne persécutent pas les chrétiens et les juifs établis chez eux, et songent d’abord aux intérêts de leur clan et de leur nation. Quant à la résistance palestinienne, elle réunit des sensibilités religieuses diverses et se concentre sur la survie de son peuple. A Gaza, en Cisjordanie, et même à Jérusalem, les chrétiens ont plus à craindre des intégristes juifs que des activistes musulmans. 

La longue histoire des religions, de toutes, a été ponctuée d’horreurs meurtrières. Entre elles ou dans leurs conquêtes coloniales. Le judaïsme, dans sa pire lecture, ajoute un chapitre noir. Alors que dans sa perception éclairée, il a tant apporté et apporte encore à la sagesse du monde civilisé. 

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