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Analyse / Les poisons qui minent la démocratie

Jacques Pilet

12 novembre 2019

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Quatrièmes élections en quatre ans! Et la machine reste bloquée. Ni la gauche ni la droite ne disposent d’une majorité pour former un gouvernement stable. Comment en est-on arrivé là alors que la situation paraissait s’améliorer à plusieurs égards? Les poisons qui ont conduit à l’impasse méritent d’être nommés. Ils peuvent donner à réfléchir dans d’autres pays.



En appelant une fois de plus aux urnes, le chef du gouvernement social-démocrate, Pedro Sánchez, n’a pas voulu faire un coup à la Salvini, contrairement à ce qui a été dit. Depuis des mois, il tentait de trouver l’appui de l’extrême-gauche qui avait donné une majorité. Celle-ci disait oui, puis non, puis oui, puis non. Le programme, partiellement mis en oeuvre, était raisonnable. Des hausses de salaires et de rentes qui ne faisaient même pas hurler le patronat. Un dialogue apaisé avec la Catalogne. Un fort engagement européen. L’économie se portait plutôt bien. Avec une dette bien moins élevée que l’Italie, le Portugal et la Grèce. Inférieure même à celle de la France. 

C’était sans compter sur le combat des coqs. Le leader de Podemos, Pablo Iglesias (40 ans), a un ego musclé. Il ne supporte pas le fringant Pedros Sánchez (47 ans). Et son adjoint de longue date, Iñigo Errejón (35 ans) a fait scission et créé son propre petit parti (Más País). Leur discorde est pour beaucoup dans la pagaille. Face à eux, le nouveau leader de la droite (PP) qui tente de faire oublier les caciques plus ou moins corrompus d’hier, Pablo Casado (38 ans), n’est prêt à aucun pas en direction de la gauche. L’ambition et la testostérone de ces personnages augurent mal de l’avenir. 

Le durcissement des partis a une autre cause: l’extrémisme catalan. Les Espagnols irrités par l’agitation des sécessionnistes ont voué aux gémonies la gauche qui prône encore le dialogue, ils se sont tournés dans un premier temps vers le parti de centre-droit Ciudadanos qui s’est effondré dimanche. Leurs voix se sont reportées sur le PP et surtout sur la formation d’extrême-droite Vox qui a fait de ce thème son principal cheval de bataille, en plus du refus de l’immigration et de l’anti-féminisme. Oui, la Catalogne excitée empoisonne la démocratie espagnole. Et les autres régionalismes ne la renforcent pas. Les fièvres nationalistes divisent et freinent le pays.

Sa culture politique est en outre totalement étrangère à l’idée du compromis. Pourtant des voix commencent à s’élever dans ce sens, réclamant une coalition autour d’un programme de gouvernement. Sans aucun succès pour l'heure. Or le peuple étourdi par tant de discours enflammés a des préoccupations quotidiennes qui ont peu été évoquées dans les débats, enfumées non pas par la question climatique comme chez nous mais par l’idée que la nation se fait d’elle-même.


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