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Culture / L’ogre, le libraire et l’éditrice


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L’année dernière sortait «Samira au pouvoir», ouvrage d’un auteur jurassien resté quelques temps mystérieux et édité, par manque de moyens, par le service d’autoédition du géant américain Amazon. Un choix qui coûtera cher à la petite maison d’édition suisse Zarka et l’entraînera dans une aventure qui rend compte des difficultés du monde de l’édition en Suisse.



Il y a un peu plus d’un an, un ami m’envoyait un fichier à l’étrange intitulé: «manuscrit impubliable.doc». Après l’avoir lu et adoré, j’ai réussi à convaincre cet ami de publier ce manuscrit. C’est ainsi que sont nées les Editions Zarka et que je me lançais dans une nouvelle aventure professionnelle…

Quelques mois plus tard, ma première publication était là: Samira au pouvoir de Daniela Cattin était disponible en format papier et numérique! Comment cela a été possible sachant que je ne vis que d’une rente partielle de l’AI et que l’auteur ne pouvait pas allouer une somme importante à ce projet éditorial? Eh bien j’ai malheureusement dû faire appel aux services d’autopublication d’Amazon, dont le principal avantage est d’imprimer les livres à la demande et à la pièce. Ainsi, je n’avais pas besoin de payer un imprimeur pour une quantité de livres que je n’étais pas sûre de vendre.

Une mystérieuse autrice… ou auteur?

Les ventes ont été timides les premiers mois après la parution de Samira et n’ont vraiment démarré qu’avec la publication, le 18 octobre dernier, d’un article dans le journal Vigousse, qui qualifiait ce roman «d’ovni littéraire… décalé et jouissif»1. Une promotion ciblée sur les deux Jura, des publications dans divers médias sociaux, des exemplaires offerts… et voilà que des doutes et rumeurs commencent à circuler à propos de la mystérieuse Daniela Cattin. Début janvier, BPLT parlait d’«une autrice jurassienne, paraît-il»; «l’autrice ou l’auteur?»: la question est restée en suspens jusqu’au 7 février 2025. Ce jour-là, le Quotidien Jurassien publiait un article sur «le diplomate auteur d’un mystérieux roman»2 et Jean-Daniel Ruch lui-même – puisque c’est de lui dont il s’agit – confirmait lors de l’émission «Drôle d’époque» sur les ondes de la RTS s’être dissimulé sous un pseudonyme pour la publication de ce qu’il qualifie de «roman de gare».

Un coming-out littéraire dont les effets ne se sont pas fait attendre: les libraires ont commencé à s’intéresser à Samira et à contacter les Editions Zarka pour passer commande! Parmi eux, celui de Saignelégier qui, apprenant lors de notre échange d'e-mails que je faisais imprimer les livres par Amazon et ne pouvais les recevoir à prix d’auteur qu’en les faisant livrer en France, me souhaite «bonne chance […] avec ces filous!» et renonce à sa commande.

«F*ck you, Mr. Bezos!»

L’histoire ne s’arrête pas là. Dix jours plus tard paraissait dans le Franc-Montagnard un article3 relatant les dessous de la création des Editions Zarka et de la publication de Samira au pouvoir. Le sang du libraire susmentionné n’a fait qu’un tour! Le voilà qui envoie au Franc-Montagnard un courrier des lecteurs publié le 21 février sous le titre «La vérité sur l’affaire Daniela Cattin», dans lequel il met en doute mon travail éditorial et dénonce «une manigance transfrontalière douteuse doublée d’un pacte faustien [avec l’ogre américain], fort éloignés des valeurs de proximité, de partage, de convivialité, de soutien aux commerces et artisans locaux».

Quelle claque! Moi qui ai passé des heures à lire, relire, corriger le texte, le mettre en page, dessiner la couverture, préparer une publication belle et agréable à lire, bref, à effectuer tout le travail éditorial sans la moindre rétribution d’avance… Sans oublier que je devais aussi créer un site de vente pour les Editions Zarka, ouvrir des comptes bancaires, engager ma responsabilité, investir un peu d’argent pris sur les premières ventes et officialiser ma petite entreprise individuelle en l’enregistrant au registre du commerce. Un travail énorme sur des mois!

Je n’avais commis qu’un seul péché, celui de me servir d’Amazon comme imprimeur! Sur ce point, je ne pouvais donner tort au à mon détracteur. Et comme la passivité n’est pas dans mon caractère, j’ai mis en route l’opération «F*ck you, Mr Bezos», également motivée par mon dégoût de tous ces milliardaires qui lèchent les bottes de l’orange fripée qui règne à nouveau aux USA.

L’autopublication à la française cette fois-ci

Il me fallait désormais résoudre deux problèmes: d’une part, disposer de livres pour la vente en Suisse, que ce soit via les librairies ou directement par le site des Editions Zarka, assez bon marché pour garder une marge décente et le même prix de vente et, d’autre part, rendre le livre disponible pour des commandes hors de Suisse.

C’est ainsi que j’ai découvert une autre plateforme d’autopublication, française cette fois, avec un véritable contact humain (ce qui n’est vraiment pas le cas avec Amazon) et de bonnes conditions d’impression à la demande: Bookelis.com. Il a alors fallu à nouveau préparer mise en page et couverture, pas seulement pour Samira au pouvoir, mais également pour les versions en anglais et en italien des mémoires de Jean-Daniel Ruch que j’avais éditées l’année précédente, ainsi que pour mon propre roman, Un cadeau empoisonné, paru en français en novembre dernier, puis en allemand et en anglais au début de cette année, et pour la réédition de ma plaquette de poésies Ligne de vie. Au total, sept ouvrages à republier! Cela m’a pris quelques semaines, mais tous ces livres sont désormais disponibles sur Bookelis.com. Ils restent en vente sur Amazon, mais avec un prix nettement augmenté et l’indication de l’endroit où ils peuvent être trouvés au meilleur prix.

Imprimer en Pologne à moindre coût

Et les livres pour la Suisse? J’ai également résolu ce problème en m’adressant à un imprimeur polonais qui peut produire au même prix qu’Amazon mais en livrant directement chez moi, à condition d’imprimer par tranches d’au moins 100 exemplaires. Après consultation avec l’auteur, nous avons décidé de repousser le partage des bénéfices et de passer commande. Informé de mes démarches par un nouvel échange d’e-mails, le libraire de Saignelégier a été pacifié: il s’avère qu’il est «un grand fan de la Pologne» et qu’il est «prêt à revoir [son] jugement». Quelques semaines plus tard, j’avais entre les mains une belle épreuve papier et j’ai pu donner le feu vert à l’imprimeur polonais pour lancer la commande. Les premiers 100 exemplaires m’ont été livrés à Bienne la semaine passée.

Comme quoi, impossible n’est pas Zarka !


1 Article disponible sur le site des Editions Zarka

2 Ibidem

3 Ibidem

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@NTNP02 18.04.2025 | 18h53

«Je me pose des questions, sachant que les imprimeurs locaux - donc de Suisse romande - sont à la peine...»


@Marta Z. 18.04.2025 | 21h09

«@NTNPO2 (réponse de l'auteur)
Étant polonaise, et au vu des tarifs suisses, je préfère faire imprimer en Pologne plutôt que devoir monter les prix de vente... Je serais ravie d'imprimer en Suisse, mais pour cela, il me faudrait la garantie de vendre des milliers d'exemplaires! Peut-être cela sera possible si les commandes pleuvent... Aux futurs lecteurs de jouer! Pourquoi ne pas commencer?»


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