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Grâce à la recommandation d’une connaissance commune comme linguiste très méticuleuse, j’ai été amenée à collaborer avec Jean-Daniel Ruch pour relire et corriger le texte original de ses mémoires. J’ai ainsi eu le privilège de prendre connaissance en avant-première de son livre «Crimes et tremblements». En le lisant et relisant, j’ai découvert un homme qui croit au dialogue, qui sait que seule la connaissance approfondie des uns et des autres peut permettre l’approche objective des problèmes soulevés et donc à l’espoir d’une résolution de ces derniers.



Pour Jean-Daniel Ruch (JDR), il faut écouter les exigences et les attentes de tous les acteurs en présence. Comment résoudre un problème si on ne connait pas les données? dit-on en algèbre. Si nous n’étudions pas ce qui s’est passé hier, nous ne pouvons pas comprendre ce qui arrive aujourd’hui, et encore moins prévoir ce qui pourrait arriver demain.

JDR nous emmène en voyage dans un passé récent et nous parle de ce présent que certains refusent de comprendre, bloqués dans des narratifs immobiles et partiaux, alors que le monde change au jour le jour, chaque nouvel évènement géopolitique entrainant des conséquences souvent imprévisibles. Il nous emmène principalement dans les Balkans et au Proche-Orient. Il nous dévoile des larges pans de son parcours diplomatique, riche en rencontres, agréables ou non. Avec lui, au fil des pages, nous allons ressentir de l’espoir, du dégoût, de la tristesse et de la joie. Les sujets abordés sont toujours sérieux, mais certaines anecdotes nous font sourire, parfois carrément rire (Couchepin au Liban, c’est vraiment une perle!).

JDR est un homme qui ne craint pas de dire ce qu’il pense, au risque de faire des vagues. C’est probablement pour cela que l’on a voulu l’écarter d’un poste où il aurait pu prendre des positions qui dérangent, nous dit-il en parlant brièvement du désagréable épisode qu’il a vécu à l’automne 2023. C’est bien dommage. En ces temps belliqueux, un pacifiste convaincu aurait pu nous aider à y voir plus clair. J’ai eu le plaisir d’entendre des petites histoires dont il ne parle pas dans son livre, mais qu’il m’a racontées lors de nos conversations privées après nos séances de travail. Il m’a parlé d’artistes et d’intellectuels, mais aussi de gens simples, des gens comme tout le monde, des gens qui veulent juste vivre dans un monde libre et juste, profiter de sa beauté, des amitiés et des amours, de ce qui fait que la vie vaut d’être vécue. N’est-ce pas cela qui fait de nous des êtres humains?

Avec la publication en Suisse romande de ses mémoires mi-mai dernier, JDR est sorti de son long silence. Tout à coup, nous avons pu le voir et l’entendre au 19:30 de la RTS, mais aussi interviewé par des TV locales, dans les journaux, à la radio, etc. Des titres comme «Le paria de la diplomatie suisse s’explique sans tabou» (Tribune de Genève, 25.05.24) m’ont fait sourire. Je vois cela comme une réhabilitation, voilà que l’on lui demande son avis sur l’actualité, on le cite comme expert…

Et puis la semaine dernière, ce fut au tour de la Suisse alémanique de l’accueillir. La Weltwoche, qui publie la version en allemand des mémoires sous le titre Frieden und Gerechtigheit (littéralement: «Paix et justice»), a organisé un «vernissage» pour l’occasion. Roger Köppel, le rédacteur en chef dudit hebdomadaire, va d’abord laisser JDR présenter son livre en lui posant quelques questions. Ensuite, l’évènement se poursuit par un débat avec le conseiller national UDC Alfred Heer, celui-là même qui, début octobre 2023 a déclenché la polémique sur la nomination de JDR au poste de secrétaire d’Etat à la Politique de sécurité, auquel ce dernier a fini par renoncer. 

Je ne vais pas vous faire un compte rendu du sujet, je trouve plus intéressant de poser quelques questions à notre ex-diplomate prévôtois:

Avant de vous laisser présenter votre livre, Roger Köppel nous apprend que c’est vous-même qui avez demandé de ne pas juste parler de votre livre et en lire quelques passages, comme c’est généralement la coutume dans ce genre d’évènement. Vous avez proposé d’inviter Alfred Heer, qui a accepté spontanément. Pourquoi ce choix?

«Parce que pour dépasser la polarisation dangereuse qui domine dans la sphère publique en Suisse et en Europe, il faut confronter les points de vue opposés. Ainsi on montre que le dialogue est possible et on offre le choix à ceux qui veulent bien écouter. Je ne partage presque aucune des convictions d’Alfred Heer, mais j’estime que ce débat a été utile de ce point de vue.»

A quoi vous attendiez-vous en vous rendant à cette soirée?

«A un match de catch. En fait, ce fut très civilisé.»

Dès que Alfred Heer vous a rejoint sur le devant de la scène, il a été très peu question de votre livre. Vous avez surtout abordé la géopolitique: conflit Hamas-Israël, conflit Russie-Ukraine, rôle de la Suisse et sa neutralité… Avez-vous apprécié que ces sujets soient longuement évoqués et que vous puissiez expliquer vos positions sur ces questions?

«Ces sujets sont d’une telle complexité que le temps est toujours trop court pour ne traiter même que les questions essentielles. J’aimerais plus d’occasions similaires de débattre avec des personnalités qui ont des vues complètement différentes.»

Je reviens au début de l’évènement. Vous dites être surpris du grand intérêt que suscite votre livre. Vous évoquez le besoin des gens de mieux connaitre les origines des conflits. Pensez-vous que votre livre peut faire évoluer les mentalités bloquées sur la classification des parties aux conflits en bons et méchants?

«Il faut rester modeste: un livre en Suisse ne se vend jamais à plus de quelques maigres milliers d’exemplaires. Mais mon message numéro un, c’est bien celui-là: on ne règle rien en divisant le monde entre bien et mal. Chaque acteur a des préoccupations légitimes, même si ses actions ne le sont pas.»

Pardonnez mon manque de modestie, mais c’est parce que vous avez été épaté par mon travail sur votre texte en français que vous m’avez proposé une collaboration pour la publication de versions en anglais et en italien de vos mémoires. Elles sont désormais disponibles, tant en format électronique, qu’en livre papier. Qu’est-ce que ça fait de voir son livre publié en quatre langues en l’espace de quelques semaines?

«De l’angoisse, parce que soudain je réalise ce que ça signifie d’avoir ses convictions mises à nu, surtout quand elles ne suivent pas le discours dominant. Publier, ça veut dire afficher sa vulnérabilité.»

Avant de se rendre à la soirée du vernissage, JDR a enregistré une interview pour la TV locale, Telezüri, diffusée le jour-même à 18h30. Pour une fois, c’est une femme qui se charge de l'entretien. Mais en zurichois! Admirable, JDR semble tout aussi à l’aise que face à un Philippe Revaz ou Duja (dans son émission la Chose publique sur Couleur3 du 3 au 7 juin dernier) qui partagent sa langue maternelle. 

Pas de grande surprise, il est question des points culminants de son livre. Une chose bien plus intéressante à retenir  sur la fin de l’entretien, tombe la question sur les projets de JDR: «peut-être un roman», répond-il. On ne peut que se réjouir d'en lire plus de sa plume!


Les mémoires de Jean-Daniel Ruch:

«Crimes et tremblements»

«Frieden und Gerechtigkeit»

«Crimini e tremiti»

«Crimes, hate, tremors»

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1 Commentaire

@LEFV024 25.06.2024 | 17h43

«Vive la paix!»


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