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Actuel / La Suisse impose plus la fortune que la France

Jacques Pilet

14 octobre 2017

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Le président inattendu de la France se fait attaquer de toutes parts. Normal, il a ravagé la droite et la gauche traditionnelles. L’image qui émerge de l’opposition et des médias, c’est celle du «président des riches». Non sans raison. Il supprime l’impôt sur la fortune, ne maintenant la taxe sur les seuls immeubles. Sait-il que la Suisse, ou plutôt ses cantons, ne mettent pas en cause cet impôt? Et les Suisses savent-ils qu’ils sont à peu près les seuls en Europe à le subir?



L’idée que défendent en boucle les porte-parole de Macron est simple. Un peu trop simple et très contestée. Si la fortune des Français va dans les marchés d’action plutôt que dans l’immobilier, cela donnera les moyens aux entreprises de se développer et donc, d’embaucher. Le hic, c’est que les banques préfèrent disperser l’épargne à travers la planète financière plutôt que de soutenir l’économie productive. Imaginer que cette mesure donnera un coup de fouet à l’investissement paraît naïf. Ou cynique. La thèse dite du ruissellement – on arrose les plus riches et leur argent finira bien par dégouliner vers les pauvres – est démentie partout. Aux Français d’en débattre.

Dès la plus petite épargne

Cet épisode est l’occasion de rappeler que la Suisse, à cet égard aussi, fait bande à part. Et pas dans le sens que l’on imagine. Peu de pays pratiquent cet impôt. 

- La Norvège à un taux de 1%, mais la valeur de la résidence principale est réduite au tiers.

- Les Pays-Bas à travers une taxation compliquée sur le rendement du capital, en fait 1%.

- L’Espagne, ou plutôt certaines régions et à des taux différents, à partir d’un seuil d’environ 500'000 euros. Rien à Madrid. En Catalogne de 0,2 à 0,27 %.

- Le Liechtenstein, à un taux de 0,07 %

Partout ailleurs, cette ponction de la richesse a été supprimée. Pas en Suisse. Mais il n’est pas facile d’y voir clair dans le dédale des cantons et des communes. Vaud, Genève et Neuchâtel paraissent être en tête de peloton. Schwytz bien sûr en queue. Le taux de base vaudois, par exemple, varie entre 0,4 et 3 pour mille. A Genève, cela part à 1,75 pour mille dès le premier franc, à 3,5 pour un demi-million, à 4,5 au-delà de 1,4 million. Mais cela peut aller au-delà selon le coefficient de la commune. Et attention, tout est compté, le bas de laine mais vos biens aussi, la voiture, le logement si vous êtes propriétaire. Autre particularité: la Suisse est le seul pays qui applique cet impôt dès la plus petite épargne. 

Les virtuoses de «l’optimisation fiscale»

Dans tous les cas, la fortune est plus imposée que chez nos voisins. Cette situation est critiquée par la droite. En particulier parce que la valeur de l’entreprise, de l’outil de travail, est aussi frappée. Particulièrement pénalisant pour les PME et les startups. La gauche tient à cette ressource publique. Sans se préoccuper des modestes retraités, propriétaires de leur logement dont le fisc indexe le prix d’après le marché. Certaines voix s’élèvent contre cette particularité helvétique arguant que les grosses fortunes sont moins tentées de s’établir chez nous et quelques-unes sont déjà parties. Vers Londres ou ailleurs. Cela s’observe déjà. 

D’autres disent non sans raison que l’application de l’impôt est plus que problématique. En jonglant avec des sociétés internationales, grâce aux virtuoses de «l’optimisation fiscale», les plus fortunés ne s’en tirent pas trop mal. Il n’est pas sûr qu’un Patrick Drahi, géant français et mondial des télécoms, résident fiscal en Suisse, soit taxé sur les dizaines de milliards de son gigantesque patrimoine...

Assouplir le droit du travail? Cajoler les plus riches?

Il serait absurde de dire que cette fiscalité a plombé l’économie suisse. Elle ne s’en est pas mal accommodée. Macron se fait des illusions en pensant que sa suppression changera le paysage économique français. Que des réformes doivent le transformer, une majorité de l’opinion paraît le penser. Mais quelles réformes? Assouplir le droit du travail, oui, cela pourrait créer de l’emploi. Cajoler les plus riches? L’effet bénéfique attendu semble bien plus douteux. Ou alors le jeune président cherche-t-il simplement à faire plaisir aux oligarques médiatiques qui l’ont soutenu au départ? Que Macron vire à droite, c’est son choix. Il le soumettra tôt ou tard tôt au verdict électoral. Le plus troublant, c’est de voir un homme qui se dit libre dans sa tête et pragmatique apparemment possédé aujourd’hui par une idéologie simpliste.      

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