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Analyse

Analyse / Julius Malema, Nathalie Yamb et la nouvelle radicalité africaine


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Angle mort des médias mondiaux pendant des décennies, le continent africain est devenu passionnant à observer depuis la crise du Covid parce qu'il s'y passe sans cesse des événements décoiffants et qu'il y règne une espèce d'effervescence brouillonne difficile à déchiffrer mais très tonique.



On se souviendra par exemple que l'Afrique, en dépit de son PIB rachitique, fut la région du monde qui a le moins souffert de la pandémie et que sa population est sortie pratiquement indemne de la crise sanitaire en échappant à l'hystérie des passes sanitaires, au confinement, aux interdictions de toutes sortes et à la fascination morbide pour des vaccins aussi peu efficaces que hors de prix. Une leçon de bon sens et de pragmatisme salutaire assurément.

Coté institutions, le continent vient de connaitre deux élections démocratiques réussies. En octobre, l'un des plus petits pays, le Libéria, ravagé naguère par une guerre civile atroce, a élu un nouveau Président et chassé l'ancien, le footballeur Georges Weah, au terme d'une campagne qui s'est parfaitement déroulée. Plus surprenant encore, le géant du continent, l'improbable République démocratique du Congo, pourtant en proie à toutes sortes de tensions inter-ethniques et à une guerre civile sans fin alimentée par son pernicieux voisin rwandais, vient de réélire son Président sans anicroche. Personne n'aurait parié un centime sur de telles issues.

De leur côté, le Burkina, le Mali et le Niger ont annoncé fin janvier leur retrait immédiat de la CEDAO, la communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest pilotée en sous-main par la France, peu après avoir bouté l'armée française et les soldats de l'ONU hors de leur territoire. Un acte de souveraineté audacieux et totalement inédit dans l'histoire du continent et qui prélude, peut-être, à l'abandon prochain du franc CFA, cette autre survivance de la domination coloniale française, dont la dénonciation avait valu à Khadafi en 2011 une intervention armée occidentale qui lui fut fatale. 

Sur le plan économique, le classement Forbes 2024 a confirmé que l'Afrique comptait vingt milliardaires et que le plus riche d'entre eux, le roi du ciment nigérian Aliko Dangote, possédait une fortune de 14 milliards de dollars. Cet indicateur très blingbling est assez anecdotique mais il a le mérite de montrer que le continent n'est pas exclu des classements des plus riches et que le champion africain a fait fortune dans l'économie productive et non dans la rente minière du diamant, de l'or ou du pétrole.

Mais c'est sans doute au niveau des idées que l'Afrique se distingue, avec l'apparition de leaders d'opinion et d'agitateurs de neurones qui exercent une grande influence sur la jeunesse du continent. Dans les pays francophones, les trois nouveaux leaders des juntes militaires qui ont pris le pouvoir au Mali, au Burkina et au Niger, Assimi Goita, Ibrahim Traoré et Abdourahamane Tchiani, et le quatrième mousquetaire, le colonel Mamadi Doumbouya de Guinée, ont rapidement imposé leurs marques et leur style tranchant par rapport aux vieux caciques de la politique africaine. 

Chez les influenceurs, on notera l'impact grandissant de la Suisso-camerounaise Nathalie Yamb, originaire de La Chaux-de-Fonds, interdite de séjour en France et dans les pays d'obédience française. Elle publie chaque semaine des vidéos incendiaires à destination de ses 384'000 abonnés Twitter et des 317'000 auditeurs de sa chaîne Youtube. Désormais installée à Zoug, l'ex-compagne du président ghanéen Jerry Rawlings, surnommée «la Dame de Sochi» à cause de ses inclinations pro-russes, met le feu à la toile en décrétant que «chaque soldat français qui tombe en Afrique, c'est un ennemi qui tombe».

En Afrique anglophone, la palme de la radicalité revient sans conteste à Julius Malema, qui est une sorte de Steve Biko contemporain, adulé par la jeunesse des townships et par tout ce que l'Afrique compte de militants panafricanistes. Né en 1981, membre des pionniers de l'ANC, il s'est fait exclure du parti à cause de l'extrémisme de ses discours contre les Blancs sud-africains. Fondateur du mouvement des Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Fighters), Malema se positionne comme d'extrême gauche, anticapitaliste, anti-néolibéral, panafricaniste, nationaliste noir, antiblanc, antisioniste et anti-occidental. Il est devenu une icône du combat anticolonial avec sa chanson «Kill the Boers», reprise d'une vieille chanson anti-apartheid, mais qui n'est pas vraiment un hymne pacifiste. Avec un tel pedigree, rien d'étonnant à ce qu'il soit ignoré par les médias européens mais révéré sur toute la toile anglophone de Johannesburg à Monrovia et de Harare à Kampala.

Jamais le discours de «l'Afrique aux Africains» n'a été si vocal. Reste maintenant à savoir quand et comment il sera mis en musique.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@willoft 10.02.2024 | 10h37

«C'est particulièrement marqué avec l'explosion de la créativité africaine artistique (mode, chanson, etc.)
Mais aussi technique ce qui est moin visible.

Et c'est amplement mérité pour tout ce talent africain brimé si longtemps!»


@markefrem 28.02.2024 | 19h17

«Amusant article ! En réalité, Moscou et Pékin sont en train très habilement de prendre la place de la France. Le réveil risque d’être douloureux, les nouveaux colons se révéleront encore pire que les précédents. Rendez-vous dans 20 ans, avec l’espoir de me tromper.»


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