Analyse / Quand la France et l’UE s’attaquent aux voix africaines
Nathalie Yamb est une pétroleuse capable de mettre le feu à la banquise. Elle a le bagout et la niaque des suffragettes anglaises qui défiaient les élites coloniales machistes du début du XXe siècle. Née à la Chaux-de-Fonds, d’ascendance camerounaise, elle vient d’être sanctionnée par le Conseil de l’Union européenne.
En quelques années, Nathalie Yamb est devenue l’une des voix africaines les plus écoutées sur le continent noir et dans les diasporas africaines francophones, avec ses deux millions d’abonnés sur les réseaux sociaux. Pour la faire taire, le Conseil de l’Union européenne, sur pression de la France, a décidé le 26 juin dernier de la sanctionner durement (Décret UE 2025/1278).
Bien que vivant jusqu’ici à Zoug − d’ascendance camerounaise, elle est née à la Chaux-de-Fonds −, dans un pays encore relativement libre et qui n’applique pas les sanctions européennes portant atteinte à la liberté de la presse et d’opinion (telles que celles qui frappent les médias et les journalistes russes au sein de l’UE), elle s’est vue, par un effet pernicieux de capillarité préventive, fermer ses comptes bancaires suisses, saisir ses avoirs, bloquer ses cartes de crédit, interdire de voyager sur le territoire de l’UE. Pour retrouver sa liberté de mouvement, elle a quitté la Suisse pour se réfugier à Niamey, au Niger.
Son crime? Des violations répétées des droits de l’Homme? Des crimes de guerre ou contre l’humanité? Des attentats? Des assassinats d’enfants comme en Palestine? Une guerre d’agression contre un Etat étranger? Que nenni! Les autorités françaises l’ont bannie en janvier 2022 et elle est dans leur collimateur depuis le moment où elle a osé braver le néo-colonialisme français en Afrique et dénoncer l’exploitation du sous-continent par les multinationales, la domination du franc CFA qui empêche toute souveraineté monétaire et financière des pays de l’Ouest africain, l’hypocrisie des troupes françaises qui occupent militairement leurs anciennes colonies sous prétexte d’assurer leur sécurité.
Son seul tort: critiquer les agissements de la France et de l’Occident en Afrique
Le Journal officiel de l’UE justifie cette décision parce qu’elle aurait notamment pris «pour cible la France et l’Occident dans le but de les évincer du continent africain». Bigre! Les 27 ministres des affaires étrangères de l’UE se sont donc réunis toutes affaires cessantes pour voter l’ostracisme et la déchéance des droits d’une femme isolée dont le seul tort était de critiquer les agissements de la France et de l’Occident en Afrique.
Pour faire passer la pilule auprès des médias et des ONG censés défendre la liberté d’expression − on attend toujours les protestations de RSF (Reporters sans frontières) − Bruxelles a utilisé le subterfuge habituel, à savoir que Nathalie Yamb serait un agent russe, un sous-marin de Poutine. Comme il eût été trop ridicule et risqué d’en faire un cas en soi, la mesure a donc été rattachée au train des sanctions antirusses. Russie-Afrique: même combat pour l’Union européenne! Et l’on s’étonne qu’après des amalgames aussi grossiers, la France et l’Europe perdent du terrain en Afrique au profit de la Russie…
La politique liberticide de l’Union européenne
Naturellement, la politique liberticide de l’Union européenne ne s’arrête pas là. Dans la guerre que la présidente pro-européenne de la Moldavie, Maya Sandu, livre à son opposition, elle a réussi à faire sanctionner sept de ses opposants politiques, dont un ancien premier ministre et un ancien président, tout en faisant condamner la présidente de la Gagaouzie Evgenia Gutsul à sept ans de prison bien que cette province du sud de la Moldavie jouisse d’une autonomie reconnue par la Constitution. Outre des Moldaves et des Russes, l’UE sanctionnait dans la foulée quantités d’autres personnes et entités, de l’Iran à Haïti, en invoquant la plupart du temps des complicités avec Moscou. L’alibi russe couvre désormais tout et n’importe quoi et est devenu aussi courant que les fausses accusations de terrorisme proférées par l’Administration Bush au début des années 2000 et qui avaient débouché sur le scandale des prisons de la CIA à Guantanamo et Abu Ghraib.
Il est vrai qu’après avoir falsifié le résultat des élections présidentielles roumaines en invalidant la candidature du vainqueur du premier tour Calin Georgescu, l’Union européenne n’est plus à une infamie près.
Aucune légalité internationale
On rappellera que les sanctions européennes et américaines, qui n’ont aucune légalité internationale, sont loin d’être anodines. La prestigieuse revue médicale britannique The Lancet vient de publier une étude sur les effets des sanctions sur la mortalité (Francisco Rodriguez at alii, Effects of international sanctions on age-specific mortality: a cross-national panel data analysis, August 2025).
Il en ressort que les sanctions unilatérales prises par les pays occidentaux ont tué en moyenne 564 258 personnes par an entre 1971 et 2021, soit autant que les victimes civiles des guerres et cinq fois plus que les soldats tués au combat (106 000 morts par an). Les enfants en-dessous de 5 ans en sont les principales victimes (51 % du total des personnes tuées). Les sanctions occidentales sont aussi beaucoup plus létales que les sanctions des Nations Unies (les seules légales en droit international) parce qu’elles sont ciblées pour occasionner le plus de dommages possibles. Leurs mortels effets sont notamment causés par l’interdiction du dollar et de l’euro dans les transactions internationales (qui empêche les pays sous blocus de se procurer de la nourriture et des médicaments). Enfin, l’étude note que la létalité des sanctions euro-américaines tend à augmenter au cours du temps.
Une autre étude a tenté de chiffrer l’impact économique des sanctions à partir du cas vénézuélien. Entre 2017 et 2024, ce pays a perdu 226 milliards de dollars, soit plus de deux années de PNB ou 77 millions de dollars par jour. (They are making Venezuela’s economy Scream, May 2025, thetricontinental.org)
A celles et ceux qui avaient applaudi aux sanctions américaines contre l’Irak (un million d’enfants tués en dix ans selon l’ONU) et qui se taisent devant les massacres de civils commis depuis 22 mois en Palestine, on ne peut que recommander la lecture de ces articles et le visionnement du podcast de Yamb. (Nathalie Yamb réplique aux sanctions de l’Union européenne, You Tube, août 2025).
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Chan clear 15.08.2025 | 11h50
«Femme d’affaire remarquable, déjà récolté chf 44’000.- via sa présentation YouTube.
Mais Madame Yamb a un passeport suisse? Ce n’est pas mentionné dans l’article ni dans sa vidéo.
Merci pour la présentation de cette personne , nous ne connaissions pas !»