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Répondant à une invitation chinoise, j’ai participé pendant une huitaine de jours à diverses rencontres organisées à l’occasion du 3ème Sommet des Routes de la Soie qui s’est tenu à Pékin mercredi. Par son ampleur, ce forum a été le plus grand événement international depuis la tenue des Jeux Olympiques d’hiver en février 2022.



Plus de 130 pays, des dizaines de chefs d’Etat, de Premiers ministres et de ministres de tous horizons et de toutes obédiences y étaient visibles, à l’exclusion notable des Occidentaux et du G7, qui n’étaient représentés que par le voisin japonais et quelques dirigeants des Balkans.

Faute de recul, je me permets de vous livrer quelques impressions à chaud. Sur le plan interne, d’abord, j’ai eu le sentiment que la Chine avait fait un bond en avant en matière de numérisation de la société, bien au-delà de ce qui se fait chez nous. Impossible de survivre sans l’application WeChat, qui règle à peu près tous les problèmes de la vie courante. Anecdote en passant: les cartes de visite, naguère indispensables à tout échange, ont disparu au profit de QR codes personnalisés. Toutes les applications courantes en Occident, Google, WhatsApp, YouTube, Facebook, Telegram, X et autres LinkedIn ont été bannies au profit de solutions chinoises. Par réaction contre le boycott de Huawei et les accusations d’espionnage ou par volonté de censurer les influences étrangères? A chacun de juger.

Nul doute aussi que l’économie chinoise est en plein redéploiement. Une visite en train à grande vitesse (350km/h quand même) au port ferroviaire de Xian, départ des nouvelles routes de la soie vers l’Europe et l’Océan indien, suffit à démontrer la détermination de Pékin à trouver de nouveaux débouchés commerciaux avec le Sud global, le Moyen-Orient et la Russie. Tout en révélant, à voir les chantiers et les dizaines de tours à l’abandon, l’ampleur de la crise immobilière et du surinvestissement dans le bâtiment. Spectaculaire mais moins dévastateur que la crise américaine des subprimes en 2008.

Mais le plus troublant, c’est le fait que les dirigeants chinois semblent avoir entériné la  nouvelle partition du monde. Ils ont pris acte de l’éloignement – de l’hostilité? – de l’Occident à leur égard et se concentrent sur les pays les mieux disposés, à savoir la Russie, comme en a témoigné l’accueil réservé à Vladimir Poutine pendant le sommet, ainsi que les voisins asiatiques, et surtout le monde musulman, africain et latino-américain, soit les deux tiers des pays membres des Nations Unies et de l’humanité. Une option stratégique très bien accueillie par le Sud global, quoi qu’on en dise chez nous.

Officiellement, rien n’exprime une quelconque animosité contre l’Europe ou les Etats-Unis. Au contraire, on tient à préserver, autant que faire se peut, de bonnes relations économiques avec l’Occident. On insiste sur la dimension inclusive, ouverte à tous, du projet BRI. 

Mais en pratique, l’Occident est simplement ignoré. Tout se passe comme si Pékin avait pris conscience que le cœur n’y est plus et que, sous l’influence des Etats-Unis qui ont clairement défini la Chine comme leur principal adversaire – l’hystérie déclenchée l’hiver dernier aux Etats-Unis par le soi-disant ballon espion qui n’en était pas un a montré que c’était le cas – il n’y avait plus grand chose à attendre de la part des Occidentaux, et des Européens en particulier depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine. La volte-face de l’Italie, qui avait pourtant adhéré au projet des Nouvelles Routes, a aussi marqué les esprits. Pour Pékin, la pointe extrême-occidentale des Routes de la Soie s’arrête à la ligne Pologne-Balkans-Grèce.

Un mot sur la Suisse pour terminer. Notre pays n’a pas été invité à participer au sommet, alors que les Chinois tiennent la Suisse en haute estime et l’ont toujours considérée avec égard, comme ce fut encore le cas lors de la visite du président Ueli Maurer en 2019. L’Autriche a reçu une invitation, que ses ministres écologistes ont refusé d’honorer. Mais pas nous. Pourquoi? Par solidarité avec la Russie, que nous avons lourdement sanctionnée? Peut-être mais improbable.

Un confrère polonais m’a glissé à l’oreille que les campagnes menées par l’Université de Bâle, qui a coupé les ponts avec le monde universitaire chinois, et contre l’Institut Confucius de Genève, ont laissé des traces. Une vidéo anonyme a fait le tour des pays européens l’an dernier: elle dénonçait notamment avec virulence l’institut genevois comme étant un repaire d’espions chinois et s’en prenait agressivement à Ueli Maurer, dépeint – ô paradoxe! – comme un suppôt de la dictature communiste chinoise. A la suite de cette campagne, la Pologne a suspendu sa collaboration avec le réseau Confucius. Un épiphénomène peut-être, mais dont la symbolique n’a pas échappé à la Chine…

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