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A peine sorti dans les salles, «Novembre» de Cédric Jimenez nous replonge dans le drame du 13 novembre 2015. Le film se concentre sur les cinq jours d’enquête qui ont suivi les attentats. Cinq jours où les forces de l’ordre ont sué au rythme de la traque. Cinq jours en état d’urgence. Cinq jours en guerre. Une guerre qui n’a fait que commencer. Regard.



Athènes, dix mois avant les attentats. Caméra sur un marché populaire. L’ambiance sent déjà l’angoisse. La police grecque lance l’assaut. On arrête deux hommes, mais on rate la cible. Un certain Abaaoud, qui dirigera les attentats dix mois plus tard. 13 novembre 2015, Paris danse, Paris chante. L’ambiance s’allège. La contrebasse signifie aussitôt un retour à la gravité. On signale des explosions aux abords du Stade de France. On signale une fusillade en terrasse. On signale des terroristes dans la salle du Bataclan. Les forces de l’ordre réagissent et contre-attaquent.

Novembre regroupe une succession de tableaux de guerre. Les déclarations du Président Hollande sont entrecoupées de la réunion d’une cellule d’urgence. Le service anti-terroriste envoie ses hommes sur le front. Les enquêteurs ne dorment plus: ils arrêtent, écoutent, interrogent, espionnent. Cinq tableaux se succèdent: 14 novembre, 15 novembre, 16 novembre, 17 novembre, 18 novembre.

Cinq tableaux à travers le regard des forces de l’ordre. Ils essaient le tout pour le tout. Commettent des erreurs. Se rattrapent. Sans jamais perdre de vue leur objectif: bloquer ces terroristes qui, malgré les 131 morts et les 494 blessés qu’ils ont faits, n’en sont qu’à leurs premiers pas. Regard des hommes du RAID, dont la cagoule ouverte sur les yeux laisse entrevoir des gouttes de sueur. Regard du commissaire, interprété par Jean Dujardin, qui tâche de rester impassible et professionnel, mais qui lâche par moments sous la pression.

La caméra fait l’essence et la saveur – amère! – du film. Comme s’il s’agissait d’un documentaire, la caméra court à l’épaule. Elle bouge, bascule, à deux doigts de tomber. La caméra crie l’agitation. Elle laisse fuir le mouvement. Elle passe du visage d’un enquêteur, au fil de son téléphone, à son écran, à ses mains, à un autre enquêteur, respirant à peine dans sa course contre la montre. La caméra se noie dans le mouvement. Elle se noie dans le sang d’une lueur sale et rougeâtre qui domine l’éclairage de Novembre.

Sans entrer dans leurs biographies et leurs parcours, la réalisation touche aussi au fanatisme des terroristes. Leur idéologie islamiste mortifère veut toucher Paris en son cœur, cette capitale de la débauche, cette face de l’ennemi à défigurer. Au fil des quelques interrogatoires, on reste pendu d’effroi aux lèvres de jeunes barbus fiers de leurs frères. La colère de Dieu s’abat sur vous! Et leurs yeux sourient d’un sourire d’horreur. Dans les yeux et sur la bouche, on voit l’aliénation des complices passés par les camps de préparation au djihad en Syrie.

Novembre fait mémoire du drame qui a percé le cœur de Paris, de l’Europe, de l’Occident. Novembre documente les cinq jours d’enquête à travers une fiction du réel. Novembre nous parle aussi aujourd’hui. Sans le déclarer directement, le film laisse entendre que la guerre n’a fait que commencer en ce 13 novembre 2015. Salah Abdeslam est arrêté en mars 2016, il n’est pourtant qu’un pion parmi les pions.

Les forces de l’ordre doivent rester vigilantes. En dépit des accalmies de ces derniers temps, l’idéologie islamiste est encore vivante. Elle est du reste également alimentée par l’interventionnisme guerrier de certains Etats occidentaux. Tout l’Occident doit néanmoins demeurer fort et résistant, pour préserver sa liberté, sa douceur de vivre, et sa détermination à ne pas baisser le regard face à quelque menace qui soit. On nous menace de nous égorger? On riposte, sans trahir nos valeurs, par l’intelligence et le poing. Un poing qui juge les criminels, un poing qui tape sur la table face à la violence, un poing qui se lève au ciel pour soutenir en ce moment les femmes iraniennes et pour répéter à l’envi notre défense de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

«Les frères y vont venir vous égorger tous: les uns après les autres.»


«Novembre», de Cédric Jimenez (France, 2022), avec Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain, Anaïs Demoustier, 1h47.

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