Culture / Regards de Soutine
«A contre-courant», Chaïm Soutine, Kunstmuseum de Berne, jusqu'au 1er décembre 2024.
L’exposition «A contre-courant» des grandes œuvres de Chaïm Soutine (1893-1943) a ceci de particulier qu’elle ne se regarde pas tout-à-fait. C’est plutôt le spectateur qui y est regardé. Jusqu’au 1er décembre prochain, au Kunstmuseum de Berne, ne manquez pas d’être dévisagés par des regards de petites gens, des regards douloureux, des regards qui racontent chacun une histoire. Le peintre juif originaire de Minsk, ayant fini sa vie de façon dramatique en France en 1943, sous la persécution des nazis, a un rapport déchirant à l’image comme à la vie. Enfant, son orthodoxie lui interdisait tout rapport à l’image, pouvant être considérée comme une idole. Enfant, son rapport à la vie était aussi déchiré par la pauvreté et les pogroms. Une enfance qui n’a pas pu s’épanouir; une enfance interdite, tout autant que l’art. Adolescent, il parvient néanmoins à fréquenter les Beaux-Arts. Après des natures mortes, traduisant un rapport éteint à la vie, il fréquente en France le quotidien des travailleurs qui donne à son style lumière, énergie et une force émotionnelle. Force de l’œuvre soutenue par la fragilité émotionnelle de son auteur. Au Kunstmuseum, on est ainsi regardé par Le Tzigane (1926) qui raconte son errance, les yeux ne sachant vraiment où se diriger. On est aussi regardé par Le grand enfant de chœur (1925), d’où l’inquiétude de l’âme se traduit par un habit liturgique inconfortable. C’est enfin Le valet de chambre (1927), qui vous regarde, vous interrogeant sans détours, les mains toutefois entortillées: «et vous, à quoi servez-vous?»
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