Média indocile – nouvelle formule

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Emanuelle Delle Piane a déjà publié de nombreuses pièces de théâtre et recueils de nouvelles. Mais avec «Grenier 8» qui vient de paraître aux éditions Livreo-Alphil, c’est la première fois qu’elle se lance dans l’écriture d’un roman.



Son héroïne est une dessinatrice de presse qu’un appel téléphonique de son cousin va sortir de sa routine et ramener sur les traces de son enfance. Faute de savoir dire non, elle accepte de rendre un service qui va l’obliger à commettre une violation de domicile. La maison dans laquelle elle s’introduit subrepticement lui est familière, puisqu’elle y a grandi, élevée par sa grand-mère et une vieille tante revêche.

La simple idée que quelqu’un ait pu y habiter après elle lui est insupportable. C’est dire si elle est loin de se douter de l’usage sordide auquel le grenier a été affecté.

Au fil des flashbacks amenés avec beaucoup de pertinence, les enjeux s’éclairent peu à peu et certains personnages prennent de l’épaisseur, tandis que d’autres sont volontairement maintenus dans un flou qui laisse toute latitude à l’imagination du lecteur. Ainsi la mère, absente du roman comme elle l’a été de l’enfance de la narratrice, dont on sait uniquement qu’elle pète plus haut que son cul.

Emanuelle Delle Piane excelle dans l’art d’en dire juste assez pour nous faire deviner tout ce qu’elle cache à coup d’ellipses. Comme sa narratrice n’est pas du genre à céder à l’auto-apitoiement, elle nous brosse, par toutes petites touches d’apparence anodines, le portrait d’une fillette que ses parents ont jadis déposée comme un paquet encombrant dans un bistrot où personne n’avait de temps à lui consacrer et où elle était toujours sur le chemin de quelqu’un. 

Chez cette auteure d’origine chaux-de-fonnière et italienne, le style comme l’humour se caractérisent par une incisive délicatesse. Les dialogues agrémentés de nombreux régionalismes contribuent à l’authenticité des personnages et à la crédibilité de l’histoire. La structure parfaitement maîtrisée dénote un sens de la mise en scène bien rôdé. Les différents éléments de l'intrigue sont amenés très habilement et l'auteure réussit à instiller beaucoup de suspens dans un récit à la deuxième personne où il se passe somme toute assez peu de choses.

Il y a bien un scandale de mœurs, une chasse au trésor et de rocambolesques passages de frontière, mais ce ne sont là que des éléments de décor, l’important est ailleurs… 

Cela donne un roman extrêmement bien construit, touchant et ancré dans un lieu précis avec, de temps en temps, quelques audaces qui peuvent passer pour des facilités (comme de faire parler chaque étage de la maison), mais qui se justifient pleinement, parce qu’au final, cette maison a tenu lieu d’amie, c’est le regard tendre et maternel avec lequel l’héroïne s’est construite.


«Grenier 8», Emanuelle Delle Piane, Editions Livreo-Alphil, 146 pages.

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