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Analyse


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Le 15 septembre 2021, les Australiens font savoir à la France qu’ils rompent le «contrat du siècle» de 56 milliards d’euros avec son groupe industriel Naval Group et achèteront leurs sous-marins aux Etats-Unis. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian parle alors d’un «coup dans le dos» et laisse entendre que la décision est arrivée sans préavis. Dans le sillage de cette décision australienne, les Etats-Unis annoncent la création d’une nouvelle alliance désignée AUKUS (Australie – United Kingdom – United States) visant à lutter contre l’influence chinoise dans la zone Asie-Pacifique.



La rupture du «contrat du siècle» par l’Australie a causé un émoi considérable en France. Le gouvernement a été littéralement pris de court. Les milieux politiques et militaires français évoquent de manière très «franchouillarde» une «trahison» et condamnent à l’unisson la décision australienne et fustigent le rôle pervers des Etats-Unis dans cette affaire. Comme d’habitude, on observe les modalités, sans analyser le fond des choses.

Si on peut reprocher aux Américains et aux Australiens une manière une manière de procéder pour le moins sournoise et cavalière, il n’en demeure pas moins que les signes avant-coureurs d’une rupture étaient là et bien en évidence et que la France les a superbement ignorés. La France a laissé la situation dériver jusqu’au point où les Etats-Unis n’avaient pratiquement plus aucun effort à faire pour satisfaire leurs propres objectifs. En France, comme dans toutes les autres crises (terrorisme, CoViD-19, etc.) on néglige de traiter les problèmes au plan stratégique, on se contente de les traiter au coup-par-coup, on met la poussière sous le tapis et on pleurniche lorsque les choses prennent une mauvaise tournure.

Prélude

Depuis 2010, l’Australie cherche à acquérir une flotte de sous-marins modernes pour remplacer ses six bâtiments de la classe Collins vieillissants, construits par Saab.

En avril 2016, l’Australie sélectionne l’entreprise française Naval Group en vue de la livraison de 12 sous-marins d’attaque (SMA) de la classe Barracuda, pour un montant total de 50 milliards de dollars australiens (soit 34 milliards d’euros) à l’horizon 2035 (1).

La sélection du Naval Group est suivie en février 2019 par la signature d’un Accord de partenariat stratégique (APS) entre l’Australie et Naval Group, qui encadre la coopération entre les deux partenaires pour une durée de 50 ans (2).

Il est alors prévu que la construction du premier sous-marin débutera à la fin 2023, ses essais en mer auront lieu en 2031 et qu’il sera complètement opérationnel à la fin 2034. Les Australiens ont la possibilité de sortir du contrat si les délais, les coûts ou les prestations ne sont pas respectés (3).

Les SMA Shortfin Barracuda produits pour l’Australie sont une version diesel des Barracudas en service dans la Marine Nationale à propulsion nucléaire. Les Australiens préfèrent une propulsion conventionnelle, en accord avec leur politique anti-nucléaire et le respect du Traité de Non-Prolifération nucléaire (NPT). Par ailleurs, cela leur permettrait de faire mouiller leurs bâtiments dans les ports de la Nouvelle-Zélande voisine, qui n’accepte plus les navires porteurs d’armes nucléaires ou à propulsion nucléaire dans ses eaux territoriales.

Le choix australien a des conséquences industrielles: les bâtiments commandés doivent subir d’importants changements structurels afin d’être adaptés à la propulsion diesel. Cela suppose des travaux d’ingénierie assortis d’un risque industriel qui s’exprime en éventuels retards et en surcoûts.

Les non-dits

A partir de là, le mécontentement des Australiens va croissant: le Naval Group a du retard dans la distribution des spécifications, dans la recherche de partenaires industriels en Australie, etc. Les Français ont-ils sous-estimés la difficulté? Ont-ils délibérément annoncé des délais courts et des coûts limités pour battre leurs concurrents en 2016?

Toujours est-il que le projet prend du retard. De nombreux différends affectent les relations entre les deux partenaires. En 2018, les négociations sont tendues. L’insatisfaction des Australiens sur les questions de garantie et de transfert de technologie conduit Christopher Pyne, alors ministre de la Défense, à refuser de rencontrer le ministre français des Armées, Florence Parly, et les représentants de Naval Group lors de leur visite en Australie (4). Le Naval Shipbuilding Advisory Board, conseille de préparer un «Plan B» en cas d’échec.

En octobre 2019, huit mois après la signature de l’APS, la phase préparatoire du projet a déjà six mois de retard (5) et le projet fait l’objet d’un audit. En janvier 2020, le retard atteint neuf mois et les auditeurs conseillent au gouvernement d’abandonner le projet et d’y trouver des alternatives (6). En fait, les Australiens ont toujours eu des doutes sur la capacité du Naval Group de remplir ses termes du contrat.

Déjà en février 2020, les Australiens s’inquiètent des hausses de coût et craignent que les Français ne parviennent pas à atteindre les 60% de compensation industrielle promis (7).

Parallèlement, la participation des entreprises australiennes au projet prend du retard. A tort ou à raison, les Australiens ont le sentiment que Naval Group privilégie des fournisseurs français (8) et oublie les entreprises australiennes dans le cadre des affaires compensatoires. En juillet 2019, Linda Reynolds, ministre australienne de la Défense, faisait déjà part de ses inquiétudes à Florence Parly, son homologue française: les cahiers des charges en vue des appels d’offres tardaient à arriver (9). 

En novembre 2020, Jean-Michel Billig, chef du projet chez Naval Group, quitte le projet après de nombreux différends avec ses homologues australiens. Le coût du projet est passé de A$ 50 milliards à A$ 80 milliards (environ 50 milliards d’euros) (10).

Or, en janvier 2021, selon le journal Australian Financial Review, après une augmentation de 60% du coût du projet, «le Premier ministre Scott Morrison est de plus en plus exaspéré par le projet en difficulté de 80 milliards de dollars» et craint d’être pris dans un gouffre financier sans fin. Le journal révèle alors que le ministère australien de la Défense «examine la possibilité de remplacer les sous-marins de la classe Collins vieillissant par une version mise à jour du bateau d'origine et de rompre le contrat actuel avec les Français dans un contexte de frustration croissante face à l'explosion des coûts et aux délais non respectés (11)».

En février 2021, le coût total du projet atteint A$ 90 milliards (56 milliards d’euros) le gouvernement australien charge des officiers supérieurs d’examiner les options possibles pour sortir du contrat avec Naval Group (12). L’idée d’un plan B, consistant à faire revaloriser les vieux sous-marins de la classe Collins avait été écartée en 2016, mais elle est revitalisée. On parle alors d’un projet «Fils de Collins», qui serait mis en œuvre par la firme Saab Kockums. La firme suédoise est engagée dans la revalorisation des sous-marins des Pays-Bas, qui devraient être prêts pour 2027-2028 (13).

C’est ce qui explique qu’en avril 2021, le gouvernement australien refuse de signer la phase suivante du projet et met le Naval Group en demeure de  se conformer à ses demandes de respect du contrat jusqu’à septembre 2021.

Au début juin 2021, tout en déclarant rester engagé avec Naval Group, le ministère de la Défense australien évoque l’existence d’un «plan B» aux sous-marins français, au cas où le programme serait dans une impasse (14). Le premier-ministre Scott Morrison annonce qu’il discutera la question de ce projet directement avec Emmanuel Macron (15). Le 16 juin, il avertit alors le président français que l’Australie pourrait se retirer du contrat si le délai de septembre n’était pas respecté (16). En septembre, rien n’a réellement changé et l’Australie a activé son plan B.

Ce que «Sco-Mo» n’a cependant pas dit à Emmanuel Macron est que depuis avril 2020, l’Australie travaille dans le plus grand secret sur une alternative avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ainsi, le 12 juin, en Cornouailles, il a rencontré Joe Biden et Boris Johnson, pour discuter la possibilité d’un transfert de technologie pour la propulsion nucléaire des sous-marins, ouvrant ainsi une nouvelle piste (17).

Par la suite, au lieu de prendre contact avec le gouvernement français et Naval Group pour annoncer leur décision, les Australiens les ont placés devant le fait accompli. Quant aux Américains, le New York Times précise que «L'administration Biden a déclaré qu'elle n'avait pas informé les dirigeants français au préalable, car il était clair qu'ils seraient mécontents de l'accord

Les raisons techniques de la rupture

Le retrait unilatéral de l’Australie n’est pas illégal et était prévu dans l’accord signé avec Naval Group en 2016 (18): elle pouvait le faire à tout moment si le projet prenait du retard ou si les prestations prévues n’étaient pas fournies. Or:

  • D’un coût prévu de 34 milliards d’euros en 2016, le projet est passé à 56 milliards d’euros en 2020, soit pas loin du double, alors que la production n’a pas même commencé et sans compter les coûts de maintenance;
  • Déjà dans la phase initiale du projet, le projet a accumulé du retard et mettait en question la livraison du premier sous-marin pour 2034;
  • La participation de l’industrie australienne, annoncée à 90% par Malcolm Turnbull, le Premier ministre de l’époque, en 2016, est tombée à 60% en 2020. Le problème est qu’en 2020, les spécifications devant permettre les appels d’offres ont eu du retard et les contrats promis avec les entreprises australiennes n’ont pas atteint les attentes du gouvernement. Naval Group justifie ce retard par l’absence de personnels et d’entreprises qualifiées en Australie.

Donc, les Australiens ont pris peur en constatant que dans la phase initiale du projet les retards et les surcouts devenaient prohibitifs. Le projet a rapidement pris une tournure politique. Or, contrairement à la France où ce genre de problème n’est que rarement traité au Parlement, ce n’est pas le cas dans les pays anglo-saxons où le Parlement n’est pas simplement un instrument du pouvoir, mais exerce un contrôle sur l’exécutif.

Ceux qui ont une expérience dans les marchés de défense savent que la France a malheureusement des pratiques commerciales qui ne sont pas de nature à inspirer la confiance. L’évaluation des coûts et des délais est souvent très aléatoire et souvent plus destinée à obtenir un marché qu’à refléter la réalité. C’est ce qui s’était passé en Suisse dans l’affaire des Mirage dans les années 60. La frustration des Australiens pourrait très bien s’expliquer par ces seuls éléments.

Les raisons stratégiques de la rupture

Depuis le mandat de Donald Trump, les Etats-Unis tentent de faire pression sur leurs alliés pour les contraindre à les suivre dans une politique qui vise à isoler la Chine et la Russie, dans le but de préserver leur rôle de «prima donna» dans le monde occidental. Les échecs successifs au Moyen-Orient, en Afghanistan et dans la crise de la CoViD-19 n’ont fait que stimuler cette stratégie, qui pourrait se résumer par: «A défaut de s’élever, on écrase les autres».

On peut aisément imaginer que les Américains, ayant constaté les frictions dans le déroulement du projet, aient décidé de les exploiter pour reprendre la main avec l’Australie.

L’Australie est un fidèle servant de la politique américaine dans le Pacifique. Mais elle a aussi des intérêts économiques et la Chine est son principal partenaire. Les Américains ont dû lui «tordre le bras» pour qu’elle renonce à la 5G de Huawei, mais sa signature de l’accord de libre-échange avec la Chine en novembre 2020 a probablement été un signal d’avertissement pour Washington (19).

Avec la crise de la CoViD-19, et la charge lancée par l’administration Trump contre la Chine, cette dernière est passée immédiatement au premier rang des préoccupations sécuritaires des Etats-Unis et de ses alliés. Alors que l’Australie cherchait des sous-marins électriques-diesel (SSK) à faible rayon d’action pour la protection de ses côtes, elle acquiert des sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire (SSN) destinés à opérer en mer de Chine. Les SSN ont un rayon d’action supérieur et peuvent rester sur zone plus longtemps que les SSK.

Cela étant, l’Australie a probablement misé sur le mauvais cheval. Quitte à passer à la propulsion nucléaire avec les problèmes que cela suppose, elle aurait été mieux inspirée de transformer son contrat avec Naval Group et d’acheter des SSN Barracuda sur étagère, comme ceux de la marine française.

En effet, la particularité des SSN français est de nécessiter de l’uranium faiblement enrichi (UFE), alors que la technologie américaine et britannique utilise de l’uranium hautement enrichi (>60%) (UHE). L’UFE peut être acquis commercialement sans problème, alors l’UHE ne peut être obtenu qu’auprès de certains fournisseurs: l’Australie n’aurait pas été dépendante de la France, mais elle le sera de ses partenaires anglo-saxons. Par ailleurs l’UHE exige une infrastructure de stockage particulièrement lourde. Ce n’est pas pour rien que la création de l’AUKUS a été annoncée presque simultanément: elle a – entre autres – pour objectif de fournir à l’Australie la garantie d’un approvisionnement durable en UHE.

Pour l’Australie, il ne s’agit donc pas simplement d’un changement de modèle de sous-marin, mais de l’ensemble de sa stratégie de défense! D’une stratégie défensive le long de ses côtes, elle passe à une stratégie offensive avec la capacité «d’assiéger» les côtes chinoises. On est dans un concept totalement différent, et on comprend la réaction de la Chine.

Or, la marine américaine a suffisamment de capacités pour marquer une présence au large des côtes chinoises et n’a pas besoin des sous-marins australiens. Ceux-ci ne sont donc pas essentiels: le problème, pour les Américains est d’avoir le plus de monde possible autour d’eux dans leur projet d’isoler la Chine. Exactement comme la participation européenne à la guerre en Irak ou en Afghanistan, les Australiens ne sont que – littéralement – des «faire-valoir».

L’idée que la Chine pourrait devenir une menace militaire pour la région Asie-Pacifique est une obsession des Américains qui constatent depuis plusieurs années que la Chine menace leur leadership. En octobre 2020, Donald Trump avait mené les relations sino-américaines à un point tel que les services de renseignement américains estimaient que la Chine s’attendait à être attaquée militairement. C’est ce qui a forcé le général Mark Milley, Chef du Joint Chiefs of Staff, à appeler son homologue chinois le général Li Zuocheng, pour lui affirmer que les Etats-Unis ne voulaient pas attaquer la Chine.

On est donc loin des simples écarts de langage. Les Américains créent délibérément une tension. On peut penser ce que l’on veut du régime chinois, il n’en demeure pas moins que la Chine n’est pas un pays qui recherche une expansion géographique: elle n’a pas d’Histoire de volonté de conquête et même son idéologie communiste n’avait (ni n’a) la dimension messianique du marxisme russe. La détermination – qui nous choque en Occident – à limiter la croissance de sa population montre que la Chine ne veut pas être sous la pression de sa démographie.

Quant à l’idée aujourd’hui répandue qu’elle rêverait d’envahir Taïwan, elle relève des fantasmes de l’Occident. La Chine considère Taïwan comme une partie de son territoire et elle entretient des relations commerciales très dynamiques avec elle. La Chine est de loin le principal client de l’île; de plus en plus de Taiwanais vont étudier dans les écoles d’ingénieur et les universités chinoises. La convergence croissante de leurs systèmes économiques fait que les raisons qui avaient dominé leurs relations durant le XXe siècle s’effacent progressivement. Car on peut – à juste titre – être opposé au système communiste, mais force est de constater que le système qui prévaut en Chine s’en éloigne de plus en plus. A terme, on peut s’attendre à ce que la Chine «phagocyte» Taiwan «en douceur», sans nécessiter une guerre couteuse et hasardeuse. La Chine n’est ni les Etats-Unis, ni la France…

En réalité, les Américains cherchent à accroitre la pression sur la Chine. Comme l’indique un document américain du Council on Foreign Relations de 2015, les Etats-Unis applique une stratégie qui s’est déplacée du «soutien et coopération» vers la «pression et compétition (20)». Une fois de plus, il ne s’agit pas d’améliorer la situation globale, mais de détériorer celle de la Chine… même à notre détriment.

Contrairement à ce qu’affirme Pascal Boniface, l’Australie n’a pas peur de la Chine. Pourquoi devrait-elle? Il n’y a aucun différend territorial entre les deux pays, et la Chine est – et de loin – son principal partenaire commercial. On ne voit pas pourquoi, aujourd’hui, la Chine chercherait à s’y attaquer militairement ou à perturber ses voies commerciales. La situation est d’ailleurs tellement absurde qu’elle a fait l’objet d’un sketch humoristique (21).

L’Australie n’est donc pas sous pression de la Chine. En revanche, elle l’est de la part des Etats-Unis qui considèrent que dans la rivalité qui les oppose à la Chine «on est soit avec eux, soit contre eux». Comme le dit John Mearsheimer devant le Centre for Independent Studies (CIS) australien en août 2019 (22): «Si l'Australie se rangeait du côté de la Chine, vous seriez par définition un ennemi des Etats-Unis!» 

Conclusions

En définitive, la décision de l’Australie est loin d’être optimale pour le pays: elle est en ligne avec la stratégie américaine dans le Pacifique, mais pas réellement avec ses propres besoins de défense. A moins que… en y regardant de plus près, l’Australie ne s’est pas alignée avec les Etats-Unis pour se protéger de la Chine, mais pour se protéger des Américains!...

Ce qui nous amène à un autre problème. L’Australie a cédé, comme la France avait cédé en 2014 et  été victime consentante du même jeu à l’égard de la Russie: c’est sous la pression américaine que la France a dû renoncer à vendre ses navires Mistral à la Russie. La France fait le jeu des Américains, mais pleure quand elle est victime de ce même jeu…

En définitive, les Etats-Unis, on s’en serait douté, n’est pas une organisation de bienfaisance et avec certainement plus de sottise que de machiavélisme, ils agissent en fonction de leurs intérêts. Que ceux-ci soient légitimes et sages ou non est une autre question. En fait, le réel problème est notre gouvernance.

On reproche aux Américains de faire cavalier seul et de ne pas respecter le «multilatéralisme», et on évoque leur retrait de Syrie en 2019, puis d’Afghanistan en 2021, sans consultation avec leurs alliés. C’est faux. En 2018, Trump avait annoncé qu’il allait retirer ses troupes dans l’espoir que ses alliés trouvent des solutions pour les Kurdes; mais les Européens n’ont strictement rien fait et en ont été réduits à fustiger le retrait en 2019. En Afghanistan, c’est un problème semblable: le retrait américain avait été négocié pour le 1er mai 2021 avec les Taliban; c’est parce que les Occidentaux n’ont pas respecté les termes de cet accord qu’ils se sont trouvés «pris de court» en août.

Dans l’affaire des sous-marins, la France a été victime d’elle-même. Elle produit depuis des décennies des matériels de défense d’une qualité et d’une originalité remarquable. Elle en retire une légitime fierté, mais aussi une forme d’arrogance, qui la conduit à surévaluer l’attrait de ses produits. Car ils sont chers. Et si la logique militaire privilégie le meilleur pour la sécurité, la logique politique privilégie le plus acceptable budgétairement.

Les Anglo-Saxons ont été pour le moins inélégants, mais l’incapacité du gouvernement français à anticiper la crise révèle de profond dysfonctionnement dans sa gouvernance. Comme dans le cas du terrorisme et de la CoViD-19, la France est incapable d’anticiper les problèmes. Avoir négligé l’effet des retards et de l’explosion des coûts tout en ignorant la capacité des Australiens à sortir du contrat est une erreur commerciale et politique. Car ces derniers ont simplement senti qu’ils s’acheminaient vers un scandale politico-financier. Le Drian a beau vociférer aujourd’hui: il est incapable de traiter les affaires sur un plan stratégique. Ceci étant, il n’est pas le seul. La Suisse a exactement le même problème…


(1) «France wins A$50bn Australia submarine contract», BBC News, 26 avril 2016

(2) https://www.naval-group.com/fr/naval-group-signe-laccord-de-partenariat-strategique-avec-laustralie-639

(3) Andrew Tillett, «Australia can scuttle French submarine if project falters», Australian Financial Review, 11 février 2019

(4) Andrew Greene, «Future submarine project deadlocked as French shipbuilder digs in on $50 billion contract», ABC News, 27 septembre 2018 (mis à jour 28 septembre 2018)

(5) Andrew Tillett, «Submarine program hits six-month delay», Australian Financial Review, 23 octobre 2019 

(6) Andrew Tillett, «$50b future submarine sinking in a sea of delays», Australian Financial Review, 14 janvier 2020 

(7) Andrew Tillett, «Concerns over French subs pledge amid defence cash crisis», Australian Financial Review, 25 février 2020 

(8) Andrew Tillett, «Growing alarm Aussie firms are missing out on submarine work», Australian Financial Review, 3 octobre 2019

(9) Andrew Tillett, «Defence Minister gets frank with French over submarine build», Australian Financial Review, 16 juillet 2019 

(10) Andrew Tillett, «French Submarine Boss Exits Troubled $80b Project (excerpt)», Australian Financial Review, 24 novembre 2020 

(11) Andrew Tillett, «Shot across the bows on submarine contract», Australian Financial Review, 18 janvier 2021 

(12) Andrew Tillett, «$90b French submarine project could sink», Australian Financial Review, 24 février 2021 

(13) Andrew Tillett, «Shot across the bows on submarine contract», Australian Financial Review, 18 janvier 2021 

(14) Melissa Iaria, «Defence department considering a Plan B to French subs, senate estimates told», The Australian, 2 juin 2021

(15) Andrew Greene, «Defence looking at alternatives to French submarines in case $90 billion program falters», ABC News, 2 juin 2021

(16) Andrew Greene, «Scott Morrison warns France to meet multi-billion-dollar submarine deal deadline», ABC News, 16 juin 2021 

(17) Andrew Probyn, «Australia's embrace of nuclear submarine technology cements role as regional foil against China», ABC News, 16 septembre 2021 

(18) https://www.aph.gov.au/Parliamentary_Business/Committees/Joint/Treaties/FutureSubmarine-France/Report_169/section?id=committees%2freportjnt%2f024052%2f24456#footnote6target

(19) Lidia Kelly, «Australia hopes Asia-Pacific trade deal will improve ties with China – report», Reuters, 15 novembre 2020

(20) Robert D. Blackwill & Ashley J. Tellis, «Revising U.S. Grand Strategy Toward China», Council Special Report No. 72, Council on Foreign Relations, mars 2015

(21) https://www.youtube.com/watch?v=MTCqXlDjx18

(22) https://youtu.be/oRlt1vbnXhQ?t=1552

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

5 Commentaires

@simone 01.10.2021 | 14h46

«Extrêmement intéressant. Merci d'écrire ce qu'on ne trouve nulle part ailleurs.
Suzette Sandoz»


@willoft 02.10.2021 | 12h45

«Magistrale analyse.
Que ça fait du bien :)!»


@Baïka 03.10.2021 | 16h51

«Voilà un article qui donne une bonne raison de s'abonner à votre journal.
Félicitations.»


@willoft 03.10.2021 | 18h54

«P.S.
Je pensai à votre excellent papier en voyant que France TV dédie une nouvelle chaîne à la saga James Bond (que j'adore, quel talent, si l'on sait prendre du recul) pour la sortie du dernier Daniel Craig, alisa 007, faut-il encore le préciser?

Sur ce coup, France TV est plus intelligent que la SSR, verouillant l'accès aux VPN, soit à contre-courant de l'histoire... !»


@MCL 19.10.2021 | 07h07

«Merci beaucoup de nous faire profiter des analyses de Jacques Baud.»