Média indocile – nouvelle formule

Actuel


PARTAGER

La claque infligée à la France par les Etats-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne avec la rupture brutale du contrat sur les sous-marins laisse les Suisses indifférents. Certains sourient même sous cape. Ils ont tort. Ils feraient bien de tirer quelques enseignements de ce clash retentissant.



D’un jour à l’autre, sans aucune information préalable, le gouvernement australien a jeté à la corbeille la commande de douze sous-marins armés, passée en 2016. Préférant des bâtiments nucléaires américains. Sur fond de tensions entre la Chine et les USA. Quelles que soient les raisons stratégiques invoquées, la manière de faire constitue un scandale diplomatique. 

C’est une sérieuse leçon pour la Suisse qui s’apprête à acheter des chasseurs-bombardiers américains FA-35. L’ingénue conseillère fédérale Viola Amherd jure ses grands dieux que le contrat est béton, notamment sur le prix, d’ailleurs déjà annoncé à la hausse en raison de l’inflation. D’autres mauvaises surprises surviendront. Selon le bon-vouloir de Washington.

La Suisse ancre sa défense dans l'OTAN

Le président Biden se répand en belles phrases sur son projet mondial mené avec «ses alliés et partenaires». Termes inadéquats. Les Etats-Unis n’ont que des vassaux. Volontaires certes, mais soumis de fait à l’autorité de la grande puissance. Celle-ci se réserve le droit de contrôler l’usage de tous les équipements militaires livrés à ses prétendus «alliés et partenaires».

Autrement dit, avec cet achat d’avions, la Suisse ancre sa défense dans l’OTAN, sous la houlette des Etats-Unis. La France, avec ses Rafales, eût été un partenaire moins intrusif, plus proche géographiquement et politiquement. 

Pour atténuer la fâcherie avec Paris, où le président de la Confédération n’est plus invité à parader auprès de Macron comme il le souhaitait, après le Conseil des Etats, le Conseil national vient de prendre une décision sage. Un accord sera signé avec la France pour l’utilisation des images de ses satellites d’observation militaire, la Suisse n’étant évidemment pas en mesure d’en mettre un propre sur orbite. En cas de conflit, regarder ce qui se passe au-delà de nos frontières est bien sûr essentiel. Coût: 82 millions. Trop pour quelques parlementaires, à gauche surtout, qui par ailleurs jonglent sans états d’âme avec les milliards pour la défense… sanitaire.

Cerise sur le gâteau de la servilité

Notre politique internationale n’a ni queue ni tête. D’un côté la Suisse envoie une malheureuse diplomate à Bruxelles où elle multiplie des parlottes de salon dans l’espoir de renouer le fil rompu par le rejet abrupt de l’accord-cadre négocié pendant sept ans. De l’autre la Confédération se met de facto dans le camp des vassaux de l’Amérique non seulement avec des avions d’ailleurs peu adaptés à nos besoins, mais aussi en acceptant sans broncher que les banques helvétiques doivent appliquer les sanctions décrétées tous azimuts par les Etats-Unis. Et la cerise sur le gâteau de la servilité: le Conseil fédéral tient mordicus, il vient de le confirmer, à confier toutes ses données à quelque géant de la Silicon Valley. A moins que ce soit aux Chinois!

Ce gouvernement, le plus faible que la Suisse ait connu depuis des décennies, flotte dans une vision myope et erratique. Les dégâts ne se voient pas encore. Ils ne tarderont pas. A lire par exemple les propos, cités dans cette édition, du président de l’EPFL. 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

4 Commentaires

@Ancetre 24.09.2021 | 07h21

«La France, comme le Royaume Uni, ne risque pas, elle est une puissance secondaire. La Suisse par contre, dans la tête de ses dirigeants peut se permettre de se comporter comme un acteur jouant dans la cour des grands!!!
Dans les faits, si elle n'abritait pas un certain nombre d'organisations internationales et d'ONG, bien des grands de ce monde ne sauraient même pas où elle se trouve. J. Pilet a raison. Notre manque de réalisme en matière de politique étrangère, notre totale absence de vision quant aux évolutions politiques qui s'amorcent, notre arrogance ridicule et déplacée vont nous coûter très cher. La globalisation mondiale est en marche et nous n'y échapperons pas. Certes, pour un pays de 8 8Mio d'habitants, nous nous débrouillons bien. Mais en géopolitique nous sommes et resterons un nain sans influence sur l'avenir de l'humanité. Même si nous obtenons un strapontin sans droit de veto au Conseil de Sécurité.
»


@Latombe 24.09.2021 | 09h02

«et voilà Jaques Pilet de retour!,
fin analyste de la position de la Suisse jouant du triangle dans l'orchestre des nations, bien meilleur que ses sueurs moites face à une prétendue dérive dictatoriale sanitaire du Conseil fédéral, qui reste pour moi dans la moyenne de son paternalisme autoritaire...
Merci de garder la ligne de maintenir les consciences en éveil pour tous les Suisses et autres lecteurs.»


@hermes 25.09.2021 | 18h54

«Excellent article M. Pilet! Tout est dit et de manière claire et succincte. Où l'on rigolera dans un proche avenir déjà, c'est lorsque l'on épinglera l'UDC et autres eurosceptiques dans leurs contradictions au sujet de leur thème-fétiche: la souveraineté suisse!
Dix ans de cirque pour aboutir à l'annulation de l'accord-cadre avec l'UE pour mise en danger de notre souveraineté alors que simultanément on propose l'achat de F-35 branchés sur le cloud du Pentagone et la gestion de nos données numériques à Alibaba et autres GAFAM. Je trouve qu'on nous prend vraiment pour des imbéciles avec ce concept de souveraineté à géométrie variable et cela va commencer à chauffer les oreilles des Suisses! Peut-être que le CF n'est pas encore entré au XXIème siècle dans sa mise à jour du concept de souveraineté mais il y a urgence car le monde d'aujourd'hui est fait de rapports de force brutaux où seuls les intérêts des puissants seront sauvés.»


@pa.nemitz 26.09.2021 | 10h41

«L'article est pertinent. Il serait utile de revenir sur l'achat du F35 dont les pannes sont nombreuses et qui n'est pas adapté aux besoins du pays. N'est-il pas plus simple d'envoyer nos pilotes pour s'entrainer en France, ce d'autant que coopération avec ce grand voisin existe déjà ? Enfin que penser du contrôle que conservera le Pentagone sur les jets livrés?
Notre autosuffisance mentale face l'Europe ne peut qu'inquiéter tout citoyen lucide. Notre pays est au cœur du continent et l'Europe est notre principal partenaire. Pourquoi vouloir snober nos voisins? Notre réussite économique nous fait perdre la raison.
Enfin le choix des autorités en matière de sauvegarde des données du pays laisse sans voix. A n'en pas douter, le CF est trop sujet aux lobbys. Comment faire pour susciter une réflexion globale sur la position de la Suisse susceptible de servir de fil rouge aux actions du gouvernement et du parlement?»


À lire aussi