Analyse

«Bombe à retardement», «Déjà vieille avant d’être riche», «Géant au pied d’argile», «Sur la mauvaise pente»: on ne compte plus le nombre de commentaires négatifs à l’occasion de la publication des chiffres du dernier recensement chinois. Et la plupart de se réjouir du déclin démographique, du vieillissement de la population et des difficultés à venir pour le «régime»  du pays le plus peuplé du monde.

Désolé pour les Cassandre et les amateurs de «schadenfreude» sinophobe, je considère cette annonce comme une bonne nouvelle aussi bien pour la Chine que pour le monde en général.

Tout d’abord, on notera que ce «déclin» est très relatif puisque la Chine a connu un accroissement de la population de 5,8% durant la dernière décennie! Cela dit, la forte baisse de la natalité annonce en effet un vieillissement accéléré de la population et, à terme, un déclin démographique. Et c’est tant mieux pour toute la planète.

Pour la Chine, comme pour l’Europe, la Corée ou le Japon avant elle, cela signifie qu’elle n’aura plus à courir derrière la croissance démographique, à absorber des dizaines de millions de nouveaux travailleurs chaque année et qu’elle pourra donc se consacrer à un développement économique plus qualitatif, moins dépendant des exportations, moins prédateur sur l’environnement. Une économie plus mature, plus axée sur les services, l’innovation, l’automation, les loisirs. Le gouvernement chinois était jusqu’ici concentré sur des problèmes de pauvres, il sera désormais confronté à des problèmes de riches. Cela fait quarante ans que nous avons vécu cette transition démographique en Suisse, en Allemagne ou au Japon, après la fin du baby-boom d’après-guerre, et on ne voit pas pourquoi la Chine n’y ferait pas face avec autant de succès. La seule chose qui devrait retenir notre atttention, c’est qu’elle le fasse avec davantage d’efficacité, ce qui accentuerait encore l’écart entre les deux mondes.

Quant au reste de la planète, ce répit démographique chinois devrait aussi lui être bénéfique. C’est un tabou que personne ne veut briser, bien qu’on sache pourtant que la croissance démographique incontrôlée de l’humanité est une menace pour la survie de notre espèce. Et dans ce domaine, que ce soit en Asie du Sud-Est, en Inde, en Amérique latine et surtout en Afrique, il y a encore des progrès à faire. Si la baisse de la natalité semble désormais bien amorcée ailleurs, la situation de l’Inde et de l’Afrique devrait nous alarmer. La population de l’Afrique subsaharienne va augmenter d’un milliard d’habitants dans les prochaines décennies. Des pays comme le Nigeria, le Niger, le Mali devraient bientôt figurer parmi les plus populeux de la planète. Quand on sait la précarité économique et écologique de ces régions et l’énorme instabilité sociale et politique qui va en découler, voilà qui devrait beaucoup nous inquiéter.

Il est temps de cesser de considérer le nombre comme un signe de puissance.