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Actuel / Le cimetière aux 7 millions de tombes

Florence Perret

15 juin 2017

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Un jeune droniste a immortalisé un lieu unique: le cimetière de la «Vallée de la paix». La plus grande nécropole du monde. Ses images sont d'une force incroyable.



Il est jeune (23 ans), aisé (sans nul doute) et fasciné par ce lieu saint (la ville de Nadjaf), située à deux heures (170 kilomètres) au sud de chez lui. Ali Hashim Moon vit à Bagdad (Irak). Etudiant en économie, Ali est avant tout un passionné de photographie. Il possède plusieurs Nikon (4) et, depuis l’an dernier, un drone (blanc).


Ali Ashim Moon

Ali Hashim Moon, droniste, Bagdad

En soi, rien de bien passionnant si ce n’est qu’Ali Hashim Moon a immortalisé grâce à son drone un lieu unique, hors du temps: le cimetière de Wadi al-Salaam, la «Vallée de la paix». La plus grande nécropole du monde. Les images qu’il dévoile dans sa vidéo tournée il y a quelques semaines donnent des frissons tant en raison de leur force que de leur dimension. On y découvre une ville mortuaire gigantesque de quelque… 7 km2, soit trois fois la superficie de Vevey. Des tombes de briques, de plâtre, de terre cuite. Des caveaux souterrains, des mausolées dont certains datent du VIIe siècle. De l’an 661 exactement, date à laquelle Ali Ibn Abi Talib, cousin de Mahomet, premier imam chiite, fut assassiné et enterré en secret.

Un corps toutes les 4 minutes

1400 ans plus tard, le cimetière, troisième lieu saint de l’Islam chiite après La Mecque et Médine, accueille entre 5 et 7… millions de tombes. Des dépouilles d’Irakiens bien sûr mais aussi d’Iraniens, d’Indiens, d’Afghans, de Pakistanais, de Koweitiens et de Libanais. Ali, chiite, ne compte plus le nombre de fois où il s’est rendu à Wadi al-Salaam. «Mon oncle, ma tante, des amis y sont enterrés», dit-il dans un anglais très approximatif.  La dernière fois que le Bagdadi y est allé, c’était le 18 mars dernier. Ali y a fait voler son drône «durant cinq heures».

Résultat: des images d’une force incroyable. Des tombes à perte de vue. Un labyrinthe qui grouille de monde, de morts comme de vivants. Dans ce cimetière, on enterre, encore et encore. 73'000 fois l'an, deux cents âmes par jour, un corps toutes les 4 minutes…

L'Etat islamique fait exploser les statistiques

C’est vrai, le rythme s’est accéléré ces dernières années. Déjà durant la guerre d’Irak de 2003 – Ali avait 9 ans – les fossoyeurs redoublaient de travail. Sans compter les nombreuses destructions de l’armée irakienne qui y pourchassait la milice qui s’y cachait. Les combats avec l’Etat islamique dont le bastion ne se trouve qu’à 200 km au sud ont encore fait exploser les statistiques.

Et les prix. Désormais, une parcelle familiale de 25m2 coûte 5 millions de dinars (4200 francs), le double de ce qu’elle coûtait avant l’insurrection.

Cela ne semble pas être un problème pour Ali: «Je serai enterré là, avec ma famille.»


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