Média indocile – nouvelle formule

Lu ailleurs

Lu ailleurs / La bulle des taxis jaunes


PARTAGER

Il y a quelques années, les licences des taxis new-yorkais pouvaient coûter jusqu'à un million de dollars. Cela à cause des spéculations de ceux qui ont octroyé des prêts. Depuis, les prix se sont effondrés et des centaines de personnes ont été poussées à la faillite. Et la faute n'incombe pas seulement aux services de covoiturage Uber et Lyft.



Depuis que les taxis jaunes sont devenus un symbole de New York, une industrie impitoyable s'est développée autour d'eux.

Une enquête en deux parties publiée à la fin du mois de mai dans le New York Times a révélé l'existence d'une bulle spéculative autour du marché des licences pour conduire des taxis à New York. 950 personnes ont été poussées à la faillite et des milliers d'autres sont en grave difficulté économique.

Entre 2002 et 2014, le coût d'une licence est passé de 200.000 à près d'un million de dollars. Ce prix est souvent volontairement gonflé par les sociétés vendeuses des licences. Ces mêmes sociétés ont également consenti des prêts avec des intérêts très élevés à des personnes dans l'incapacité d'assumer leurs obligations financières.  

La bulle des licences a éclaté fin 2014. Jusqu'à cette année, la bulle avait résisté jusqu'à l’arrivée de la concurrence sur le marché des taxis à New York. 

Depuis que les services de ride sharing - comme Uber et Lyft - ont commencé à devenir de plus en plus populaires dans la ville, les revenus des chauffeurs de taxi ont considérablement diminué, les empêchant de pouvoir rembourser les dettes contractées pour les licences. Uber et Lyft ont peut-être accéléré la crise et, selon des centaines d'interviews réalisées par le New York Times, incluant de nombreux prêteurs, ceux-ci ont affirmé que des prix gonflés et des pratiques de crédit risquées auraient provoqué un effondrement même si le covoiturage n'avait pas été inventé.

Les personnes qui ont acheté  les licences étaient principalement des immigrants, qui souvent ne parlaient même pas l'anglais.

Suicides

En février 2018, la mort de Douglas Schifter a mis en lumière les difficultés financières des professionnels du taxi. L'homme s'est tué aux portes de l'Hôtel de ville. Dans une note sur les réseaux sociaux, il a expliqué que les rues de New York étaient destinées à des conducteurs «désireux de nourrir leurs familles» et a accusé Uber de les avoir forcés à opérer à faible coût. «Je ne serai pas un esclave qui travaille pour de la petite monnaie» a-t-il conclu. 

Comme l'écrit le journal El País, beaucoup de ces chauffeurs de taxi habitent dans le Queens et le Bronx, quartiers représentés par la progressiste Alexandria Ocasio-Cortez, élue du 14ᵉ district de New York à la Chambre des représentants des États-Unis. 

Lors d'une audience devant le Congrès, elle a dénoncé les pratiques prédatrices qui ont conduit des milliers de chauffeurs de taxi à la ruine. «Ce sont des gens ordinaires», a-t-elle déclaré. «Pour la plupart, ce sont des immigrants qui tentent de démarrer une nouvelle vie». Elle a décrit le comportement des prêteurs criminels et a demandé le sauvetage des débiteurs. «Les régulateurs le savaient, dit-elle, la ville le savait». Après la publication de l'enquête du New York Times, la procureure générale de l'État de New York, Letitia James, a ouvert une enquête sur les activités des sociétés de licence. Le maire de la ville, Bill de Blasio, a également demandé l'ouverture d'une investigation interne.

La mesure que la ville devrait assumer consiste à racheter les prêts à un prix inférieur afin de les refinancer dans de meilleures conditions. Mais le maire rejette l'idée d'un sauvetage et calcule qu'une intervention financière directe coûtera 13 milliards de dollars à la ville.

«Nous avons essayé beaucoup de choses pour aider les chauffeurs de taxi», a déclaré de Blasio, citant la limite imposée l'année dernière aux voitures pouvant fonctionner sous les nouvelles plateformes et le salaire minimum garanti pour les chauffeurs.


À lire aussi dans El País et le New York Times.

 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Ph.L. 21.10.2019 | 11h15

«Excellent article, un peu bref, comme souvent... Mais on y révèle le fonctionnement du capitalisme, à la racine : une époque littéralement apocalyptique - autrement dit où les choses se voient. Un bon journaliste doit être un témoin fiable. C'est le cas ici, il me semble. Très bon travail... à poursuivre!»