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Chronique

Chronique / Claire Bloom et Philip Roth, une catastrophe annoncée...


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Quand Caire Bloom avait demandé, en 1975, à son ami Gore Vidal s'il lui conseillait de poursuivre sa liaison avec Philip Roth, il lui avait répondu catégoriquement: «Non!» L'innocente petite ballerine de «Limelight» passera outre...



Impossible quand on a vu le chef-d’œuvre de Chaplin: Limelight d’oublier la jeune ballerine londonienne sauvée du suicide par le vieux clown Calvero auquel elle redonnera à son tour le goût de vivre. Claire Bloom qui interprète le rôle de Terry publiera en 1996 son autobiographie: Leaving a Doll’s House dans laquelle elle raconte comment à Hollywood elle deviendra la compagne de Yul Brynner, puis de Rod Steiger qui lui fera un enfant avant de tomber éperdument amoureuse de Philip Roth. Et c’est là que le drame débute: il durera près de vingt ans et elle le racontera admirablement dans ses Mémoires toujours inédites en français. Comme ledit Philip Roth: «Celui qui s’attache est perdu. Le lien est notre ennemi. C’est lui qui cause la fracture.» Mais il y a la manière et celle de Philip Roth est tout sauf élégante, si l’on en croit Claire Bloom. Il est vrai qu’on ne se quitte jamais bien, car si on était bien, on ne se quitterait pas...

Cela dit, sans charger Philip Roth, on ne peut qu’être surpris par l’absence de traduction en français du témoignage accablant de Claire Bloom, comme si les éditeurs tenaient à tout prix, notamment Gallimard, à protéger la figure du Grand Écrivain. Il se peut cependant que les choses changent, car circule dans le milieu littéraire américain une rumeur selon laquelle Philip Roth aurait réfuté «syllabe par syllabe» le réquisitoire de son ex-épouse. Je dois cette information au traducteur Daniel Roche qui m’écrit: «C’est une révélation pour moi (qui en dit long sur la nécessité pour Roth, jusqu’au terme de son existence, de recoller les morceaux de la statue).» À partir de là, il va de soi que la traduction de Leaving a Doll’s House devient impérative. D’autant que, comme nous le savons tous, l’amour est une machine à broyer les êtres autant qu’une formidable et vertigineuse fiction qui peut entraîner une jeune ballerine londonienne à sauver un vieux clown, comme elle peut conduire deux êtres à se détruire avec une cruauté qui les fera s’enfoncer dans la dépression, la paranoïa, la dépersonnalisation jusqu’à l’internement en hôpital psychiatrique. Au fond de cet enfer, Roth conservera toutefois suffisamment d’instinct de survie ou de lucidité pour obtenir, en 1995, le divorce – remède d’entre les remèdes. Mais aussi des remords qui le pousseront, avant sa mort, à répondre à Claire Bloom toujours vivante, comme si lien sadomasochiste qui les liait ne pouvait jamais être rompu. Son manuscrit se trouve dans le coffre-fort d’une banque. Je doute que Claire Bloom meure avant de l’avoir lu. Après tout, c’est encore une déclaration d’amour.....

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