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Chronique

Chronique / Qu'en pensent les personnes les plus vulnérables?


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La réanimation ou la cigüe? Roland Jaccard a fait son choix.



Le gouvernement, sans doute bien intentionné, prend des mesures de plus en plus drastiques en vue de protéger les personnes les plus vulnérables – celles souffrant de pathologies sévères et celles qui ont atteint la limite au-delà de laquelle leur ticket n’est plus plus valable. Un beau geste de solidarité, apprécié par les âmes charitables. Encore faut-il que ces mesures soient efficaces. Ne préjugeons de rien. A la fin du match, on aura tout loisir de commenter les stratégies mises en œuvre.

Il est pourtant une question que personne ne se pose vraiment: les vieillards et les handicapés souhaitent-ils vraiment qu’on prolonge leur calvaire? A titre personnel (je précise que j’ai près de quatre-vingt ans), je réponds: non. Et je sais que je ne suis pas le seul. Entre la réanimation et le cocktail létal, je choisis sans hésitation la mixture qui m’enverra ad patres. En accord avec Sénèque, je dirais que «ce qui est un bien, ce n’est pas de vivre, mais de vivre bien».

«Faut-il quitter la vie?», s’interroge l’empereur philosophe Marc-Aurèle. Il importe de se poser la question avant que la vieillesse n’obscurcisse la pensée, répond-il. A quoi bon allonger une vie qui doit de toute manière aboutir à une triste fin, alors que l’on a compris, pour paraphraser l’Écclésiate, que tout ne passe que pour revenir. Vivre n’est pas seulement douloureux, c’est vain. Certes, chacun se fuit toujours…mais à quoi bon, si l’on n’échappe pas à soi?

Une intégrité physique et mentale nous donne un élan vital susceptible de nous procurer bien des plaisirs et de nous éviter ce genre de questions. Mais l’heure sonne vite où il n’est plus possible de les esquiver. Et dans des situations d’urgence comme celle que
nous vivons – il y en eut de bien pires dans le passé –, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les sacrifices auxquels consentent les citoyens et le corps médical n’ont de sens que si celles et ceux qui sont pris en charge le veulent vraiment. Leur offrir la possibilité de mourir en douceur, sans prolonger leur agonie, me semble tout aussi charitable. Sinon plus. Et raisonnable pour chacun, de surcroît.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

6 Commentaires

@alfi 11.04.2020 | 08h34

«Juste un mot: Merci!»


@Ancetre 11.04.2020 | 09h42

«J'ai 85 ans et suis d'accord avec vous. Pour l'instant je vais bien,intellectuellement et physiquement, mais ai pris toutes les dispositions (fin de vie, Exit, discussions avec mes proches) pour que je puisse partir en cas de pejoration grave de ma santé (physique ou mentale). Il est temps de donner la parole aux gens concernés (comme vous et moi) plutot que de laisser perorer des"experts" qui sous pretexte de nous garantir une vieillesse heureuse ( en EMS et en nous confisquant aussi rapidement que possible notre épargne ) ne font que se donner bonne conscience sans nous demander notre avis.»


@yeppo 12.04.2020 | 13h33

«Comme c'est pertinent et bien exprimé ! Le battage autour des morts en EMS est largement exagéré et ne correspond pas du tout aux souhaits de beaucoup de leurs pensionnaires qui ne demandent souvent qu'à partir...et attendent avec leurs médecins que la nature leur donne une chance de s'en aller.»


@Eggi 12.04.2020 | 16h32

«Ajoutons à ces commentaires tous favorables -est-ce étonnant?- que la Suisse est un des rares pays où tous ceux qui sont dans cet état d'esprit peuvent préparer leur "mort douce" en étant certains qu'elle le sera. En tant que Suisse âgé de 80 ans et domicilié en France (comme Roland Jaccard), je n'ai pas (encore?) cette chance...»


@Pepe 12.04.2020 | 18h08

«Votre point de vue ce tient, mais il faut que les personnes concernées : 1. Respectent les consignes de distanciation et confinent à l’égard des autres (notamment leurs congénères ayant le même âge et qui pour certaines souhaitent vivre encore quelques années) 2. Si ça n’est pas déjà fait, entament sans délai le processus qui mène à la rédaction et enregistrement de leurs directives anticipées (sans quoi le jour J et dans le doute tout sera mis en œuvre pour les sauver, et afin que les proches aient pu participer et la réflexion, l’avez-vous fait ?)»


@Gio 13.04.2020 | 07h52

«Merci pour votre article ; vous traiter d’un sujet qui dérange souvent, je le sais pour en avoir parlé ces jours-ci. Je suis plus jeune que vous, 1961, et je fais partie des sujets dits à risque ; je vis avec la souffrance depuis des années, même si celle-ci est atténuée par des morphiniques, mais, malgré le respect du confinement, je devais être « pandémisée », j’ai aussi clairement annoncé la couleur : le noir total. Pas question d’ajouter de la souffrance à la souffrance. Si j’arrive encore à trouver la vie belle malgré tout, pousser mémé dans les orties suffirait à lui faire lâcher le témoin. Vivre sa vie est la chose la plus magnifique qui soit, s’accrocher à elle si elle n’y tient pas plus que ça, non merci.»