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Culture / Ces séries qui sont des miroirs de nos diverses sociétés


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Deux couples de séries, américaines et coréennes, méritent la plus vive attention comparative, traitant respectivement les mêmes thèmes. Surtout politiques, avec les deux versions de «Designated survivor»; et surtout médicaux dans «Good Doctor». Quatre approches de faits humains, remarquables par la richesse de leurs observations et leur éventuelle pertinence critique, leur empathie et l’excellence largement partagée de leurs réalisations et de leurs performances d’acteurs. Bonus de fêtes!



Cinq ans avant les événements du Capitole de janvier 2021, les petits écrans américains frémirent sous l’effet d’une attaque terroriste bien plus meurtrière, lors de la première diffusion du «pilote» de la série Designated survivor sur la chaîne ABC, aujourd’hui visible sur Netflix comme l’est sa version coréenne datant de 2019.

Rappel des faits communs aux deux versions: après l’explosion d’une bombe fatale à la vie du Président et des plus hautes autorités gouvernementales et parlementaires, un «survivant désigné», conformément à la loi, est immédiatement appelé à remplacer le chef suprême; et l’ironie du sort veut, en l’occurrence, que le ministre survivant, secrétaire du logement et de l’urbanisation (pour l’Américain) et de l’environnement (dans le remake coréen), vienne d’être viré de ses fonctions pour motifs d’incompatibilité éthique et soit de fait (dans les deux cas), une sorte d’idéaliste intègre pas vraiment attiré par le Superpouvoir.

Lorsque nous avons vu Kiefer Sutherland (alias Tom Kirkman, le nouveau Président-malgré-lui) prêter serment sur la Bible, via Netflix, son homologue réel Donald Trump venait d’entrer à la Maison-Blanche. Or le «survivant désigné» de la série américaine, comptant actuellement 5 saisons, apparaissait comme l’anti-Trump à tous égards: le type du démocrate de bonne foi, écoresponsable et socialement concerné, complice parfait de sa très smart épouse (Natasha McElhone) et très cool avec ses deux enfants. Moins machiavélique tu oublies, en tout cas au début…

Sur une ligne analogue, le couple coréen qui investit la Maison-Bleue de Séoul dégage la même chaleur familière et sans apprêts, avec un survivant aussi mal préparé à affronter les grands fauves de la politique que son confrère.

Plus précisément, le nouveau Président Park Mu-Jin (campé par Jin Hee Ji avec le même naturel débonnaire que Kiefer Sutherland), ancien prof de chimie très engagé dans la défense de l’environnement, va devoir troquer ses baskets et ses jeans contre une «armure» officielle lui permettant de tenir le coup durant ses 60 jours d’intérim.

Comme chacune et chacun peut s’en douter, ces situations parallèles, au départ, vont donner lieu à des développements complètement différents, liés au contexte socio-politique interne et extérieur des deux nations. Dès sa nomination, Tom Kirkman va devoir «répondre» à ce qui semble un début d’hostilités, de la part des Iraniens; et c’est pour lui l’occasion de s’imposer, contre toute attente,  au dam d’un général impatient d’en découdre, alors que c’est contre les va-t-en guerre de l’armée sud-coréenne, invoquant forcément l’agressivité du Nord, que le Président Park Mu-jin doit exercer un début d’autorité crédible…

Lois des séries obligeant: l’on n’échappe pas aux stéréotypes et aux clichés de feuilletons dans les deux versions du «survivant désigné» – dont le titre anglicisé est un premier signe d’assimilation… –, mais, sans paradoxe, c’est dans le gigantisme «à l’américaine» que la version initiale me semble perdre de sa force au fil des innombrables épisodes, après la très impressionnante mise en place de la fresque décrivant les coulisses de la Maison-Blanche et du Congrès, le travail des services secrets et les opérations anti-terroristes sur le terrain, les conflits entre politiciens et tacticiens militaires, la difficulté de concilier vie privée et fonctions publiques, les plaies vives du racisme et des inégalités sociales, etc.

Tant par son casting brillant, correspondant à une frise de personnages à la fois représentatifs et plus ou moins attachants, que par sa scénarisation et son filmage, le Designated survivor original mérite recommandation, mais la version coréenne gagne finalement en intensité dramaturgique et en subtilité psychologique sur une seule saison quasiment exhaustive quant aux thèmes spécifiquement coréens, avec de très bons acteurs et une cinématographie de premier ordre.

Quand le handicap est un atout, ou l’ahuri sublime...

Une intense poésie de l’image, et l’émotion qu’on trouve dans les romans de Dickens évoquant l’enfance en détresse, marquent le premier des vingt épisodes de l’unique saison de la série coréenne Good Doctor, dont la version américaine constitue le copié/collé quant à la situation de base.

L’exposé de celle-ci, après une plongée très émouvante dans le passé du protagoniste – un enfant autiste tyrannisé par son père et rêvant de devenir médecin après la mort accidentelle de son frère aîné – suit l’arrivée, à l’hôpital pédiatrique où il va accomplir son internat en chirurgie, de ce Park Shi-on dont la nomination suscite la fronde immédiate de certains pontes en place. Or le matin même, le jeune médecin a sauvé la vie d’un petit garçon accidenté en pleine rue, lui prodiguant des soins immédiatement filmés par les passants et répercutés sur les réseaux sociaux et les médias mondiaux. C’est le premier d’une série d’actes chirurgicaux bonnement «inspirés» par la prodigieuse mémoire de Shi-on et sa capacité unique d’établir des diagnostics, laquelle lui vaudra d’être considéré en dépit des préjugés que conforte son comportement souvent déroutant de grand enfant aux airs d’ahuri, incapable de se plier aux usages sociaux ou de «tenir sa langue», et d’autant plus dérangeant qu’il voit souvent plus juste que ses confrères – à préciser que le personnage doit beaucoup au jeu fort sensible et crédible de Joo won, jeune acteur aussi populaire dans son pays que méconnu sous nos latitudes...

L'hôpital, microcosme révélateur

Comme il en va de la série consacrée au «survivant désigné», démarquée du modèle américain, le Good doctor coréen, diffusé dès 2013, nous captive aussitôt par sa lecture de la réalité économique et sociale concentrée dans l’hôpital pédiatrique de Sungwon, où médecins de vocation et praticiens opportunistes, sponsors et gestionnaires soucieux de rentabilité s’affrontent pendant que l’on se bat et que l’on en bave au bloc.

La dimension affective est constamment présente dans les vingt épisodes de cette unique saison, que symbolise la relation quasi paternelle liant le directeur de l’institution et le jeune autiste dont il est le mentor depuis qu’il est intervenu en urgentiste «sur le terrain» où le frère du protagoniste a trouvé la mort. Rien pour autant de larmoyant dans les liens entre les personnages, bien au contraire: la violence reproduit souvent l’arrière-plan social à deux vitesses de la société sud-coréenne, dont le père forcené de Shi-on est le meilleur exemple; et puis la dimension comique, voire grotesque «à la Shakespeare», comme souvent dans les meilleures productions de ce pays revenu de loin, compense les aspects souvent tragiques des multiples situations évoquées.

Mutatis mutandis, et dans un parallélisme inversé, le Good doctor américain a repris et développé le thème de l’autiste aspirant à surmonter son handicap dans la chirurgie de pointe, dans une fresque également passionnante quoique tirant parfois en longueur – faiblesse fréquente du genre quand il devient «culte»…

Du moins le personnage central de Shaun Murphy (Freddie Highmore, moins émouvant mais aussi crédible que son «frère» coréen), qui souffre du syndrome d’Asperger et se confronte assez héroïquement à ses limites et au monde extérieur avec l’aide de son propre mentor (un chirurgien-humaniste lui aussi), nous touche-t-il par sa complète et, parfois, insupportable singularité. En outre, les spécificités américaines de la série font bien ressortir, entre autres nombreux thèmes «sociétaux», l’importance des précautions judiciaires pesant sur l’acte médical et les avancées saisissantes de la technique en matière de chirurgie, qui n’excluent pas la plus extrême attention à la complexité parfois «ingérable» du corps et du cœur humains…


«Designated survivor», David Guggenheim, 43 épisodes de 52min.

«Designated survivor: 60 days», Tae-hee Kim, 16 épisodes.

«Good Doctor», David Shore, 103 épisodes de 42min.

«Good Doctor», Park Jae-bum, 20 épisodes de 70min.

Quatre séries à voir sur Netflix. Versions originales avec sous-titres impeccables. 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Ricci 01.01.2023 | 10h53

«Merci Jean-Louis pour cette belle explication, ça me donne envie de voir les deux séries.
Bonne année :), surtout bonne santé à toi.
Riccardo »


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