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Chronique / Sus aux moutons verts

Amèle Debey

29 juillet 2019

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L’autre jour, j’ai émis l’idée d’organiser une opération de nettoyage du plastique dans le lac de Neuchâtel, pauvre naïve idéaliste que je suis. On m’a répondu «Pour faire comme tout le monde, suivre la vague? T’as rien de mieux à faire?» Du coup, je me demande si je ne devrais pas arrêter de trier mes déchets, prendre trois bains par jour et aller raser une forêt, histoire de rejoindre l’élite des penseurs qui se targuent de voguer à contre-courant, comme Michel Onfray.



Depuis que plus ou moins tout le monde a réalisé l’étendue de la catastrophe environnementale dans laquelle on a réussi à se mettre, après des années d’efforts ininterrompus pour ruiner la planète et surexploiter ses ressources, l’écologie est à la mode. Et, comme pour toutes les modes, elle a ses détracteurs. Un peu comme ceux qui seraient contre l’idée du bonheur ou s’opposeraient à la paix dans le monde, certains estiment qu’il est de bon ton de remettre en question les efforts concrets pour lutter contre le réchauffement climatique et d’essayer de décrédibiliser ceux qui agissent pour les mettre en place. Eh oui, il faut bien qu’ils prennent part à la problématique la plus en vogue de notre époque d’une manière ou d’une autre, au risque sinon de tomber dans l'oubli.

Mais ceux qui crient à l’effet de mode semblent ne pas réaliser qu’ils sont eux-mêmes captifs du procédé qu’ils dénoncent. Le «green bashing». Au but bien moins utile que son antagoniste, ce dernier sert surtout à faire mousser les egos des grands penseurs de notre temps qui veulent démontrer à la cantonade qu’ils ne sont pas dupes. Qu’à eux, on ne la fait pas. Et peu importe l’absurdité du projet, comme de leurs propos, l’essentiel est de démontrer au monde – et surtout à eux-mêmes – qu’ils ne succomberont pas à la folie ambiante, qu’ils ne rejoindront pas le troupeau. En prenant sans arrêt – et sur tous les sujets – le contre-pied de ce qu’ils voient comme la masse bienpensante, ils finissent par devenir une sorte de cliché d’eux-mêmes et ne parviennent plus à étonner personne, puisque leurs discours faussement subversifs sont toujours là où on les attend. La seule stupéfaction dont on peut encore espérer être frappés réside dans le niveau d’idiotie des arguments. Un domaine dans lequel Michel Onfray s’est récemment fait remarquer, non sans un certain brio.

L’exemple parfait de cette inconscience qui frise la déviance comportementale s’illustre dans le traitement réservé par l’écrivain à l’adolescente suédoise déjà très critiquée Greta Thunberg. Le philosophe autoproclamé n’a rien trouvé de mieux à faire que de reprocher à la jeune fille son allure de «cyborg» et son air préoccupé, s’offusquant du fait qu’elle «ne sourit jamais». Mimi aimerait peut-être voir une Greta frétillante qui psalmodierait ses discours sur la fin du monde entre deux vannes grivoises, en faisant des claquettes?

Ici même, Jonas Follonier avait relevé les accointances de Greta dans un de ses articles, s’étonnant de voir l’adolescente traîner avec Al Gore, cherchant à tout prix la théorie du complot dans l’entourage de la jeune fille. Comme si c’était étonnant que des gens qui défendent le même combat se rassemblent. Je n’ai honnêtement toujours pas compris en quoi la bande de potes de Greta, qui s'est récemment fendue d'une réponse à ses détracteurs, était importante pour l’avenir de la planète. En fait, on s’égare un peu loin du problème et cette manière de changer grossièrement de sujet et de détourner l’attention de la cause principale explique certainement en partie pourquoi on en est là. C’est-à-dire au bord de la catastrophe. C’est un peu comme les cyniques ronchons qui s’offusquent de l’implication des grosses fortunes dans des causes humanitaires, sous prétexte qu’elles le feraient par intérêt. Et alors? Le résultat est là, non? Pourquoi ne pas se concentrer sur les avancées et laisser les gens se débrouiller avec leurs consciences?

En ce qui me concerne, j’en ai ras le bol de tous ces donneurs de leçons, intellos franchouillards et moralisateurs à la noix qui, confortablement installés dans leurs apparts climatisés, se permettent de venir saper l’élan collectif, objectivement pas si débile que les précédents, pour une fois!
La bêtise aurait-elle changé de bord?

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

7 Commentaires

@Astromeria 30.07.2019 | 00h48

«Cet article me fait un bien fou ! J'aimerais l'avoir écrit moi-même, tellement il refflète mon état d'esprit face à ces personnages imbus d'eux-mêmes qui passent leur temps à s'écouter discourir sur les plateaux TV.
Je pense (j'espère ) qu'ils ne vont pas tarder à déchanter.....
»


@Tulerpeton 30.07.2019 | 10h22

«Parler de l'avenir d'une planète à échelle d'homme c'est se prendre pour Dieu. Il n'y a que les idéologies pour nous faire perdre la tête à ce point. On tergiverse dessus comme du temps de "Capital" du théoricien de l'économie politique allemand Karl Marx. Il avait aussi vécu a Jérusalem et donné des informations factuelles, mais passons, parlons plutôt de l'avenir de l’écosystème, des plantes, dont le CO2 est le fertilisant principal. Le monde change, on s'y adaptera car c'est le propre de l'homme. Mais vouloir imposer aux états un mise en coupe réglée des populations, avec prélèvement d'impôt ad-hoc ne changera rien.

Je code des choses dont la valeur est de 10 puissance 70. J'ai plus de variabilité qu'il existe d'atomes dans le soleil. Ça doit faire de moi un idiot, je sais pas.»


@Tulerpeton 30.07.2019 | 15h21

«@Astromeria vous parlez d'une échelle astrologique quand vous dites "ils ne vont pas tarder à déchanter." ... ça fait long. Allez dans 100 millions d'allées notre planète existera toujours. Ayez confiance.»


@Skwinxs 02.08.2019 | 20h42

«@Tulerpeton : la question n'est pas de savoir si notre planète sera encore là, mais ce qui aura survécu et dans quel état. L'être humain n'est pas l'animal le plus à risque d'extinction, on s'adaptera probablement. Par contre même quelques pauvres degrés de plus vont avoir un impact très important sur le monde animal et végétal, qui sont déjà fortement pressurisés par les activités humaines hors dérèglement climatique.

Donc est-ce qu'on se contente de laisser aller et on verra bien si les climatologues avaient raison, tant pis pour les écosystèmes et on "s'adaptera" ? Ou est-ce qu'on essaie d'avoir un minimum de respect pour le vivant et de préserver ce qui peut encore l'être ?

Et on s'adaptera mais dans quelles conditions au juste ? Les conséquences du dérèglement climatique impacte(ro)nt beaucoup plus les populations pauvres et démunies. L'Europe se déchire pour quelques centaines de milliers de réfugiés, ça donnera quoi quand il y en aura dix fois plus ? Ou alors on pousse le cynisme à fond et on table sur le fait qu'ils meurent tranquillement chez eux pour ne pas trop troubler nos conditions de nantis ? Mince, mais qui va produire nos habits alors, et toute la nourriture qu'on importe ?

Il ne s'agit pas de se prendre pour Dieu mais juste de regarder dans le rétroviseur : de nombreuses civilisations se sont déjà effondrées sur les cinq continents par le passé, et ça s'est rarement passé dans la joie et l'insouciance. Nos sociétés de consommation effrénée ont créé les conditions de leur propre chute sans trop s'en rendre compte à force d'externaliser les coûts environnementaux et sociétaux sous d'autres latitudes. En tombant elles vont emporter avec elles d'autres sociétés, ainsi qu'un grand nombre d'espèces animales et végétales.

On peut prendre une posture relativiste ou fataliste en disant que la vie continuera, mais soyons honnêtes : prôner la confiance et le laisser aller s'est se rendre complice d'une attitude qui va rendre la chute encore plus brutale et dévastatrice. C'est aussi se laver les mains un peu facilement des innombrables souffrances humaines et animales qui en découleront.»


@PMF 03.08.2019 | 16h12

«Je ne Pense pas que Greta Thunberg soit representative du climat mais d'une manipulation !»


@lys 06.08.2019 | 08h40

«Je crains, chère journaliste, que le troupeau ne soit pas les défenseurs de l'environnement, mais bien plutôt la masse silencieuse qui préfère se voiler la face afin de ne pas remettre en cause son mode de vie, tels que les vacances aux 4 coins du monde en avion.»


@Lagom 20.08.2019 | 23h18

«Dans un pays "propre et en ordre" comme la Suisse, la seule action écologique qui ferait sens à mon avis est de faire des sit-in de quelques heures tous les dimanches (quand il fait beau) devant les représentations diplomatiques des grands pollueurs, qui sont par hasard parmi les plus larges économies; USA, Chine, Allemagne (charbon). Cette fantaisie des partis "verts" en Suisse de nous sur-taxer pour se faire payer une bonne conscience sur notre dos n'a comme effet sur que de nous priver de notre argent pour nous embêter. La Suisse pollue toute l'année autant que la Chine pendant quelques heures. »


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