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Analyse / Les perdants et les gagnants de la coronacrise

Guy Mettan

26 mai 2020

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Faire face au choc puis à la récession, alléger les dettes publiques, nécessite d'identifier les perdants, à court et à long terme, et surtout les gagnants de la crise du coronavirus. Revue d'effectif avant la tempête.



Avenir suisse vient de publier une étude sur les perdants de la crise. Sans surprise, la boite à idées libérales cite l’hôtellerie, les voyagistes et le tourisme en général, la restauration, les activités sportives (sans un mot pour secteur culturel!), le commerce de détail non-alimentaire et les services à la personne (coiffeurs, pompes funèbres…). Pas de doute, on est d’accord avec cette nomenclature, sachant que tous ces secteurs n’ont pas engrangé un franc pendant deux mois et ne sont pas encore sortis d’affaire. On pourrait encore compléter la liste avec les transports aériens et maritimes, les médias et le secteur de l’énergie.

Les auteurs sont en revanche beaucoup plus vagues et abstraits à propos des gagnants, puisqu’il y a indubitablement des gagnants, comme dans toute crise. Ce mot est d’ailleurs prohibé. Par peur de donner de mauvaises idées au citoyen-consommateur? On se contente de parler des acteurs de la «Suisse ouverte», du domaine des infrastructures et des marchés compétitifs, d’entreprises à fortes liquidités, de l’Etat social et du Smart gouvernement (mais rien sur la transition verte). Soit. Mais on pourrait d’abord mentionner nommément les secteurs et acteurs économiques qui sortent renforcés de cette crise et qui devraient donc passer à la caisse pour aider les autres. Parmi les profiteurs, on citera donc les GAFAM (qui contournent toujours l’impôt), les banques et les divers services financiers (qui ont totalement récupéré les pertes boursières initiales grâce aux centaines de milliards injectés dans le système), les assurances (qui ont économisé des milliards de dépenses en accidents non survenus), les caisses maladie (les patients potentiels n’ont pas osé consulter ou se faire traiter de peur d’être contaminés), l’immobilier (qui a consenti de très modestes réductions de loyers commerciaux), l’ensemble du secteur public, et en particulier les rentiers et les fonctionnaires (qui se sont enrichis puisqu’ils n’ont rien pu dépenser alors que leurs revenus n’ont pas été impactés).

On sera en revanche d’accord avec Avenir suisse pour affirmer que la nationalisation des industries en crise n’est pas une bonne idée, surtout si c’est pour sauver le secteur aérien qui a bénéficié d’avantages exorbitants ces dernières années en évitant pratiquement toutes les taxes sur le kérosène. Le minimum serait de l’obliger à accepter ces taxes et celles sur sur le CO2 en échange d’un soutien financier.

Comme il faudra trouver des ressources nouvelles énormes dans les mois et années qui viennent afin d’alléger les dettes publiques engendrées par le coronavirus, il est bon de tenir à jour la liste des gagnants sans en oublier aucun…

Les dégâts seront énormes et rapides pour nombre relativement limité d’entreprises. Toutefois, les ravages les plus importants vont se manifester dans la durée, comme pour la crise de 2008. Il faut donc s’attendre à une forte et courte crise suivie d’une récession plus ou moins longue.

Enfin, il ne faut pas oublier les conséquences sociales, politiques et géopolitiques: le chômage, la xénophobie, les inégalités, la précarité, les tensions sociales ne vont aller en s’améliorant, avec tous les effets politiques qui s’ensuivront. Les tendances à l’autoritarisme et au populisme vont aller en s’accentuant, comme on l’a vu après les attentats du 11 septembre 2001. Le déchainement de la nomenklatura contre le Dr. Raoult donne une idée de ce qui attend les critiques de la parole officielle à l’avenir. On a déjà eu des avant-goûts dans le comportement d’élus pourtant estampillés bons démocrates (déclaration de guerre au virus, menaces de couvre-feu et de punitions policières sévères pour les contrevenants au confinement).

Dernière conséquence: l’aggravation des tensions géopolitiques. La guerre contre la Chine et ses alliés est désormais déclarée et l’Europe, qui devrait pourtant s’affirmer comme une puissance équilibrante, va être sommée de choisir son camp. A son détriment. Sa faiblesse ne milite de toute façon pas en sa faveur.

L’alerte tempête est déclenchée. Le navire Terre va gîter et tanguer dangereusement. Il sera donc essentiel de garder son esprit lucide et son cœur vaillant ces prochains mois. 

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