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Actuel / L’oursin dans la poche

Marie-Claude Martin

21 septembre 2017

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Comment ne jamais dépenser, même pour un café.



Il s’appelle Rémy. Il est d’une rare avarice. A vrai dire, ses collègues ont mis du temps à s’en rendre compte. Au début, ils le prenaient même pour un homme généreux. Il en a tous les signes: décontraction face à l’argent, plaisir à proposer un café, conversation amusante, bon sens de l’écoute. Sauf que même s’il sort toujours son porte-monnaie en premier, il ne paie jamais.

Rémy a un truc. Il ne se promène qu’avec un billet de 1000 francs.

Voilà comment cela se passe.

Lorsqu’il s’installe pour un café en terrasse par exemple, il est toujours le premier à demander l’addition. Il s’empare du ticket avec zèle et un petit plissement du nez qui signifie «évidemment, c’est pour moi». Il sort son porte-monnaie, l’ouvre et s’exclame, désolé:

- Oh, je n’ai qu’un billet de 1000 francs…

Evidemment, à huit heures du matin, le garçon ne peut pas lui rendre la monnaie, s’en excuse, lui dit d’aller faire du change au guichet de la banque d’à-côté ou au kiosque mais il n’ouvre qu’à 10 heures ou de repasser dans la journée pour s’acquitter de sa dette.

Au vue des complications que ce gros billet engendre, et convaincu à la fois de la solvabilité et de la bonne foi de Rémy, l’invité propose de payer, et il le fait avec plaisir car il a l’impression d’avoir été utile au règlement d’un problème. Rémy, évidemment, promet que c’est lui qui régalera la prochaine fois. Dans la foulée, il demande s’il peut abuser en lui prenant une cigarette. On la lui donne avec le plaisir pour effacer la gêne qu’il est sensé éprouver.

- J’ai arrêté depuis longtemps, mais de temps en temps… Je la garde pour plus tard et je penserai à vous…

Rémy sait valoriser ses pigeons. Il sait bien calculer aussi. Avec sa tactique du trop gros pour payer – il l’applique aussi dans les kiosques pour de petites sommes ou quand il partage un taxi avec un collègue –, il réussit à économiser à peu près 250 francs par semaine et se fait à peu près un paquet de cigarette hebdomadaire. Qu’il ne fume pas! Rémy, qui économise aussi sa santé, les revend à la pièce à ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir un paquet. Bien sûr, ces accrocs à la nicotine lui disent merci, les yeux remplis de gratitude. Rémy croit en toute bonne foi être un mec vraiment sympa.

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