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Lu ailleurs

Lu ailleurs / Bombarder l’Iran «préventivement»: la proposition des nouveaux maîtres de la sécurité US

Gian Pozzy

29 mars 2018

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Les nouveaux maîtres de la sécurité américaine proposent de bombarder l’Iran «préventivement». C’est du moins ce que craint le chroniqueur du «New York Times» Nicholas Kristof, deux fois lauréat du Prix Pulitzer. Son argumentation a été lue par le site suisse alémanique «Infosperber» et résumée par notre confrère Urs P. Gasche



John Bolton, le futur conseiller à la sécurité de Donald Trump, a toujours dénigré l’accord sur le nucléaire iranien du 14 juillet 2015, quand même signé par les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU, l’Allemagne, l’Union européenne et l’Iran. Pour lui, les Etats-Unis devraient bombarder les sites nucléaires iraniens ou charger Israël de le faire. Le tout nouveau secrétaire d’Etat Mike Pompeo a toujours critiqué cet accord et propose une alliance aussi étroite que possible avec l’Arabie saoudite.

«Dans les rues de Bagdad et de Bassorah, la population d’Irak nous célébrera en tant que libérateurs et éclatera de joie», prophétisait le vice-président américain Dick Cheney en 2003, avant l’invasion de l’Irak. Le 1er mai de cette année-là, le président George W. Bush annonçait: «Mission accomplie». Le gouvernement américain avait envisagé la chute de Saddam Hussein dès janvier 2003 et invoqué les attentats du 11 septembre 2001 pour rallier une coalition internationale.

George W. Bush n’avait aucun doute sur les armes de destruction massive que détenait l’Irak, ce qui était un pur mensonge. Son ministre de la Défense Donald Rumsfeld promettait qu’une invasion de l’Irak serait largement financée par les revenus du pétrole; que la guerre durerait cinq jours, cinq semaines ou, au pire, cinq mois. Depuis, 15 ans ont passé. «L’invasion de l’Irak s’est avérée la faute la plus catastrophique, la plus dispendieuse et le plus idiote du dernier demi-siècle», analyse Nicholas Kristof:

  • 4400 soldats américains ont péri.

  • 500'000 Irakiens civils et militaires sont morts.

  • Selon les estimations de Joseph Stiglitz et Linda Bilmes, cette guerre aura coûté à ce jour 3000 milliards de dollars, soit plus de 24'000 dollars par ménage.

  • La 2e guerre d’Irak est à l’origine de la guerre en Syrie, de l’expansion de l’Etat islamique, du massacre des chrétiens et des yézidis. Elle a accru l’influence de l’Iran et attisé le conflit entre sunnites et chiites.

Nicholas Kristof pense que les Etats-Unis devraient «tirer la leçon de telles erreurs d’appréciation». Mais il craint que «nous ayons un président qui va nous conduire à un conflit aussi étourdi que catastrophique». A trois conflits, en réalité, écrit-il:

  • Le premier n’est pas sanglant: c’est une guerre commerciale qui met fin à 70 ans d’efforts américains pour amener le monde à libéraliser le commerce. «Les guerres commerciales sont bonnes et faciles à remporter», a twitté Donald Trump.

  • Le deuxième, probablement à fin mai: la résiliation unilatérale de l’accord sur le nucléaire iranien. Les conséquences seraient une tension accrue dans la région, une possible attaque israélienne contre les sites nucléaires iraniens, le risque de conflit militaire entre Arabie saoudite et Iran et le risque de guerre entre les Etats-Unis et l’Iran.

  • Le troisième serait une attaque militaire contre la Corée du Nord, qui ne renoncera pour rien au monde à son arsenal nucléaire. Si une rencontre entre Trump et Kim Jong-un devait échouer, il n’y aurait plus guère de marge de manœuvre pour des négociations sur le terrain.

Pour Nicholas Kristof, d’aussi sinistres perspectives ne sont pas à exclure, notamment parce que Donald Trump souhaite détourner l’attention du public de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller, des déceptions qui se multiplient au niveau de sa politique intérieure et des révélations de comportements sexuels que l’opinion pourrait juger répréhensibles.

Par ailleurs, Trump s’entoure de gens comme Bolton et Pompeo – comme Bush naguère de Cheney et Rumsfeld – qui sont «la voix de leur maître» et jaugent de manière beaucoup trop optimiste les objectifs qu’ils prétendent atteindre.


Lire l’article original en allemand sur Infosperber: «Bolton und Pompeo raten Trump zu "Präventivschlägen" gegen Iran»


Précédemment dans Bon pour la tête

«John Bolton, le faucon qui menace la paix mondiale», Gian Pozzy

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@Lagom 29.03.2018 | 11h23

«Le Moyen-Orient est composé de plusieurs religions & confessions minoritaires et une seule grande religion majoritaire; qui est l'Islam Sunnite. il est hautement improbable que les US et Israël éliminent politiquement l'Iran pour ne pas renforcer d'une façon considérable les sunnites. A noter qu'il existe en Iran une communauté juive qui vit en paix et son effectif est en croissance alors que dans les pays arabes il y en a de moins en moins de citoyens de confession juive. La cause palestinienne est le catalyseur de toutes les tensions et de tous les problèmes de l'extrémisme islamiste dans le monde. Il suffit de régler le problème palestinien pour dégonfler la cause des extrémistes et ramener la paix. Les Etats unis ont délibérément aidé l'Iran a élargir sa zone d'influence en éliminant le régime sunnite en Irak en 2003. En plus un membre de l'ONU ne peut ni déclarer subitement la guerre à un autre Etat-membre. On a plus de chance de comprendre la politique américaine en lisant à l'envers.»


@FLEUR191 09.04.2018 | 17h26

«Quand on voit les résultats occidentaux, dans leur volonté de "démocratiser" le monde arabe (Irak, Lybie et Syrie) le pire est à craindre en cas d'attaque en Iran. Nos mentalités et histoires sont différentes. Ce sera une fois de plus interprété comme une volonté de "re-colonisation" et d'avoir une nouvelle mainmise sur les réserves pétrolières. Au fait la faute à qui le fait que l'Iran soit nucléarisé? Ce sont bien des puissances occidentales qui lui ont fourni la technologie car cela rapportait de l'argent dans le passé!! Nous étions aussi contents d'avoir des dictateurs "à notre botte" dans le passé, à la sortie de la colonisation. Nous n'avons pas cherché à insuffler aucune "culture démocratique". Le résultat aujourd'hui, ce sont des peuples pour qui la seule échappatoire connue à la dictature, est la religion. Ce monde est gouverné par l'hypocrisie, l'argent et les religions. Supprimez l'argent et les religions et les dictatures et remplacez les par un peu plus d'humanité et de bon sens... mais cela reste hélas une utopie...»