Vous aimez cet article <3
Média indocile – nouvelle formule

Chronique

Chronique / Céline Amaudruz, le cas d’école

Isabelle Falconnier

13 décembre 2017

PARTAGER

La plume qui caresse ou qui pique sans tabou, c’est celle d’Isabelle Falconnier, qui s’intéresse à tout ce qui vous intéresse. La vie, l’amour, la mort, les people, le menu de ce soir.



D’abord, il faut dire que c’est de bonne guerre. Qu’il est normal que si la dénonciation de Céline Amaudruz il y a 15 jours, confiant avoir «subi des gestes inappropriés de la part d’un parlementaire», ait recueilli attention, respect et écoute d’une manière générale, elle suscite aussi agacement, énervement, mépris et condescendance d’autre part. En prenant à son tour la parole pour dénoncer le harcèlement sexuel, Céline mettait en cause l’équipe d’en face, dérangeait l’ordre des planètes: il fallait bien que l’équipe d’en face réagisse. On n’a rien sans rien, Qui sème le vent récolte la tempête, On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, etc : la sagesse populaire nous prévient assez qu’il faut être prêt à tout, une fois qu’on a décidé de sortir du rang, de se lever, de prendre une initiative, de faire un geste inattendu. Et si ses propos n’avaient pas fait bouger une oreille à qui que ce soit, elle, et nous, en aurions été les premiers surpris, et déçus.

Et puis c’est la guerre, Mesdames, la guerre des sexes, ne l’oublions pas, ne jouons pas les vierges effarouchées. Dénoncer des «agressions», des «agresseurs», c’est reconnaître qu’on a été «attaquées», et donc à son tour lancer une contre-attaque. Avec d’autres moyens certes que les mains baladeuses & cie, des paroles, des mots, de la communication, mais qui projettent tout autant en terrain miné. Dans cette logique, la contre-contre-attaque d’un Roger Köppel avec les jupes courtes comme argument, est d’une banalité et d’un convenu affligeants. Tout comme l’annonce du contrôle antidopage positif de Chris Fromme, quadruple vainqueur du tour de France: qui donc a été surpris par cette non information absolue?

Ensuite, il faut reconnaître que pour le moment, la prise de parole de Céline Amaudruz est un échec. Récupérés politiquement, ses propos font désormais l’objet d’un match de ping-pong entre les caïds alémaniques Adrian Amstutz et Roger Köppel et l’UDC genevoise, avec en arbitres partiaux les politiciennes de gauches et les journalistes, ravis de l’aubaine: un Köppel se ridiculisant tout seul sans même qu’on l’y ait poussé. Echec également: propos d’une parlementaire accusant d’autres parlementaires, les siens tournent en boucle à Berne sans sortir du microcosme politique, sans trouver de réels échos et soutiens hors milieu.

Et pourtant: que ce soit elle, Céline Amaudruz, a priori anti-victime absolue, fière Amazone de droite et non féministe de gauche revendicatrice, fille à mecs, toujours à plaisanter avec les Lüscher et autres Parmelin, le genre de filles que les autres filles détestent, qu’on imagine facilement draguer les jeunots dans l’ascenseur, que ce soit elle qui se proclame elle aussi victime de harcèlement, était une idée fantastique. On ne s’y attendait pas. Donc on l’a écoutée. Sa voix a porté, pendant quelques jours. Mais voilà qu’elle perd la maîtrise de l’affaire, se retrouve sur le banc des accusés, ne supporte pas le retour de manivelle, devient un «problème» au parlement et non plus seulement une «victime Weinstein» de plus, s’effondre en larmes dans une séance de groupe de l’UDC.

Ça ne va pas. Quand on lance une contre-attaque, il ne faut plus reculer. Pas pleurer. Avancer. Utiliser ses jupes comme une armure. Rendre les coups. Ne jamais attendre de compassion de son ennemi. Et donc comprendre que l’ennemi est parfois tout proche, dans sa famille, ses amis, son parti. Mais que ses amis, on peut les choisir, toujours.


Précédemment dans Bon pour la tête

Lettre ouverte d'un homme de gauche à Céline Amaudruz, par Mohamed Hamdaoui

Pauvre Yannick, pauvre misère, par Isabelle Falconnier

Te laisse pas faire, par Anna Lietti et Pascal Parrone (dessin)

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@stef 16.12.2017 | 23h32

«Le coup de Trafalgar serait de changer de bord.
=> PLR
Ou, soyons fous, au PS »


À lire aussi