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On peut rêver. Imaginons que Trump et Poutine tombent d’accord sur un cessez-le-feu, sur les grandes lignes d’un accord finalement approuvé par Zelensky. Que feraient alors les Européens, si fâchés de ne pas avoir été invités en Alaska? Que cette hypothèse se confirme ou pas, plusieurs défis controversés les attendent. La géographie est ce qu’elle est. L’Ukraine est en Europe.



Quoi qu’il advienne, tous les pays européens, membres ou pas de l’UE, devront assumer leurs responsabilités. Ils auraient pu le faire plus utilement en misant dès le début sur la voie diplomatique au lieu de souhaiter la guerre jusqu’au dernier Ukrainien. Au lieu de saboter l’accord prévu à Istanbul au lendemain même de l’agression. Il leur sera bien plus difficile aujourd’hui de trouver une place dans le processus de paix qui semble s’amorcer. Ils le peuvent encore. A condition de ne pas mettre de l’huile sur le feu à chaque occasion.

Ainsi, la commissaire européenne estonienne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité vient de décréter un 18e paquet de sanctions antirusses. Elles n’auront pas plus d’effets que les précédentes mais elles donnent un mauvais signal. Et la Suisse s’apprête à les reprendre, comme les précédentes. Quitte à irriter ainsi plusieurs pays, comme la Chine, la Turquie, cela au moment où elle tente de soigner ses relations avec eux. C’est d’autant plus choquant que le mot sanction reste banni du vocabulaire du DFAE face aux crimes contre l’humanité commis chaque jour par Israël.

Après la guerre le chaos?

Dans l’hypothèse d’un semblant de paix qui réjouirait tant de familles ukrainiennes, n’allons pas croire que le ciel s’éclaircira d’un coup. Il reste dans ce pays des milieux, des milices, intégrées ou pas à l’appareil d’Etat, qui n’accepteront pas les inévitables concessions faites à la Russie. Ces hypernationalistes, à partir de leur bastion de Lviv, pourraient fort bien poursuivre des violences. Avec leurs réserves d’armes, suffisantes pour les attentats et les crimes. Ces gens verseront dans l’hostilité au pouvoir en place, menacé par ailleurs par de multiples manœuvres politiques. De Vitali Klitschko, maire de Kiev, qui se verrait bien à la présidence, à Ioulia Tymochenko, ex-première ministre fort ambitieuse qui vient de déclarer – surprise! – que «la tutelle occidentale devient insupportable».

Quel rôle jouera l’Europe en Ukraine?

L’Ukraine aura besoin dans tous les cas de l’aide européenne, pour les armes que les USA ne fourniront plus, pour combler le budget de l’Etat pillé par les voyous haut placés, pour la reconstruction. L’UE se trouve contrainte de redéfinir sa ligne et ses exigences. Ce ne sera pas facile car certains membres renâclent. La Hongrie, la Slovaquie et même la Pologne dont le nouveau président, Karol Nawrocki, considère que son pays en a assez fait pour sa voisine, notamment pour ses réfugiés. Ce jeune historien apporte une note nouvelle dans le concert: il développera les relations avec Kiev quand le gouvernement cessera d’honorer la mémoire des Bandera et autres qui massacrèrent tant de Polonais et de Juifs en Ukraine de l’ouest, d’entente avec les nazis. 

Plus à l’ouest cela grogne aussi, loin des médias, en silence. En Allemagne, en France et ailleurs, une part de l’opinion publique estime qu’avec nos économies affaiblies, devant l’abîme des dettes, il est insensé d’arroser Kiev de milliards. Et les voitures de luxe à plaques UK à Berlin, Paris, Londres ou Monaco, les allers-retours entre le pays d’asile et l’Ukraine des réfugiés «pendulaires» – ce n’est le cas de tous – en rajoutent à la mauvaise humeur. 

Tout cela ne doit pas nous empêcher de songer à l’avenir et au rôle que nous entendons y jouer. A court, à moyen et à long terme. Rêvons encore: l’Ukraine devrait être un pont entre l’est et l’ouest plutôt qu’un mur d’animosités.

Dans l’immédiat, un grand défi: l’aide à la reconstruction. Toutes les infrastructures ne sont pas atteintes. Les trains circulent. Malgré les frappes russes incessantes, le réseau électrique fonctionne plus ou moins bien. Mais d’innombrables immeubles et usines ont été démolis. L’économie agricole résiste assez bien mais l’industrie est à genoux. Il faudra des milliards pour rebâtir sur les ruines. Si possible en veillant à ce qu’ils ne s’envolent pas dans les poches trouées des oligarques. 

Le plus grand défi: construire un Etat démocratique

Plus difficile encore sera la reconstruction – ou plutôt la construction – d’un Etat démocratique conforme aux exigences de l’UE, à laquelle il espère adhérer au plus tôt. Outre la question de la corruption des dirigeants actuels, l’appareil politique reste tout entier à assainir. Le Parlement est à la botte des plus riches. Son mandat, comme celui du Président, est échu. Comment garantir la conformité des élections indispensables à venir? Si la modification envisagée des frontières est soumise à référendum, comment l’organiser correctement?

Enfin, l’interrogation des garanties de sécurité face à la Russie. Il n’est plus question que l’OTAN s’en charge. Des troupes européennes comme le souhaite ardemment Macron? Cela paraît exclu. Les Européens sont grillés. Seule une présence armée de l’ONU pourrait assumer la tâche sans faire hurler les uns et les autres. 

Pour conclure, le commentaire de l’amie Natalia, réfugiée en Suisse, dont les parents vivent à Kharkiv, la grande ville de l’est bombardée tous les jours. «Trump et Poutine en Alaska? J’ai des doutes sur ce qui en sortira. Mais j’espère tellement la paix!» Et avec un soupir: «Pour cela, il faudra que Zelensky accepte de faire des concessions.»

 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

6 Commentaires

@JFLeroux 15.08.2025 | 05h35

«Il faudrait peut-être d'abord et avant tout :
. Construire ou reconstruire des Etats proprement démocratiques dans l'EU et l'Occident
. Avant de "confier* les couts de "construction " ukrainienne au principal responsable de cette situation géopolitique (entre autres territoires d'interventions malsaines), que sont les USA et leurs alliés directs.
Jean-François Leroux»


@Foenix 15.08.2025 | 08h38

«Et une reconstruction à la charge de la Russie ? Personne ne semble en parler !»


@von 15.08.2025 | 14h15

«Tout de même, quel sac de noeuds que cette guerre Russie-Ukraine! Nous sommes tous les jouets de la propagande des deux bords. Qui croire? Qui a commencé? Que pouvons-nous faire pour calmer le jeu?

Les Russes veulent-ils notre peau? Ne pensent-ils qu'à nous envahir? Franchement, au vu des derniers développements de la politique, comment ne pas penser que ce sont plutôt les Américains qui nous veulent du mal?

Les Russes, eux, ne nous font rien, ne taxent pas nos exportations, ne tentent pas de couler nos banques, laissent notre histoire nationale tranquille. Alors pourquoi les diaboliser ainsi? On ferait mieux de s'en faire des clients...

Ah oui bien-sûr, pour se créer un ennemi afin que tout le pays se ligue contre lui et en oublie ses soucis domestiques. La bonne vielle recette!

Alors résumons: impossible de savoir qui est bon, qui est mauvais, qui a commencé, qui a des frontières avec! Et même, est-ce que Joan Baez elle a chanté? (ne cherchez pas c'est du Coluche).

Les grandes chaînes TV accordent leurs violons: regardez BFM ou LCI par exemple, toutes deux en mains du gros capital! Que veulent-elles nous faire faire en ne parlant que de guerre à longueur de soirée? Tout simplement elles préparent la prochaine. Et pour cela, elles inventent des ennemis et des menaces. Le commerce des armes a besoin de motivation!

Alors que faire dans cette pétaudière qu'est devenu le monde?

Rien! On ne fait rien et on bloque tout commerce avec ceux qui se battent, c'est le mieux que l'on puisse faire. Sinon, chaque aide à l'un ou à l'autre des belligérants ne fera que prolonger le conflit. C'est en principe cela être neutre.

Par exemple, la Suisse devrait stopper tout achat d'armes à Israël. D'une part parce que ce dernier est un pays en guerre (depuis 1948). Et d'autre part, parce que ces achats soutiennent son effort de guerre, rendant ainsi la Suisse complices de l'anéantissement des Palestiniens.

Quant-à l'UE, qu'elle se débrouille avec ses contradictions, ses magouilles, ses luttes d'influence et ses lobbies. Gardons-nous d'être intégrés à ce ménage ingouvernable, nous n'y ferions pas le poids et y perdrions notre liberté!
»


@asterix 15.08.2025 | 15h52

«Le mot «pétaudiere » est l’exacte définition de l’état actuel de notre
monde ! Comment prendre au sérieux les gesticulations sordides de ses
« dirigeants » ? Comment croire encore à leur bonne foi ? C’est effrayant.»


@simone 15.08.2025 | 16h45

«Puisse le Conseil fédéral lire votre article!»


@aloula 15.08.2025 | 20h08

«Excellent article. Merci M. Pilet
On ne peut que regretter que la Suisse soit affublé d'un gouvernement aussi inepte à un moment aussi crucial de l'Histoire.
Moi j'objecte à ce que nos deniers aillent encore enrichir davantage les kleptocrates ukrainiens, Zelinsky en tête.
Qui casse les pots les paient et ceux à l'origine de cette effroyable histoire sont toujours les mêmes. Les Américains, les Anglais. Qu'ils paient. A fonds perdus.»


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