Théâtre / Comme une pierre sombre brillant sous des rais de lumière
«Roque, une nuit pour tout changer», une pièce de Véronique Emmenegger, jusqu’au 18 mai, Théâtre du Vide-Poche Lausanne, 1 heure.
Un vieux professeur de littérature revenu de tout et une jeune femme que tout révolte se croisent sur un banc, une nuit. Elle, elle lit Rimbaud, lui, il essaie de faire un nœud coulant au bout d’une corde. Véronique Emmenegger, l’autrice de Roque, est écrivaine, ses livres ont la vertu de nous emmener dans des zones inconfortables mais ô combien passionnantes. Sa pièce est un petit bijou, comme une pierre sombre sertie dans une bague et rendue brillante par des rais de lumière quand la main bouge. Le dialogue entre les deux protagonistes est épatant. «Mourir n'est pas un projet», dit la jeune femme. «Précisez votre pensée», répond l’homme, qui, plus loin, alors qu’il a enfilé les chaussures à talon de la femme et sa robe lui explique: «Si je vous dégoûte, il y a de forts risques que vous vous dégoûtiez vous-même.» Qu’est-ce qui nous lie les uns aux autres? Sommes-nous vraiment distants, différents? Qu’est-ce qui nous délie? «Pour être libre il faut désapprendre», professe l’homme. «Je désapprends, comme vous dites», conclura plus tard la femme. La mise en scène de Dominique Bourquin est précise, subtile. La Gale et Philippe Jeanloz forment sur scène un couple qu’on ne voudrait pas quitter si vite (l’heure que dure la pièce semble bien courte alors que parfois, au théâtre, c’est si long), leurs deux impeccables interprétations se répondent dans une harmonie qui grince juste comme il faut. Il faut relever la prestation de La Gale qui montre dans cette pièce quelle formidable comédienne elle est au-delà du stéréotype «rappeuse» qu’on lui accole souvent. Ô la belle pièce!
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