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Actuel / Les pays africains condamnés à des simulacres d’élections présidentielles?


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Les récentes élections au Gabon et le cas de Tidjane Thiam, interdit de présidentielle en Côte d’Ivoire, marquent-ils un retour à l’élimination des candidats présentant une menace pour les régimes en place et à des scores «à la soviétique»? Les scénarios auxquels nous assistons en ce début d’année 2025 ont bel et bien des airs de déjà-vu, qui rappellent le temps des partis et des candidats uniques.



C’est ainsi qu’en Côte d’Ivoire, où se tiendront des élections présidentielles en octobre 2025, on s’achemine vers un scrutin d’où les principaux opposants au président Alassane Ouattara sont mis hors-jeu. Après Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Charles Blé Goudé, c’est au tour de l’ex-DG de Crédit Suisse, Tidjane Thiam, de se voir stoppé net dans sa campagne pour les présidentielles. Le 22 avril, un tribunal d’Abidjan l’a en effet radié de la liste électorale, estimant, selon un article du code de la nationalité, qu’il avait perdu sa nationalité ivoirienne après avoir demandé et obtenu la nationalité française en 1987. Cette même nationalité française à laquelle il avait renoncé au mois de mars dernier afin de se présenter à la présidentielle, un scrutin pour lequel un candidat ne peut pas être binational. Tidjane Thiam, absent de Côte d’Ivoire depuis plusieurs semaines, se verrait même interdire tout retour à Abidjan où les gros titres de la presse nationale rivalisent d’arguties à propos de sa nationalité.

Si les partisans de Tidjane Thiam crient à la manipulation politique et à l’instrumentalisation de la justice, ce qui frappe, c’est le sentiment d’impunité du pouvoir en place qui ne laisse aucune chance à son rival le plus sérieux. Pour laisser la voie libre à un possible 4e mandat du président Alassane Ouattara, 83 ans, au pouvoir depuis 15 ans, alors que la Constitution limite à deux le nombre de mandats? L’appel à manifester dans tout le pays contre la décision du tribunal n’a pour l’heure guère rencontré de succès, alors que la population demeure traumatisée par les violences post-électorales des derniers scrutins. Mais Tidjane Thiam assure depuis Paris qu’il va continuer le combat pour se présenter aux élections et devenir le prochain président de la Côte d’Ivoire. Une chose demeure certaine: tensions et affrontements sont d’ores et déjà programmés. 

Autre pays, autre scénario

Le 12 avril dernier au Gabon, le général-putschiste Brice Oligui Nguema, tombeur de la dynastie Bongo en août 2023, était proclamé vainqueur de l’élection présidentielle avec un score de 94,85 %! Du jamais vu dans un pays pourtant dirigé par la même famille de 1967 à 2023. Ni le fondateur de la dynastie, Omar Bongo, ni son fils, Ali Bongo, qui lui succéda à sa mort, n’avaient connu de scores aussi élevés – hormis les scrutins où Bongo père était candidat unique, en 1973, 1979 et 1986. D’autres candidats étaient pourtant en lice le 12 avril dernier. Le principal rival n’a obtenu que 3,11 % des suffrages, tandis qu’aucun des six autres candidats n’a dépassé la barre des 1 %! Visiblement, les vieilles habitudes pratiquées dans un contexte de parti unique ont la vie dure. Le principal opposant, par ailleurs ex-pilier du régime d’Omar Bongo, a même renoncé à déposer un recours à l’issue d’élections qu’il qualifie d’«opaques et contestables». Il est vrai que ses chances étaient minimes, le président de la Cour constitutionnelle étant le frère du nouvel homme fort du Gabon, élu pour un mandat de 7 ans. Fermez le ban.

Le contexte géopolitique actuel va-t-il rendre acceptable des élections au rabais?

En Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est entourée de pays qui rejettent peu ou prou la France et plus largement l’Occident pour se tourner vers la Russie et la Chine. Il est donc peu probable que Paris ou d’autres capitales européennes ne tiennent réellement rigueur au président ivoirien si celui-ci confirme sa volonté de se présenter à nouveau, sans véritable challenger face à lui. Au Gabon – important producteur de pétrole sur le continent africain – le coup d’Etat qui avait renversé le clan Bongo ne s’est pas soldé par une volonté de remettre en cause les liens privilégiés avec Paris. C’est certainement la raison pour laquelle le président Emmanuel Macron a aussitôt appelé Brice Oligui Nguema pour le féliciter chaleureusement pour sa victoire. Comme au «bon vieux temps» où les présidents français n’étaient guère embarrassés par les scores «à la soviétique» remportés par les alliés de la France en Afrique.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Alain Schaeffer 02.05.2025 | 08h29

«Il reste pour l'espoir le Sénégal, l'Afrique du Sud, le Bostwana et d'autres pays qui sont des démocraties solides en Afrique.»


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