Actuel / Tollé en Afrique après les propos à l’emporte-pièce de Macron
Avec les propos fort peu diplomatiques qu’il a tenus le 6 janvier à Paris lors de la Conférence annuelle des ambassadrices et des ambassadeurs, Emmanuel Macron a réussi le tour de force de se mettre à dos plusieurs chefs d’Etat d’Afrique francophone ainsi qu’une opinion publique qui s’est enflammée sur les réseaux sociaux.
Comment comprendre qu’après huit années passées à la tête du pays, d’innombrables rencontres avec les chefs d’Etat du continent africain, le président français réussisse le tour de force d’aligner un tel florilège d’impairs? Cette nouvelle séquence, qualifiée de «lunaire» par des internautes, va en tout cas compliquer encore davantage la tâche des ambassadeurs et des ambassadrices de France sur le terrain. «Je crois qu’on a oublié de nous dire merci, ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps», a ainsi lancé le président français en se référant à l’engagement de la France contre le terrorisme dans le Sahel. Avant de dénoncer l’«ingratitude» des «gouvernants africains» dont, à l’entendre, «aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région». «Constatons que la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté», a aussitôt sèchement réagi sur sa page Facebook le premier ministre du Sénégal Ousmane Sonko. Qui a enchaîné en rappelant que «si les soldats africains quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis ne s’étaient pas déployés lors de la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait peut-être aujourd’hui encore, allemande».
«Attitude méprisante à l’égard des Africains»
Un argument également brandi par le ministre tchadien des Affaires étrangères Abderaman Koulamallh qui tout en fustigeant «l’attitude méprisante» d’Emmanuel Macron «à l’égard de l’Afrique et des Africains», a déploré que «la France n’ait jamais véritablement reconnu le rôle déterminant de l’Afrique et du Tchad lors des deux guerres mondiales». Autre passage du discours d’Emmanuel Macron qui fait polémique: celui où il affirme que c’est la France qui a décidé de retirer ses troupes de l’Afrique, et non ses responsables politiques. «Nous avons proposé aux chefs d’Etat africains de réorganiser notre présence. Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce. Mais ce n’est pas parce qu’on est polis, corrects et qu’on se réorganise nous-mêmes qu’il faudrait que ce soit retourné contre nous en disant: “ils sont chassés d’Afrique”». Ces propos ont également fait réagir le premier ministre du Sénégal, un pays qui a annoncé récemment vouloir mettre un terme à la présence permanente de soldats français sur son sol. «Je tiens à dire que dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée», a ainsi affirmé Ousmane Sonko. «Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour, et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain.»
«Petit colon, le disque est rayé»
Aux yeux du journaliste ivoirien Ferro Bailly, ces propos d’Emmanuel Macron concerneraient surtout le président de Côte d’Ivoire Alassane Ouattara. Selon lui, «Jupiter aurait été piqué au vif» lorsque, «le 31 décembre 2025, le chef de l’Etat ivoirien s’est montré triomphateur» en annonçant «avoir décidé du retrait concerté et organisé des forces françaises en Côte d’Ivoire». Lorsque Emmanuel Macron déclare, dans son discours: «je peux vous dire que dans quelques uns de ces pays, on ne voulait pas enlever l'armée française ou même la réorganiser, mais on l'a assumé ensemble», il est clair pour le journaliste ivoirien qu’il fait allusion à la Côte d’Ivoire. C’est également ce qu’a compris un internaute, qui réagit en estimant qu’«Emmanuel Macron humilie publiquement le reste de présidents africains encore à sa solde». La question du départ des troupes française remporte en tout cas la palme du nombre de post sur les réseaux sociaux: «Petit colon, le disque est rayé. Enlève tes bases une bonne fois, c’est mieux. Trop de blablabla», écrit Charlie Berthe sur Facebook. «Rentrez un peu chez vous! demande Edouard Bidjo. Il n’y a aucun soldat djiboutien sur le sol français. Pourquoi voulez-vous insister? Nous ne voulons plus de bases françaises en terres africaines...»
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Alain Schaeffer 10.01.2025 | 11h16
«Nous allons nous réjouir quand l'attitude la France changera en faveur d'une voie de vérité et de réconciliation concernant son passé (néo)colonial, de coopération égalitaire avec les pays d'Afrique avec qui cela reste possible, en laissant derrière tout discours de supériorité.»