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Analyse


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Les décisions du Conseil de sécurité des Nations-Unies du 24 février sur la fin de la guerre en Ukraine sont remarquables à plus d’un titre: fruit de la nouvelle dynamique des relations russo-américaines, elles sont les premières résolutions importantes en matière de paix votées en 14 ans. Elles illustrent par ailleurs l’affaiblissement de la position jusqu’au-boutiste des Européens.



Qui l’eût cru? Après que Trump eut fragilisé le système international en se retirant de l’OMS et du Conseil des droits de l’homme, il remet la diplomatie multilatérale au centre du jeu politique en présentant à l’ONU, le 24 février, deux résolutions sur la fin de la guerre en Ukraine. La première, votée à l’Assemblée générale, a été approuvée par 93 voix contre 18 (et 65 abstentions). Fait remarquable, les Etats-Unis ont suivi la Russie pour voter contre le texte qu’ils avaient eux-mêmes proposé après que l’Assemblée eut adopté trois amendements européens favorables aux positions ukrainiennes. En effet, les Européens ont tenu à rajouter trois amendements au projet déposé par les USA:

  • Le premier remplace la description du «conflit russo-ukrainien» par «invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Fédération de Russie», ce qui sous-entend que la Russie a commis un acte d’agression.
  • Le deuxième réaffirme l’engagement de l’ONU pour la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine – et rejette donc toute notion de concessions territoriales sur la Crimée et les oblasts du Donbass.
  • Le troisième souligne encore l’importance de l’amendement précédent en appelant à une paix qui respecte les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale.

La procédure à l’Assemblée générale veut que les Etats représentés se prononcent d’abord sur les amendements et ensuite sur le texte complet amendé. Les trois amendements ont été adoptés à la majorité simple et les Etats-Unis ont fait le choix, avec la Russie et 16 autre pays, de voter contre.

Des casques bleus en Ukraine?

La seconde résolution, plus importante parce qu’approuvée par le Conseil de Sécurité, donc en principe juridiquement contraignante contrairement à la première, ne reprend pas les amendements européens. En effet, ceux-ci ont été rejetés lors des votes. Le texte est très court : 83 mots. Il se limite à regretter les pertes humaines et appelle à une fin rapide du conflit. Elle a été approuvée par tous les membres du Conseil de sécurité, à l’exception de ses cinq membres européens, soit la France, le Royaume-Uni, le Danemark, la Grèce et la Slovénie, lesquels se sont abstenus. Français et Britanniques auraient pu opposer leur veto, mais ils ne l’ont pas fait.

D’abord, il remet l’ONU sur le devant de la scène après des années de paralysie due à l’impossibilité d’un accord entre Russes et Américains. La dernière fois que le Conseil de sécurité avait adopté une résolution importante en matière de guerre et de paix était celle autorisant le recours à la force en Libye en 2011. Ce développement, qui est le fruit de la nouvelle dynamique dans les relations russo-américaines, présage-t-il d’un engagement de l’ONU dans la résolution du conflit ukrainien? On pourrait par exemple imaginer que l’ONU envoie un contingent de casques bleus pour surveiller un accord de cessez-le-feu entre Russes et Ukrainiens. Le chef de l’armée suisse, Thomas Süssli, a du reste annoncé le week-end dernier qu’il serait prêt à y envoyer 200 soldats. Un contingent de l’ONU suffira-t-il à satisfaire la demande ukrainienne de garanties de sécurité dans le cadre d’un accord de paix? On en doute.

Les Européens hors-jeu

Les décisions de l’Assemblée générale et, surtout, du Conseil de sécurité, illustrent l’affaiblissement de la position jusqu’au-boutiste des Européens. Ils se sont retrouvés parfaitement isolés au Conseil. A l’Assemblée générale, le soutien a fondu. Traditionnellement, les résolutions pro-ukrainiennes rassemblaient autour de 140 votes positifs, soit 50 de plus que celle du 24 février 2025.

Ces développements sont positifs pour la gouvernance mondiale, même si les artisans du rapprochement américano-russe, Trump et Poutine, ne séduisent ni par leurs valeurs, ni par leurs méthodes. Sauront-ils aborder le Proche-Orient avec le même esprit de consensus? Ce serait plutôt miraculeux.

Les Européens devront procéder à un aggiornamento de leurs politiques s’ils ne veulent pas se retrouver complètement hors-jeu. Quant à la Suisse, heureusement qu’elle n’est plus au Conseil de sécurité. Entre sa fascination pour l’Amérique et sa solidarité obligée avec l’Europe, qu’aurait-elle choisi?

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