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Média indocile – nouvelle formule

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Soit la liberté d’expression existe, et elle existe pour tout le monde; soit elle est limitée, et elle est limitée pour tous. Où sont ceux qui, comme dans la formule prêtée à Voltaire, seraient prêts à se battre pour laisser dire des opinions qu’ils ne partagent pas?



Cette semaine, le dixième anniversaire des attentats contre Charlie Hebdo nous a valu une avalanche de commentaires et de déclarations enflammées sur la défense de la liberté d’expression. Pas question de transiger avec les censeurs et les intégristes de tous poils qui cherchent à brider le droit de blâmer, de caricaturer et de se moquer. On ne peut qu’applaudir de telles professions de foi. Et pourtant! Ce programme ne peut que laisser amers et sceptiques celles et ceux qui se sont essayés à exercer leur liberté de parole contre les dogmes officiels.

Il est amusant de constater que ceux qui se disent prêt à verser leur sang jusqu’à la dernière goutte pour Charlie sont souvent les mêmes que ceux qui pourfendaient avec le plus de hargne les vaccinosceptiques et les critiques des politiques gouvernementales au temps du Covid. Que n’a-t-on pas entendu alors contre ces dangereux complotistes qui mettaient en danger la vie d’autrui par leurs seules interrogations! Pas question de les laisser s’exprimer dans les médias, qui réprimaient impitoyablement les voix récalcitrantes. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs toujours en prison, comme l’avocat allemand Rainer Fuellmich, accusé sans preuve d’avoir détourné de l’argent. 

Deux poids deux mesures

D’autres, comme l’humoriste français Dieudonné, ont été proscrits et bannis de la scène sous les accusations d’antisémitisme. Loin de moi l’idée de défendre cet amuseur public ou d’exprimer une quelconque complaisance à l’égard de l’antisémitisme. Mais il existe un paradoxe et même une énorme contradiction entre le fait de défendre mordicus le droit de dessinateurs à caricaturer Mahomet et à brocarder les Musulmans en les traitant de cons et celui de condamner et d’interdire de scène un humoriste qui utilise sa liberté d’expression pour se moquer des Juifs. On imagine d’ailleurs le tollé si, au lieu de se gausser de Mahomet, du pape ou des Chrétiens comme il ne s’en prive pas, Charlie Hebdo avait caricaturé le judaïsme et les Juifs en les insultant pareillement.

Que penser de l’indignation soulevée par les propos d’Elon Musk, qui s’en est pris aux Britanniques qui ont tu pendant des années les viols de masse commis contre des jeunes filles par des migrants, et aux Allemands qui veulent interdire l’un des principaux partis politiques du pays, l’AfD? Et des appels à censurer le réseau X parce qu’il serait trop complaisant avec les thèses complotistes, les discours de haine et autres propos antisémites ?

La liberté d’expression à la carte

Ces vertueux gardiens de la liberté d’expression qui ne supportent pas les ingérences de Musk dans les affaires européennes n’ont pourtant rien trouvé à dire lorsque von der Leyen s’est immiscée de façon crasse dans les élections moldaves, géorgiennes et roumaines de l’automne dernier en promettant des milliards d’euros en cas de «bon» vote et en faisant annuler le deuxième tour des élections présidentielles roumaines après que le premier tour eut été gagné par un candidat eurosceptique? Vous avez dit liberté d’expression?

Et que dire de celles et ceux qui, votant pour les «mauvais» partis, sont immédiatement taxés d’extrémistes de droite ou de suppôts du nazisme, et derechef écartés du débat public et bannis des plateaux des télévisions publiques financées par le contribuable? Et enfin, que penser de l’emprisonnement sans instruction ni jugement d’opposants politiques, comme l’ancien député polonais Mateusz Piskorski ou de l’activiste Janusz Niedzwiecki, accusés du délit invraisemblable «d’influencer l’opinion publique» parce qu’ils professent des opinons opposées à la doxa officielle sur l’Ukraine?

La censure des uns, le ressentiment des autres

Où est la liberté d’expression? Où sont ceux qui, comme dans la formule prêtée à Voltaire, seraient prêts à se battre pour laisser dire des opinions qu’ils ne partagent pas?

Soit la liberté d’expression existe, et elle existe pour tout le monde; soit elle est limitée, et elle est limitée pour tous. On ne peut pas l’appliquer à la carte, en l’autorisant aux uns et en l’interdisant aux autres. Dans une société équilibrée, il ne peut y avoir des communautés que l’on peut brocarder sans réserve et d’autres qui jouiraient d’une immunité totale contre les pamphlets, les caricatures ou les critiques. Les Etats-Unis, qui sont intransigeants en matière de liberté d’expression, sont beaucoup plus conséquents. Chez eux, la liberté d’expression est absolue et égale pour tous.

Ces différences de traitement créent des inégalités sociétales entre les différentes composantes de la société et créent du ressentiment chez les exclus de la parole. Elles engendrent des tensions insupportables qui peuvent déboucher sur la haine et la violence, comme ce fut le cas en France et, dernièrement, en Allemagne et aux Etats-Unis.

L’existence de trop nombreux trous, tabous et non-dits donnent l’impression que certains sont plus libres de s’exprimer que d’autres.

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