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Média indocile – nouvelle formule

Lu ailleurs

Lu ailleurs / Conspiracy Watch, vous avez dit «complot»?


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Si vous suivez l’actualité du «complotisme» dans la sphère francophone, vous avez déjà entendu parler de Conspiracy Watch et de son fondateur, Rudy Reichstadt. Depuis une dizaine d’années, ce dernier fait la pluie et le beau temps en matière de «conspirationnisme» auprès des grands médias (suisses également). Y sont épinglés, sans aucune forme de nuance, les contenus les plus fantaisistes, mais aussi beaucoup d’analyses très sérieuses questionnant les discours officiels. Police de la pensée au service des puissants? En décembre 2023, le média en ligne «Blast» a débuté une série d’enquêtes autour de la nébuleuse Conspiracy Watch, dont voici les bonnes feuilles.



Les deux volets de l’enquête de Blast sur Rudy Reichstadt, publiés le 13 décembre et le 25 janvier dernier, révèlent la proximité qu’entretient Conspiracy Watch avec certains réseaux médiatico-politiques liés à Manuel Valls d’abord, puis à Emmanuel Macron. Lors de la fondation de son blog en 2007, Reichstadt est aussi très proche des milieux pro-atlantistes français, via le Cercle de l’Oratoire. Se côtoient au sein de ce groupe (dissous en 2008) des personnalités telles qu’André et Raphaël Glucksmann, Pascal Bruckner, Romain Goupil, Frédéric Encel, Bruno Tertrais ou Marc Weitzmann. Le Cercle de l’Oratoire soutient successivement les guerres en Afghanistan et en Irak, accréditant la double fable criminelle des «armes de destruction massive» et du «lien avec Al-Qaïda» de Saddam Hussein. Les membres du groupe de réflexion publient pétitions et tribunes pour soutenir le bellicisme états-unien et tancer ses détracteurs.

Le fondateur de Conspiracy Watch côtoie également Bernard-Henri Lévy et la journaliste Caroline Fourest, qui le décrit en août 2014 dans son émission sur France Inter comme le «gardien de l’information sur Internet». Le soutien qu’il reçoit de figures médiatiques influentes, mais aussi la diffusion de publicités généreusement offertes par les Gafams, permettent au blogueur d’acquérir une visibilité et ainsi de pouvoir envisager une professionnalisation de Conspiracy Watch.

Depuis 2017, le site, devenu service de presse, est largement financé par la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Il obtient également des subventions publiques en cascade, dont une partie a été révélée lors de l’affaire du fonds Marianne (60'000 euros reçus par Conspiracy Watch pour la production et l’actualisation de notices). Le site dispose aussi d’un autre grand partenaire étatique: la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). Créée en 2012, la Dilcrah était d’abord rattachée au ministère de l’Intérieur, avant d’être transférée au sein des services du Premier ministre. Jusqu’à la date du 9 juin 2023 (voir la capture d’écran), la rubrique «Soutenez-nous!» du site comportait la mention suivante: «Conspiracy Watch ne bénéficie, pour son fonctionnement, d’aucune subvention d’Etat ni d’aide à la presse régulières». Une «fake news», pour reprendre un terme souvent employé par Rudy Reichstadt…

Convergence idéologique

Ce que soulignent ces divers liens entre l’Etat français et ce que certains observateurs considèrent comme une officine au service de la parole officielle n’est pas le fruit d’un complot, justement. Selon Laurent Dauré, journaliste auteur des enquêtes sur Blast: «elle provient simplement d’une convergence idéologique et politique: une adhésion commune à ce que nous avons appelé le libéral-atlantisme, auquel il faut ajouter un parti pris "laïciste" hostile à l’islam et aux musulmans, ainsi qu’une profonde complaisance – voire une tendresse – à l’égard d’Israël (ce qui implique de fermer les yeux sur la politique d’apartheid et l’épuration ethnique des Palestiniens qui y sont pratiquées).»

En résulte un travail «ni rigoureux ni neutre», selon le politologue Julien Giry, auteur d’une tribune dans Marianne au sujet de Conspiracy Watch. «Ce qui ne va pas dans leur sens a tendance à être écarté, y compris la plupart des travaux de recherche. Dans son livre (L’Opium des imbéciles: Essai sur la question complotiste), Reichstadt cite essentiellement Popper, Hofstadter et Taguieff, qui convergent vers une vision individualiste et libérale, avec une volonté de disqualifier toute critique radicale de l’ordre établi, taxée d’irrationalité et vite renvoyée au complotisme.»


Lire le premier et second volet de l'enquête de Blast.

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