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Le pape émérite Benoît XVI est mort au crépuscule de l’an 2022. Dans un contraste caricatural avec le pape actuel François, le pontife allemand a souvent été dépeint sous les traits d’un conservateur rigoriste. Tous lui reconnaissent néanmoins une grande profondeur d’âme et une finesse intellectuelle et théologique extraordinaire. Qui était vraiment Benoît XVI? Qu’en restera-t-il? Rencontre avec Sylvain Queloz, doctorant en théologie, aumônier, et ancien garde pontifical au Vatican, qui a servi sous ce défunt pape qu’il a tant aimé.



Pour vous, qui était le pape Benoît XVI?

Sylvain Queloz: «Après le grand pape Jean-Paul II, Messieurs les cardinaux m’ont élu moi, un humble serviteur dans la vigne du Seigneur.» Tels furent les premiers mots du pape Benoît XVI lors de son apparition au balcon de la basilique St-Pierre en 2005, quelques minutes après son élection comme successeur de l’Apôtre Pierre. Ces quelques mots disent tout de l’humilité de ce géant de la foi. Pour moi, Benoît XVI était avant tout un père dans la foi et un exemple d’humilité. Il a été un chercheur de Dieu, un brillant théologien dont l’Eglise ne cessera, à mon avis, de découvrir la richesse de l’enseignement théologique durant les siècles à venir. Je lui suis infiniment reconnaissant pour tout ce qu’il a apporté au monde, à l’Eglise, et pour tout ce qu’il m’a apporté à moi personnellement. Cet homme a changé ma vie.

Avez-vous une anecdote particulière à raconter entre vous et lui?

J’ai veillé sur le pape Benoît XVI durant plus de trois ans, entre 2008 et 2011, en me mettant à son service au sein de la Garde Suisse Pontificale chargée de la sécurité du Souverain Pontife. Cette expérience m’a profondément marqué, notamment grâce au pape Benoît XVI à qui j’ai juré de donner ma vie. Les souvenirs sont nombreux. En sa présence, il régnait un climat presque mystique. Parfois, il semblait même timide et intimidé par les acclamations de la foule. Dans les échanges personnels, il y avait peu de mots mais une authenticité et une présence d'une rare intensité dans son regard, inoubliable pour ceux et celles qui ont eu la chance de le croiser. Lors du retour d’un de ses nombreux voyages à l’étranger, j’étais en service dans sa résidence d’été à Castel Gandolfo, en position de garde à vous devant l’ascenseur qui menait à son appartement. En descendant de la voiture, il s’approche de moi et je l’entends me dire en me tendant la main: «Andiamo a salutare… Guten Abend!» et moi, intimidé, de lui répondre en français: « Bonsoir Saint-Père. Soyez le bienvenu à la maison. Est-ce que le voyage s’est bien passé?» Benoît XVI: «Oui, oui, très bien.» Puis, après avoir salué toutes les autres personnes présentes, il s’approche à nouveau de moi et, avec un petit sourire, me dit: «Bonne nuit!» Ce genre de petits échanges personnels resteront gravés dans ma mémoire. Il était si bon, doux et généreux.

Quelle est l’action de Benoît XVI qui vous a le plus touché?

La vie de Benoît XVI est une œuvre en soi. Ses recherches théologiques, sa participation comme expert lors du concile Vatican II (il est le dernier pape à avoir participé au concile), ses enseignements, son travail comme bras droit du pape Jean-Paul II, puis son pontificat qu’il a entamé à 78 ans, alors qu’il espérait pouvoir profiter d’une retraite bien méritée, sa manière de célébrer la messe, le tout constitue un ensemble, un témoignage et un cadeau providentiel pour le monde et l’Eglise. Pour moi, il a été un homme de Dieu et j’espère qu’un jour il sera canonisé et proclamé docteur de l’Eglise.

Lequel de ses textes recommanderiez-vous à nos lecteurs?

Tous les textes de Benoît XVI sont à lire. Les 3 volumes sur Jésus de Nazareth, l’Esprit de la liturgie ou encore l’encyclique Deus caritas est sont pour moi des œuvres majeures de ce brillant intellectuel pourtant si accessible.

En venant après un Jean-Paul II révolutionnaire et un François charismatique, pourrait-on au fond considérer que Benoît XVI a été un pape «de transition»?

Je pense que chaque pape s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs, amenant son style, son expérience, sa culture, sa personnalité et son charisme propre. Je crois que l’Esprit Saint guide l’Eglise et nous donne le pape dont l’Eglise a besoin au moment où elle en a besoin. Dans ce sens, aucun pape n’est un pape de transition. On disait de Jean XXIII, devenu pape en étant âgé, qu’il était un pape de transition, et voilà qu’il a surpris tout le monde en convoquant le concile Vatican II, la dernière grande réforme de l’Eglise à ce jour…

Que peut garder l’Eglise du pontificat de Benoît XVI?

D’une part, l’œuvre théologique immense d’une richesse incommensurable. D’autre part, l’approfondissement de la foi en dialogue avec son temps… Je pense notamment au dialogue entre foi et raison ou celui entre la foi et les sciences naturelles qui s’enrichissent mutuellement. Enfin, bien sûr, la grandeur d’âme et la foi de cet homme et de ce Pasteur zélé. Lorsqu’un prêtre devient évêque, il doit choisir une devise. Lorsque Joseph Ratzinger est devenu archevêque de Munich-Freising en 1977, il a choisi la devise Cooperatores veritatis (collaborateur de la Vérité) et pour moi cela fut providentiel. Qu’est-ce que cela veut dire dans notre monde d’aujourd’hui d’être un collaborateur de la Vérité? Cette Vérité qui est Jésus Christ et dont Benoît XVI a été un témoin édifiant.

Revenons à vous, qui avez tant aimé ce pape. En quoi cet homme a-t-il changé votre vie?

Benoît XVI a changé ma vie car il m’a interpellé et édifié dans ma foi. Grâce à lui, j’a décidé d’étudier la théologie et de tenter de devenir moi-même, à mon tour, humblement, à mon échelle, dans ma réalité, un collaborateur de la Vérité. Benoît XVI restera un père et un guide spirituel sur ma route. J’ai veillé sur lui comme garde suisse; aujourd’hui, après avoir prié pour lui, je le prie lui de veiller sur moi et de continuer à m’accompagner et à accompagner l’Eglise. En me recueillant devant sa dépouille et en me rendant à ses funérailles en ce jour, je veux lui dire du fond du cœur MERCI pour celui qu’il a été et qu’il restera à jamais pour moi. «Saint-Père Benoît, nous t’avons aimé, nous t’aimons. Désormais, du Ciel, veille sur chacun et chacune d’entre nous.»

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