Média indocile – nouvelle formule

A vif


PARTAGER

Les journalistes ont pour tâche d’expliquer le comment et le pourquoi de ce qui se passe. Mais là, pardon, nous sommes dépassés. Sur tant de sujets, c’est à n’y rien comprendre. La logique de la guerre n’est guère logique. Elle affole la raison. Du plus grand évènement aux lointaines conséquences, on n’arrive plus à démêler les contradictions. Exemples en vrac.



- La centrale nucléaire de Zaporijjia est aux mains des Russes qui, selon Kiev, y auraient déposé des munitions et des armes. Des missiles atterrissent à sa proximité, causant d’évidents et effrayants périls. Or les Ukrainiens veulent faire croire que ce sont les occupants qui les tireraient. Sur leurs positions donc. Cela dépasse l’entendement.

- Les Européens craignent les froidures à venir, faute de gaz. Rappel: au début de la guerre, Poutine assurait que Gazprom honorerait ses contrats avec les pays amis ou pas. Puis la décision fut prise par l’UE d’interrompre toute importation d’hydrocarbures de Russie. Avec quelques délais… Ouvrant ou fermant le robinet. Comment s’étonner que les Russes, en réponse, fassent de même? Décréter des sanctions – aux effets plus que discutables sur le pays visé – et se plaindre ensuite de leurs conséquences chez ceux qui les ont décrétées… Où est la logique?

- Quel raisonnement rationnel a pu pousser notre ministre Cassis à déclarer la Crimée ukrainienne? Personne n’exigeait cette prise de position discutable. Quiconque a mis les pieds sur cette presqu’île a constaté que sa population, en écrasante majorité, se sent russe. Des considérations sur le respect des frontières? Fort bien. On attend donc que le même Ignazio Cassis condamne l’occupation de la Cisjordanie par Israël.

- Allez comprendre le dédale mental du gouvernement suisse. La grande frousse du moment, c’est la pénurie d’électricité. Chacun y va de ses propositions de contingentements et de restrictions. Que propose le Conseil fédéral? Autoriser à nouveau les centrales qui produisent du courant à partir… de ce gaz et de ce pétrole devenus rares. A Chavalon par exemple qui pourrait reprendre du service. Au moment donc où les voisins n'ont aucune envie de nous filer une part de ces carburants dont ils manquent aussi. Vous suivez le raisonnement? Nous pas.

- L’électricité? Nous en vendons et nous en achetons, selon les heures, selon les saisons. La France assure 60% de cette importation, mais elle connaît aussi la pénurie, d’autant plus que la moitié de son parc nucléaire est en panne. Va-t-elle nous fournir ce dont nous avons besoin? Pas sûr. Notamment du fait que malgré notre totale imbrication avec les réseaux du voisinage, nous n’avons jamais signé l’accord européen sur l’électricité qui garantit l’équité des échanges. Cela en raison du sabordage de l’accord-cadre CH-UE. Sur cette partie d’échecs, la tête de nos dirigeants s’est brouillée grave.

- Quand le gaz russe se tarit, le réflexe normal serait de se demander s’il y en a plus près. Parce que le Qatar, ce n’est pas évident, c’est loin et horriblement cher. Or nous en avons, là, dans notre sous-sol. A commencer par le gisement sous le Léman, au large de Noville. Suffisamment, disent les experts, pour satisfaire les besoins de la Suisse pendant 25 ans! Mais nos autorités se tortillent pour sortir de l’impasse sans jamais mentionner cette solution, certes pas immédiatement à portée, mais qui garantirait l’avenir. Comment expliquer cet engourdissement des neurones politiques? Mystère.

Nous sommes nombreux à nous gratter la tête. Un fidèle lecteur de BPLT nous écrit, se demandant pourquoi, dans cette phase de pénurie, on ne freine pas la vogue des voitures électriques. Il remarque que celles-ci sont généralement chargées la nuit, quand les éventuels panneaux solaires sont au repos. On peut ajouter: quand – en soirée – la consommation des ménages est au plus haut. Désolé, cher lecteur, mais votre raisonnement est trop logique pour être entendu sous la Coupole fédérale ensommeillée.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

12 Commentaires

@Chemite 26.08.2022 | 00h53

«Magnifique!»


@XG 26.08.2022 | 09h06

«Merci Monsieur Pilet pour l'acuité de votre analyse et votre clairvoyance. Je crois que l'Occident est actuellement très mal dirigé, par des politiciens à la botte des lobbies financiers, pharmaceutiques et de fabricants d'armes, ce qui va inévitablement nous conduire à la ruine.»


@Maryvon 26.08.2022 | 10h38

«Merci Pour Pilet pour cette analyse. Il est en effet de plus en plus difficile de comprendre les décisions prises par nos Autorités. Ceci est très anxiogène. Pour ce qui est de la presse en Suisse romande, les journalistes clairvoyants se comptent sur les doigts d'une main. C'est à désespérer. »


@hum 26.08.2022 | 10h42

«Excellent !»


@Deuborch 26.08.2022 | 17h08

«L’attitude de l’Europe fait le jeu des Américains qui ont tout avantage à voir une Europe affaiblie. Et on continue à leur « cirer les pompes ». Avec l’affaire des achats d’avions F 35 par exemple. JC Perriard »


@Ancetre 26.08.2022 | 17h14

«Avant de parler d'Occident, balayons devant notre propre porte. Votre article illustre le décalage qui existe entre le monde actuel et la gouvernance suisse. Notre modèle, inamovible depuis des décennies, est centré sur le micro-management, et prône des exécutifs de milice, la fonction faisant le ministre alors que ses compétences sont laissées de côté, voire ignorées. Si un ex ministre des affaires étrangères s'installait comme médecin, on parlerait d'hérésie. Mais le contraire n'étonne personne. Si dans une grande société suisse, on nommait, au département que personne ne veut, un nouveau responsable, sans se poser la question de l'adéquation de ses compétences à la position libre, on s'arracherait les cheveux. C'est pourtant la règle au sein de nombre d'exécutifs, à commencer par le Conseil fédéral. Il est grand temps de réviser nos approches, avant de passer pour un pays à la gouvernance peu crédible. A moins qu'il ne soit déjà trop tard.!!»


@Libredepenser61 26.08.2022 | 18h21

«une belle série de "perles"; on en rirait bien si les sujets n'étaient pas si dramatiques pour les populations d'ici et d'ailleurs. Merci pour cet article qui met bien en évidence la débilité de certaines décisions et la débilité de la couverture médiatique sans aucune réflexion ni esprit d'analyse ou contradiction. »


@Persil 27.08.2022 | 11h58

«Merci Monsieur Pilet!»


@willoft 27.08.2022 | 13h08

«Il est d'ailleurs assez piquant de voir que les sanctions se retournent principalement contre les peuples européens et que leurs dirigeant n'aient pas compris que la volonté américaine était d'affaiblir l'Europe, sous prétexte démocratique et de haine atavique russe.

Que la Suisse ait décidé de suivre ces sanctions peut encore se comprendre en real politique.
Les USA l'ont sans doute menacée de lui tordre le bras avec de nouvelles condamnations contre ses banques et autres multinationales si elle ne s'y associé pas. Le F 35 en est une autre illustration.

Mais son rôle pro/anti-dépendant européen est schizophrènique.
Il lui faudra discuter de sa neutralité, car on ne peut être neutre et participer à des manoeuvres avec l'OTAN (autre grand gagnant),
et superbe occasion pour les USA (dont il est le cheval de Troie) de doubler le vente d'armes, de gaz et de pétrole.
Même si depuis toujours la neutralité suisse est un concept à géomètrie variable... !

Le résultat démocratique est que les lobbies dirigent les démocraties et non les politiques qui sont leurs marionettes.
Il y a dans cette même édition une reprise d'une émission allemande sur l'eau et les multinationales et Arte a fait de même.
Alors arguer que l'on veuille sauver la démocratie ukrainienne est une farce pure et Zélenski et sa bande se frottent les mains, Hollywood aussi.

Il n'y a qu'une solution pour arriver à la paix, mais encore faudrait-il le vouloir, accepter l'annexion russe de la Crimée et de l'est ukrainien.
Peut-être qu'après un hiver avec de nombreux obstacles énergétiques, les européens se réveilleront-ils?»


@willoft 27.08.2022 | 19h16

«Il en va de même pour le e-voting (le vote électronique pour les francophiles).
On essaie de nous faire croire que ce n'est pas sûr...
... depuis quinze ans en Uruguay, je travaille avec le e-banking (banque en ligne pour les mêmes puristes)
et sans aucun problème.

La réalité n'est pas scientifique, mais politique, car ça changerait sans doute les résultats des votes...!
Ainsi en va-t-il d'une soi-disante des meilleures démocraties du monde :))))»


@Docileindou 28.08.2022 | 21h05

«Cher Monsieur Pilet,
Je vous remercie pour ces exemples en vrac. Je suis prêt à revenir avec mes bocaux vides si la production continue. La matière première est abondante. Aucun risque de pénurie. Les risques sont ailleurs.
Je trouvais très étrange ces informations concernant la centrale de Zaporijjia. Pourquoi les russes qui l'occupent la bombarderaient ? Je pensais être le seul à me poser la question. Tous les journaux télévisés et tous les flashs infos répètent les accusations de Zélenski sans les vérifier.
Dans ce drame ukrainien, je ne voulais pas croire à une manipulation des informations par les services étasuniens. J'ai lu, il y a quelques années, le livre de Naomi Klein "La stratégie du choc". Au fil des jours, j'en viens à concevoir que ce choc à l'échelle mondiale a bien des points communs avec les descriptions de Mme Klein.
Assommés, groggys, sonnés et abasourdis, nous sommes au bord du coma collectif. Merci de nous tenir éveillés.

»


@camomille 03.09.2022 | 16h04

«Merci M. Pilet pour cet article, comme si souvent vous tapez dans le mille. J'ai lu quelque par que le QI en général dans nos sociétés occidentales étaient en baisse...Je dirais pas seulement le QI mais l'imagination...Nous sommes gouvernés par des gens dont le niveau d'intelligence, de culture, de capacité est en baisse associé à un niveau d'avidité et de bêtise en hausse...La situation générale en Occident serait-elle le reflet de ces mouvements contraires?»


À lire aussi