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Analyse


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L’endormissement de nos neurones civiques est administrée par doses variables à des fins diverses L’une d’elles a déjà produit ses effets. Le Conseil fédéral a tué l’accord avec l’Europe, sans douleurs, sans le moindre débat au parlement, sans aucun vote populaire. En cachant sa propre étude sur les conséquences du sabordage. Dans ce pays qui se gargarise au sirop démocratique, c’est ahurissant! Mais d’autres somnolences forcées sont aux fins de renforcer le pouvoir étatique sans contrôle. Avec deux lois qu’il nous est demandé d’applaudir le 13 juin.



On n'a jamais autant parlé des surveillances diverses dont le simple pékin peut être l’objet. Les GAFA nous guettent. Facebook nous trace pour nous fourguer des pubs. Une panoplie d’applications enregistrent nos sorties, où nous avons mangé et avec qui. Et cetera, et cetera. Or c’est le moment choisi pour faire passer deux lois qui faussent les règles du jeu démocratique, restreignent les libertés et favorisent le flicage. La première, dite loi Covid, donne les pleins pouvoirs au Conseil fédéral pour une durée indéterminée. Il peut ainsi imposer ce qu’il veut, sans débat parlementaire, avec des consultations aléatoires. Il apporte sans cesse des amendements, telle l’introduction du passeport sanitaire. Quasiment personne ne bronche au Parlement mis hors jeu, à la différence de celui du Parlement français qui résonne des empoignades sur le même thème. On y reviendra.

L’autre de ces lois, dite anti-terroriste, doit permettre d’observer en douce toute personne soupçonnée de sombres desseins. Avant même qu’un délit soit commis et sans l’aval d’un juge. Le gouvernement nous avertit: un like mal placé, une fréquentation de sites douteux, jugés subversifs, et toc, on peut se retrouver dans le collimateur. On nage dans la présomption de la dangerosité. Sans preuves concrètes. Sans appréciation d’un juge. Cette loi dispose de ce qui «pourrait être considéré comme du terrorisme». Ainsi, les «actions destinées à influencer ou à modifier l’ordre étatique» donneraient lieu au prononcé de «mesures policières» s’apparentant en réalité à des peines de nature pénale et ce, sans la validation d’un tribunal. De tout temps il y eut des mouvements visant à influencer l’ordre étatique. Il y en aura encore, de toutes natures, et c’est heureux. Une démocratie digne de ce nom doit les admettre dans le jeu, les combattre au besoin, mais sûrement pas les soumettre à l’arbitraire policier. Criminaliser les velléités révolutionnaires, quelles qu’elles soient, c’est poignarder la liberté politique.

Quant à l’ampleur du danger véritablement terroriste, parlons-en. Il y eut deux cas ces vingt dernières années. Rien ne prouve qu’un espionnage des suspects les aurait évités. Les organisations djihadistes ne frappent pas indistinctement tous les pays. Elles ont causé des horreurs en France parce que celle-ci est engagée dans une guerre anti-islamiste en Afrique. Rien n’indique que la Suisse retient leur attention. Et si c’était le cas un jour, on ne peut l’exclure, ces professionnels de la terreur, rompus à tous les camouflages, trouveraient probablement les moyens d’échapper à ces modes mécaniques de surveillance. La collaboration avec les services de renseignement étrangers est bien plus utile. L’intelligence, au sens politique et policier, est infiniment plus efficace que les détecteurs algorithmiques des déviances.

Il y a disproportion entre la menace et la gravité des mesures. Celles-ci prévoient entre autres des assignations à résidence. Applicables même aux enfants dès douze ans! Ce qui indigne les organisations de droits de l’homme et de la protection de l’enfance, les Nations-unies et de nombreux juristes encore attachés aux libertés fondamentales.

Comment croire à la raison de la police en toutes circonstances?

Mais nous serons raisonnables, protestent les policiers et leurs responsables politiques. Comment peut-on croire à leur retenue dans un pays qui a connu le scandale des fiches, avec 700’000 personnes étiquetées pour leurs opinions politiques, souvent à tort et à travers? Quand un pouvoir dispose de tels outils pour traquer la panoplie des «suspects» de tout poil, il en use. Au risque d’ailleurs de se disperser au détriment de tâches plus impérieuses.

Comment croire à la raison de la police en toutes circonstances? Quand les émotions s’échauffent, elle s’emporte. On l’a vu l’autre jour à Berne où la manifestation anti-gouvernementale n’a pas eu lieu, mais où des personnes dispersées, buvant un verre sur les terrasses, ont été collées le dos au mur, menottées en cas de récriminations, retenues des heures en cellules. Parce qu’elles étaient suspectes d’avoir voulu manifester! Repérées parce qu’elles ne portaient pas le masque, le chef de la police bernoise dixit.

Sur le terrain abusivement dénommé «antiterroriste» comme sur d’autres, le plus efficace soporifique de la raison, c’est la peur. Une société obsédée par la trouille et le refus du risque, commence par sacrifier ses libertés. Et amorce son déclin. Mais c’est là une réflexion philosophico-politique qui, c’est à espérer, ne fait que commencer.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

8 Commentaires

@Apitoyou 21.05.2021 | 07h03

«On ne peut pas dire mieux. Bravo!»


@miwy 21.05.2021 | 08h03

«Pleinement d'accord avec toi, cher Jacques. Toutefois, ce qui m'inquiète tout autant, est le fait que cet article soit publié sous ta signature. Où donc sont ces "jeunes journalistes", dont certains ont sans doute des idées, des connaissances et du talent ? En train de nous abreuver d'imbécilités et de news "people" sur 20 Minutes, Watson et bientôt Blick ? Il est grand temps que de plus jeunes que toi (et moi) se réveillent et regardent ce qui se passe autour d'eux. Si ce monde leur convient, je suis content de ne plus en faire partie pour très longtemps et s'il ne leur convient pas, qu'ils se mobilisent et se battent pour ne pas réélire les mêmes molachus, dénués de toute vision et loués, achetés ou vendus à nos fameux lobbies»


@Michel Rossinelli 21.05.2021 | 11h10

«Malheureusement M. Pilet n'a pas lu la loi ! Celle-ci prévoit qu'il faut des indices concrets et actuels qui laissent penser qu'une personne représente une menace terroriste. La police agit à la demande d'un canton ou d'une commune, ainsi que du SRC. Toutes les mesures peuvent être contestées devant le Tribunal administratif. Une assignation à résidence doit être approuvée par le tribunal des mesures de contrainte. Le scandale des fiches est une vieille et malheureuse histoire issue de la guerre froide qui ne pourrait plus se reproduire aujourd'hui. Au contraire, la nouvelle loi prévoit des garde-fous et l'absence d'une telle loi conduirait à des risques d'abus, car croire qu'en l'absence de cette loi, la lutte contre le terrorisme cesserait en Suisse est une illusion. simplement, elle se poursuivrait dans l'ombre et c'est ce qu'il faut éviter, car évidemment la police n'a pas toujours raison et c'est pour cela qu'il faut l'encadrer. Et les attentats terroristes en Europe sont une terrible réalité. Alors le discours sur la préservation de nos libertés face aux dangers que représentent les ennemis de nos libertés tombe à faux !»


@Pipo 21.05.2021 | 12h42

«Je ne peux qu’être d’accord avec cet article.
P.Flouck»


@Chuck50 21.05.2021 | 13h32

«Top, La question que je me pose: qui pilote le CF? quels lobby? Naïvement j'ai toujours pensé que le CF se pré-occupe du bien de la Suisse, mais là, c'est le sabordage total»


@jacques 21.05.2021 | 14h39

«Croire que l'affaire des fiches est une vieille histoire qui ne pourrait plus se reproduire aujourd'hui est d'une grande naïveté.»


@carcé 21.05.2021 | 14h56

«Voilà où nous en sommes: La surabondance de contenus anxiogènes dans les médias et les réseaux sociaux à déréglé le monde de l'information. Cela était et est toujours ardemment souhaité par l'extrême droite, qui contrôle de plus en plus nos grands quotidiens. Pour ces politiciens, le premier but était d'abord nous faire peur des étrangers et de l'Europe. Face à ce "marché de la peur", le citoyen s'est laissé embarquer. Contrôler le citoyen se fait pourtant depuis un moment. Regardez les statistiques de la "Surveillance des individus en Suisse - les circonstances 2019" (rapport annuel du SCPT - Service Surveillance de la correspondance par poste et télécommunications 2019): Le canton de Vaud a contrôlé 2'250 personnes, dont 240 surveillances en temps réel, près de 1'000 personnes surveillées "rétroactivement" et près de 1'000 personnes "par champ d'antennes". 10 fois plus que la moyenne des autres cantons, ou 75 fois de plus (si, si!) que la canton de Zoug. Comparons avec p. ex. Bâle Ville: 20 surveillances en temps réel, 160 rétroactivement et 2-3 personnes "par champ d'antennes". Le canton de Vaud et ses autorités judiciaires, sont-ils paranoïaques? Et la nouvelle loi qui va probablement sortir des urnes prochainement, cela va donner quoi?»


@Philippe37 21.05.2021 | 18h23

«Curieusement, la prochaine votation en Suisse nous laisse entrevoir la prolongation-normalisation de l'actuel état d'urgence et son évidente dérive autocratique d'Etat exécutif, jusqu'en... 2032,, si tant est que la Loi Covid est acceptée par le peuple, pas sûr... mais menaçant. En bref, on en prendrait pour 10 ans.
Comme aucun parti, si ce n'est la droite UDC, ne s'y oppose, on peut se demander si le Parlement n'est pas en train de mettre en scène son propre sabordage. Vous me direz que son insignifiance qui ne date pas d'hier est aujourd'hui criante.
"Faire de la volonté populaire le principe de la vie sociale revient à déifier l'arbitraire humain" (N. Berdiaev). Et si la démocratie n'était pas le nec plus ultra ? Et la démocratie parlementaire touchait à sa fin ?
Si l'on se tournait à nouveau vers une aristocratie ? Non comme classe sociale mais comme principe spirituel qui contrairement à l'ancienne n'exclut personne et ne vise pas à s'élever ni à se servir comme le fait l'élite encore en place mais à servir...
Et si 2032 signait cette nouvelle ère... je vois dans les résistants au grand mensonge pandémique déployé par l'élite au pouvoir, des gens joyeux, vivants, conscients et motivés et bénévoles pour lesquels le bien commun n'est pas un gros mot.
Stéphane Hessel ("Indignez-vous") à qui l'on demandait un conseil disait : "mettre hors-jeu le pouvoir mondial financiarisé". C'est ce qu'il nous reste à faire.... spirituellement et autrement...

Martine Keller»


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