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Actuel / Hélène, le bois, les barques et les vaisseaux du Léman

Isabel Jan-Hess

23 septembre 2017

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A l’ère industrielle, dopée par le numérique, la technologie et l’automatisation des gestes les plus simples, des métiers ancestraux délaissés renaissent ou refusent de mourir. Comme les légumes oubliés, l’artisanat, des techniques de production, d’élevage ou d’activités quotidiennes abandonnés retrouvent leurs lettres de noblesses et séduisent même de plus en plus de jeunes. Ils sont forgerons, ocularistes, bergers, vignerons, cordonniers, musiciens … et tous parlent d’avenir, portés par des valeurs éthiques et les contacts humains.



Isabel Jan-Hess (texte) et Noémie Desarzens (vidéo)



Hélène Walter: «Les navires en bois font rêver. C'est passionnant de les restaurer».

Le bruit des machines résonne sur ce petit bout de route de suisse à Versoix. Outils en main, Hélène Walter tape, cloue, décape une coque surélevée dans le chantier naval du Vieux port. L’ambiance estivale ne réfrène pas les ardeurs de cette apprentie en charpente navale, à cette période chargée. «On a plusieurs bateaux à terminer, explique la jeune femme achevant sa troisième année de formation ici. Je suis sous contrat avec les Marinas du Léman à Rolle, mais j’ai bénéficié d’une année dans un autre chantier. Je retourne à Rolle à la rentrée.»

«Le bois est noble et fait rêver»

Ce jour-là c’est sur un lacustre qu’elle s’active. «Ce bateau de régate a manqué d’entretien, précise-t-elle. Je dois enlever et remplacer de nombreuses bordes et mastiquer certains trous avant de le repeindre.» Une réparation chirurgicale et artistique qu’elle affectionne tout particulièrement. «J’aime travailler le bois, ce sont les coques les plus intéressantes, ajoute-t-elle. Les voiliers en polyester sont performants en régate, mais vieillissent mal. Il y a quelque chose de noble dans toutes ces essences. Un navire en bois fait rêver. La plupart reste des pièces uniques, les rénover est passionnant.»

Si aujourd’hui, la construction de bateaux en bois est dérisoire, Hélène ne craint pas pour son avenir. «Il y a certes moins de travail qu’il y a cinquante ans, mais les amoureux des bateaux de bonne facture continuent à investir et à entretenir leur embarcation.»

Naviguer, Hélène connaît depuis sa plus tendre enfance. Mais rien ne laissait présager la place que les bateaux prendraient dans sa vie. Aujourd’hui, à un an de son CFC, la jeune Vaudoise n’échangerait sa place pour rien au monde. Un métier pourtant physique et parfois rude, impliquant de se mouiller sans compter. Et surtout une activité très peu occupée par des filles.

Très soutenue par son entourage lors de son choix professionnel, elle découvre rapidement un certain sexisme dans un milieu historiquement masculin. «Je sais remettre les goujats à leur place poliment, surtout ceux qui pensent encore que la place des filles est à la cuisine ou dans leur lit, plaisante-t-elle. Côté clientèle, les gens sont plutôt respectueux de mon travail et très agréables.»

Une enfance sur l’eau

Après avoir beaucoup navigué avec ses parents, celle pour qui les gréements et les vents n’ont plus de secret a aussi donné des cours de voile à des enfants. En 2007, l’adolescente de Commungny embarque même à bord du voilier de l’association Mille Sabords pour un voyage de six mois en mer. Un projet permettant à huit jeunes de traverser l’Atlantique tout en poursuivant le programme de leur classe. «J’ai adoré, mais là encore, même si je maîtrisais bien la navigation et découvrais toutes les ficelles du métier, je n’ai pas eu de déclic.»

La jeune fille termine son cursus gymnasial, loin des bateaux. «Je ne voulais pas poursuivre des études académiques. Mais je n’avais aucun vrai projet.» Saxophoniste et fan de musique extrême, Hélène se dirige alors naturellement vers une voie artistique. Elle se hasarde en graphisme, puis en horlogerie bijouterie, mais sans grande motivation, lorsqu’un ami lui suggère, un peu par hasard, de faire un stage dans un chantier naval. «Je voulais rester dans un domaine créatif. La charpente navale, c’est la combinaison idéale d’une activité physique, sportive et artistique.»


Précédemment dans Bon pour la tête

Métiers oubliés, métiers d'avenir (1): Les fées du regard de verre

Métiers oubliés, métiers d'avenir (2): Le secret bien gardé de la fée verte

Métiers oubliés, métiers d'avenir (3): Le poinçonneur de cartons

Métiers oubliés, métiers d'avenir (4): L’extase de la solitude à l’alpage

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