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A vif

A vif / Monique Jacot, territoires secrets


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Ses reportages ont été publiés dans les magazines les plus prestigieux, Du, Vogue, Camera. Qui l’ont conduite en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. Monique Jacot – elle est née en 1934 – est une inlassable chercheuse. Ce qui fait d’elle bien davantage qu’une photographe. Les travaux qu’elle mène depuis les années 1980 la rapprochent de l’art de l’estampe, tant d’un point de vue technique que formel. Comme en témoigne l’exposition que lui consacre le Musée Jenisch – Cabinet cantonal des estampes à Vevey.



Dans sa longue carrière, Monique Jacot, qui vient d’obtenir le Grand prix suisse du design, a quasi tout vu et tout photographié, abordant à peu près tous les genres. A peine diplômée de l’Ecole des Arts et Métiers de Vevey que déjà, en 1956, Die Woche et Annabelle publient ses premiers reportages. Dès lors la Neuchâteloise ne va plus cesser de courir le monde. Elle remplit divers mandats pour l’industrie horlogère et l’OMS, signe des guides de voyage, des documentaires sur le théâtre et le cinéma, réalise les portraits de célébrités du moment, Niki de Saint Phalle, Max Frisch, Friedrich Dürrenmatt. 

A partir des années 1980, son travail se fait plus sociologique; elle s’intéresse à la condition des ouvrières et des paysannes, y consacrant expositions et livres, dont Femmes de la terre (1989) et Cadence – L’usine au féminin (1999). Une découverte aussi va changer durablement sa façon de travailler, sinon de voir, et qui l’amène à s’émanciper toujours plus de la photo de presse, le Polaroid. Une bonne partie de l’exposition de Vevey est d’ailleurs consacrée à ce versant du travail de Monique Jacot. Mais attention, il ne s’agit pas de simples instantanés. Certaines œuvres évoquent l’univers des surréalistes, Man Ray, Meret Oppenheim, voire, plus près de nous, Andy Warhol. 

Monique Jacot, Sans titre, série Vertébrés – Invertébrés, 2004, Transfert Polaroid, Cabinet cantonal des estampes - Musée Jenisch Vevey © Photo Julien Gremaud

C’est que, dans l’intervalle, sous l’impulsion de son compagnon, l’imprimeur Jean Genoud, la photographe a rencontré l’univers de l’estampe. Ce qui nous est montré peut d’ailleurs s’apparenter à la technique du monotype. Sauf qu’ici, plutôt qu’une plaque de verre sur laquelle on aurait dessiné directement à l’encre d’imprimerie, Monique Jacot utilise un film Polaroid, et interrompant le processus de développement, utilise le négatif comme matrice qu’elle applique alors sur un papier humidifié.

Le regard, la mémoire 

Il en résulte des images colorées, comme irisées, d’une étonnante présence, d’une grande force poétique. Cette technique de transfert, l’artiste l’utilise pour réinterpréter son riche fond d’archives. Il s’agit d’un travail avant tout sur la mémoire ou plutôt sur ses traces. Un travail sur le regard qui combine parfois plusieurs images. Comme cette œuvre emblématique qui nous montre un œil, sans doute de poupée, photographié dans une brocante, et celui bien vivant d’une femme. Il y a aussi plusieurs clichés qui réinterprètent des bas-reliefs égyptiens. D’autres encore, plus abstraits, qui nous mettent en contact avec d’étranges formes aussi bien végétales qu’animales – mais est-ce bien le cas? 

Monique Jacot, Plumes, 2014 – 2015, Héliogramme, Cabinet cantonal des estampes - Musée Jenisch Vevey © Photo Julien Gremaud

Il y a là comme une progressive conquête de l’abstraction en quête de formes inédites qui trouve son aboutissement dans la seconde partie de l’exposition, qui présente les œuvres les plus récentes de Monique Jacot. Une série d’héliogrammes réalisés à l’atelier de Saint-Prex. Là encore, de même que pour la technique des transferts, il n’est pas facile d’expliquer en quoi cela consiste. 

Il s’agit d’un procédé de reproduction des objets, ici des plumes d’oiseau notamment, que l’artiste dépose sur une surface de gélatine dans laquelle ils s’incrustent et qui est ensuite reportée sur une plaque de cuivre qui peut alors être gravée. Cet ensemble, jamais montré jusque-là, se rapproche encore davantage de l’estampe. On pense à certains Hartung ou aux Soulages du début. Un univers qui tend vers le signe. Evocateur de l’intemporel.


Exposition «Monique Jacot. Transferts et héliogrammes», Cabinet cantonal des estampes – Musée Jenisch Vevey, du 6 août au 6 décembre.

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