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Chronique

Chronique / Quelques questions qui viendront après...

Chantal Tauxe

8 avril 2020

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D'habitude, la politique fédérale semble figée, les marges de manœuvre équivalentes à zéro. Le virus va laisser des traces. Il y aura des remises en question. Il faudra s'interroger sur le peu d'intérêt général pour ce qui se passe en Italie, alors que nous sommes tant focalisés sur la France et l'Allemagne.



La crise du coronavirus est une tragédie humaine. Et la Suisse est un pays qui a toujours eu de la difficulté à appréhender le caractère tragique de l’histoire. Non directement impliqués dans les guerres européennes et mondiales depuis deux siècles, nous nous percevons comme préservés des grandes catastrophes, sauf lorsque celles-ci sont naturelles et accueillies avec un certain fatalisme.

Dans les tiroirs, les disques durs, de nos administrations fédérale, cantonale et communale figurent toutes sortes de plans en cas de catastrophe, et même de pandémie. Ces plans ont donc été déployés progressivement. Et depuis, on gère la situation comme on gère toujours en Suisse: méticuleusement, juridiquement, avec un apparent sang-froid, et l’invocation de notre sens de la responsabilité individuelle.

Or cette pandémie est tragique et collective. Dans la perception des risques et des mesures à prendre, notre fédéralisme nous a joué de mauvais tours. La Suisse alémanique a les yeux tournés vers l’Allemagne, la Suisse romande vers la France, et de manière générale, malgré la sensibilité tessinoise, ce qui se passe en Italie influence peu la politique fédérale. A Berne, il y a un défaut de prise en compte de l’italianità, et certainement que cela a généré des retards dans les réactions et décisions. Quand des problèmes aigus se présentent à Zurich, ils sont d’emblée perçus comme nationaux. Le temps n’est pas à la polémique, mais lorsque la pandémie sera vaincue il faudra s’interroger sur le tempo de la riposte.

L’autre caractéristique de cette crise est le retour en grâce de l’Etat. Le voici sommé de nous sauver, alors que l’orthodoxie budgétaire stricte qui est de mise chez nous a réduit considérablement les moyens des services publics. Imaginez comment on aurait pu faire face aux effets du Covid-19 avec plus de médecins, d’infirmiers et d’infirmières, de lits, de respirateurs, de masques, de gel désinfectant, mais aussi de chercheurs! Notre angoisse serait-elle la même si on était assuré que l’hôpital le plus proche pourra nous prendre en charge rapidement à la première fièvre, à la première toux?

Les Suisses sont parmi les humains qui paient le plus pour leur système de santé. Mais face à une crise majeure, il ne leur est plus garanti d’être soigné avec toute la diligence requise. On tombe de haut. Et cela également aura des conséquences au moment du débriefing.

Cette urgence sanitaire sans précédent déboulonne un mythe, celui de la marge de manœuvre financière de l’Etat équivalente à zéro ou à pas grand-chose. Tout le cadre qui corsète les dépenses a explosé: on va aider, soutenir à coup de milliards de francs, et on comptera après. Il sera difficile dans les années à venir, quand la politique se souciera de nouveaux projets ou besoins d’affirmer que l’on n’a pas les moyens. La crise du coronavirus a fait bouger des lignes qui semblaient infranchissables.

Le parlement, qui souhaite légitimement reprendre du service, en sera autrement plus chamboulé que par la vague verte ou violette. L’impossible ne le sera plus tout à fait.

Lorsque la cruauté tragique de la pandémie sera derrière nous, la politique suisse risque d’apparaître bien mal calibrée pour affronter autant de remises en question.


Texte paru en italien dans Il Caffè du 5 avril 2020. 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

4 Commentaires

@Bogner Shiva 212 09.04.2020 | 17h25

«Oui des questions….beaucoup de questions, sur plein de sujets. Notamment sur l'émergence de personnes qui ont la capacité de réagir et D'AGIR rapidement ou tout au moins d'essayer de faire réagir les gastéropodes qui nous gouvernent dans une crise majeure ! Des questions oui, mais assorties de REPONSES RAPIDES ET PAS DELAYEES DANS UN CHARABIA POLITICO-C'EST PAS MOI C'EST L'AUTRE !!! Des mises à plat devront être faîtes, un sérieux coup de balai aussi , mais comme d'habitude il va falloir 2 ou 3 crises de plus pour que notre système de politique happy weather (terme Zürichois…) prenne la mesure de la PREMIERE !!! Bref des mesurettes tous azimuths vont être annoncées en fanfare (onnade) par des politiciens qui vont tenter de noyer leur impéritie crasse dans leurs effets de manche habituels...et le brave Peuple se remettra à ruminer tranquillement son foin en pétant joyeusement sa liberté retrouvée (?)»


@Eggi 09.04.2020 | 23h07

«Que la Suisse ait à se poser des questions, à remettre en cause certaines politiques, certes, mais il en va de même dans le monde entier! Et ce n'est pas la première journaliste à reprocher aux autorités de ne pas avoir prévu l'imprévisible. En tout cas les autorités helvétiques ont été à la hauteur de la situation exceptionnelle et je mets au défit quiconque de proposer des décisions différentes, en se mettant évidemment à la place de celles et ceux qui les ont prises en temps et lieu...»


@gindrat 10.04.2020 | 11h18

«Face au deux commentaires opposés, je dirais ceci :
Compte tenu des circonstances le Conseil fédéral a réagi correctement dans les limites de son pouvoir. Si les décisions
ne furent pas celles qui auraient pu être meilleures, c'est aussi parce que l'on pas mis à la tête du pays les meilleures
personnes. Et cela c'est bien la faute des citoyens devenus victimes. »


@arizan 12.04.2020 | 23h08

«Je regrette comme vous que Berne ne s'intéresse que trop peu à ce qui se passe en Italie. Que de lenteur à Berne. La plupart des gouvernements européens ont fait de graves erreurs, surtout ceux qui fanfaronnaient (GB, NL, Suède) Les Pays-Bas ont 2,7 fois plus de décès que la Suisse pour le même nombre de cas à ce jour.
M. Conte va faire face quand même à une plainte déposée pour une réaction trop tardive de 40, oui quarante jours.
@Bogner Shiva212: Bon commentaire!»