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Culture / Gérard de Palézieux, la présence et le Temps


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Artiste discret, sinon secret, Gérard de Palézieux (1919-2012) a suivi sa propre voie, son propre chemin, en dehors des modes et des courants dominants. Au fil d’une carrière toute de probité, à la fois de graveur, de dessinateur et de peintre. De cette œuvre, qui l’impose comme l’un de nos grands créateurs, il est enfin permis de prendre toute la mesure grâce à la rétrospective que lui consacre à partir du 7 février le Cabinet cantonal des estampes du Musée Jenisch, à Vevey. La première en Suisse depuis plus de 30 ans.



Organisée en collaboration avec la Fondation William Cuendet - Atelier de Saint-Prex et la Fondation Custodia à Paris, l’exposition, qui occupe 3 salles du musée, regroupe quelques 200 œuvres sur papier, en particulier des paysages et des natures mortes. A commencer bien sûr par une importante sélection d’estampes, dont beaucoup de gravures sur cuivre. C’est principalement à Florence que ce Lausannois, qui passa son enfance à Vevey, acquit sa formation artistique. Après avoir suivi l’enseignement de Casimir Reymond et d’Henry Bischoff, il y passe une bonne partie de la guerre. Et c’est à Florence encore qu’il réalise sa première eau-forte. Il y fait également une rencontre décisive, celle de Giorgio Morandi (1890-1964), qui va durablement marquer son œuvre. Et l’on peut aisément établir plus qu’une parenté, une proximité de vue, entre le travail du Vaudois et celui de l’Italien. Notamment dans ses natures mortes réduites à l’essentiel. Une banale coupe de fruits, des bouteilles, un vase, saisis dans leur nudité, souvent dans le clair-obscur d’une lumière oblique. 

Palézieux, Nature morte, 1982 Aquarelle © Musée Jenisch Vevey

Comme Morandi, Palézieux est un peintre de la présence. Au sens du Dasein de la philosophie allemande. Il donne à voir. Il rend pour ainsi dire visible l’être-là des choses. Et du même coup nous fait comprendre ce qu’est le Temps. C’est Philippe Sollers qui affirme qu’à Venise, «le Temps ne passe pas, il surgit.» Eh bien je crois que cela s’applique parfaitement à l’œuvre de Palézieux, qui, à partir de 1955, a d’ailleurs réalisé de nombreuses aquarelles de Venise. C’est plus particulièrement vrai de ses paysages. 

A son retour d’Italie, Palézieux s’installe en effet à Veyras au-dessus de Sierre; la nature valaisanne devient dès lors l’un de ses sujets de prédilection. Il y aura ensuite, conjointement à Veyras, Grignan, à l’invitation de son ami Philippe Jaccottet. Le poète d’A travers un verger a beaucoup écrit sur le Vaudois, qui a illustré certains de ses textes. De même pour Gustave Roud ou encore Maurice Chappaz – plusieurs ouvrages figurent dans l’exposition. 

Palézieux, Paysage à Grignan, 1963 Eau-forte © Cabinet cantonal des estampes, Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex Musée Jenisch Vevey

De Grignan, où il loue un cabanon, Palézieux ramènera de nombreuses vues de la Drôme, dessins, gravures, aquarelles. Il en va là comme des natures mortes. Les motifs choisis ne le sont jamais pour leur pittoresque. Au contraire. Ce sont quasi des «non-sujets». Un horizon de collines presque ordinaire ou un simple cabanon en bordure de champ comme il y en a des milliers. Rien, là encore, n’est fait pour la séduction de l’œil. Ce qui est seulement suggéré, mais avec une sorte d’évidence, c’est une mystérieuse présence inscrite, encore une fois, dans le Temps.


Palézieux 1919-2012, Cabinet cantonal des estampes – Musée Jenisch Vevey, exposition du 7 février au 10 mai.

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