Média indocile – nouvelle formule

Actuel

Actuel / Tournant écologique, oui, mais prenons garde!

Sarah Dohr

7 novembre 2019

PARTAGER

La vague verte, transformée en hystérie verte, fait certes avancer les choses, mais à une vitesse, parfois dans un aveuglement, qui peuvent nous piéger. La politique, surtout les partis verts et vert libéraux qui ont raflé des sièges à Berne, doivent prendre le temps d’examiner les nouvelles technologies avec leurs chances de réussite et leurs dangers. Faute de quoi les coûts qui vont peser sur la société civile risquent d’être exorbitants. Exemple: la voiture électrique.



Depuis plusieurs années, le développement de la voiture électrique et d’autres moyens alternatifs de mobilité comme l’hydrogène, le gaz, le plug-in hybride, sont soutenus par notre politique suisse et européenne pour remplacer le moteur à explosion traditionnel. Bien. Et l’envers du décor?

Voltage et batterie surchauffée

En 2016, seul 1% des voitures étaient électriques sur nos routes suisses. 250 accidents à l’époque. Aujourd’hui, ce sont 3.3% des voitures qui sont ainsi propulsées sur nos routes. Le nombre des accidents augmente. Avec des conséquences peu évoquées. Depuis quelques mois, les pompiers reçoivent des formations spécifiques concernant ces engins. Car l'électricité est une source de nombreux dangers que l’on préfère ignorer ou taire. Une voiture électrique contient, pour la plupart des modèles, des batteries lithium-ion. Celles-ci ont soulevé plusieurs polémiques, notamment à propos de leur recyclage et des problèmes environnementaux lié à l’extraction du lithium. Outre ces deux aspects importants, nous omettons souvent l’aspect de la dangerosité en cas de surcharge, notamment l’emballement thermique et ses effets impressionnants.

Dans une étude du European Synchrotron Radiation Facility (ESRF), publié en avril 2015, les expériences ont démontré que lorsque les batteries lithium-ion surchauffent, elles déclenchent une réaction thermique à haut régime à l’intérieur. La batterie chauffe ensuite jusqu'à plus de 1 000 degrés en très peu de temps. Elle peut alors éclater. 

Les pompiers et l’équipe médicale qui interviennent sur un lieu d’accident impliquant une voiture électrique sont confrontés à plusieurs risques: une batterie lithium-ion en feu est très difficile à éteindre. Aujourd’hui, nous savons que pour maîtriser un tel incendie, il faut 11 000 litres d’eau. Le plus grand véhicule pompier en Suisse contient 3 000 litres d’eau et 200 litres de mousse. Un défi pour le corps des pompiers: ils doivent sécuriser la voiture électrique dans un container en eau, la remorquer avec des gros moyens et laisser la voiture durant 3 jours dans ce bain, pour s’assurer qu’elle ne s’enflammera plus. 

Un tel véhicule est constamment sous des tensions allant jusqu’à 600 Volts. Une véritable menace pour les intervenants si toute l’isolation de la voiture est détruite et qu’elle se trouve à nu. Il leur faut des combinaisons spéciales qui les protègent contre les chocs électriques.

Les fumées blanches qui s’échappent de la batterie sont également dangereuses. Si vous les inhalez, cela peut causer de graves dommages à votre bouche, à votre nez et à vos voies respiratoires car elles peuvent contenir des substances toxiques comme de l’acide fluorhydrique et des métaux lourds. Dans un garage souterrain ou un tunnel, le risque est accru.

Conseil. Si vous arrivez sur un lieu d’accident impliquant un tel véhicule, ne rien faire est le pire. Si vous voyez des câbles ou des composants orange, ne touchez pas l’engin. Sécurisez le lieu de l'accident et alertez les services d'urgence. Si des personnes blessées doivent être secourues rapidement, ne pas toucher les parties nues du corps, emballez-les sur des vêtements secs.

Champ magnétique

S’ajoute à toutes ces complications l’aspect sanitaire: l’électrosmog, ou pollution électromagnétique. Avec l'intensité du courant, celle du champ magnétique dégagé est considérable. Toute la force motrice de ces véhicules étant basée sur l’électricité, ceux-ci produisent plus d'électrosmog que les moteurs à combustion. Infiniment plus que les téléphones portables qui inquiètent beaucoup de gens à cet égard.

Certains de ces aspects sécuritaires et sanitaires sont également à considérer avec les éoliennes et les panneaux solaires, au coeur de la stratégie énergétique 2050 de la Suisse. Remplacer le nucléaire et les énergies fossiles par ces technologies, prometteuses au demeurant, amènera des difficultés qui sont encore mal explorées pour l’instant.

Perspectives

Nous allons donc devoir réaliser des investissements en matière de secourisme, d’équipements des pompiers, de formations professionnelles et civiles, de recyclage. Notre politique doit réfléchir concrètement aux moyens de financer ces nécessités. Une nouvelle taxe sur le dos de la société civile n’est guère possible puisque le peuple a accepté en mai 2017 la révision de la loi sur l’énergie. Celle-ci vise à réduire la consommation d’énergie, à améliorer l’efficacité énergétique et à promouvoir les énergies renouvelables. Le peuple est déjà taxé, c'est visible sur chaque décompte détaillé de nos factures, à hauteur de plus de 10% pour soutenir le changement énergétique. 

Avec un bénéfice net de 53.3 millions de francs par la Romande Energie en 2018, 134 millions pour le constructeur Tesla, il y a là des pistes sur la façon de faire participer les grandes sociétés à la protection et formation de la population. Par ailleurs, la nécessité s’impose de connaître les dangers des technologies émergentes et d'attirer l'attention des usagers à cet égard.


Pour aller plus loin sur le sujet: Volt! La voiture électrique sauvera-t-elle le monde?, Serge Enderlin, Editions du Seuil, 2012.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

5 Commentaires

@gugus 10.11.2019 | 19h19

«Mme Dohr n'est visiblement pas pour les voitures électriques. Je ne suis pas spécialiste en la matière et on aimerait les commentaires d'un constructeur de Tesla, par exemple. Les centrales nucléaires ne sont pas critiquées malgré le problème gravissime et non résolu de la gestion des déchets. Par ailleurs on ne nous dit jamais quelle quantité d'électricité consomment ces voitures lorsqu'on recharge les batteries. Enfin le terme "d'hystérie" verte au lieu de "prise de conscience" et l'expression "rafler des sièges" me paraissent abusifs et suspects! jb hemmeler»


@Sev 10.11.2019 | 22h42

«Je suis du même avis que @gugus. Pourquoi introduire ce sujet, intéressant au demeurant, par un dénigrement de prises de positions anticipées (peut-être à tort?) de la "vague verte". Qui dit que les verts encourageront l'utilisation de voitures électriques?
Si on lit les rapports au sujet de la situation géoscientifique actuelle, on ne peut que se réjouir de cette vague verte. Selon moi, on peut aussi en déduire naturellement que c'est notre consommation qu'il faut réduire, plutôt que de favoriser de nouvelles technologies coûteuses, financièrement et en énergie grise, polluantes aussi et souvent nécessitant des matières premières peu renouvelables elles-même et issues de commerce peu équitable. Qui nous dit donc que la vague verte ne ça pas réduire le nombre de véhicules électriques?
Bref, vos lecteurs/rices ne sont pas toujours anti-écolos et préfèrent pour certains une position plus nuancée sur l'arrivée de cette vague verte. :-)»


@dbovey 11.11.2019 | 11h34

«Un grand fourre-tout d'arguments de valeurs diverses, je ne suis pas sûr que cela soit réellement Bon pour la Tête. Je vais répondre point par point, en tant qu'ingénieur en électricité, car cet éclairage manque souvent dans les discussions. Essayons de comparer ce qui est comparable dans le match "essence vs électrique".

- Batteries qui prennent feu: oui, certaines voitures électriques contiennent des batteries Li-Ion, susceptibles à l’emballement thermique EN CAS DE SURCHARGE (c'est donc une question de fiabilité de l'électronique du chargeur), ou de court-circuit lors d'un accident. Des mesures techniques non encore prises systématiquement permettraient d'éviter ces conséquences. Les batteries Li-ion sont préférées car leur rapport énergie/masse est supérieur à celle des deux autres chimies, le LFP et le le LTO (le plus mauvais), qui sont elles totalement stables, et contiennent moins de cobalt. De plus les Li-ion ont un nombre de cycles de recharge faible, contrairement aux LFP (2000-3000 cycles) et aux LTO (10000-20000 cycles). C'est pourquoi les fabricants louent les Li-ion pour un loyer qui dépend du nombre de km annuels. On peut parier qu'au fur et a mesure qu'il y a des accidents, les LFP et LTO seront plus utilisées (certains constructeurs les proposent déjà, surtout asiatiques)
D'autre part, juste pour remettre l'église au milieu du village: 40-50L d'essence qui prennent feu c'est spectaculaire, ça fait une boule de feu qui dépasse aussi 1000 degrés, et c'est "un peu" dangereux pour les occupants du véhicule et alentours. Une batterie de 40kWh (Renault Zoe, BMW i3) contient l'énergie de 4.5L d'essence: il n'y aura pas plus d'énergie que cela si elle prend feu.

- Batteries qui émettent des fumées toxiques quand elles brûlent: oui c'est vrai. Mis une voiture (à essence) qui brûle ne sent pas très bon non plus et les fumées sont de toute façon toxiques: acide chlorhydrique dégagé par le PVC en combustion, ou acide cyanhydrique de certaines mousses d'isolation, et j'en passe. Et ceci est présent dans toutes les voitures.

- Haute tension: oui c'est vrai, c'est un nouveau danger, comme pour certaines installations de panneaux solaires qui sont en courant continu, et cela demande de nouvelles réponses et une formation des pompiers.

- "Electrosmog": les véhicules électriques, comme toute voiture à essence, et comme tout appareil électroménager ou autres, sont soumises à la directive européenne sur la compatibilité électromagnétique (EMC/CEM) qui assurer la non-interférence et l'immunité. Je viens de vérifier rapidement: il y a 39 normes EMC qui s'appliquent aux véhicules électriques, et 2749 normes qui s'appliquent aux véhicules électriques en général. La directive EMC (dont ces normes dérivent) est récemment devenue beaucoup plus sévère: auparavant, les fabricants pouvaient s'auto-certifier, maintenant ils doivent passer par une organisation tierce. Cela vaut aussi pour les importations extra-européennes.

- Champ magnétique: les organismes biologiques sont constituées de matériaux non magnétiques, et à ce titre extrêmement insensibles aux champs magnétiques. D'autre part, appliquer les normes EMC lors de la conception conduit à émettre un minimum de champ magnétique.

- Recyclage des batteries (entre autres matériaux): oui c'est absolument vital et nous ne pouvons pas négliger de tels gisements de matériaux pour faire de nouvelles batteries (idem pour les aimants des moteurs). Il faut savoir que la concentration de matériau (cobalt, Lithum, neodyme...) dans une batterie est très élevée, bien plus que dans un minerai. Mais il y a une cécité culturelle des ingénieurs et chimistes, entre autres.
Mais avant de parler de recyclage, il y a réutilisation, et les batteries de traction (qui sont mises à la retraite avec 80% de capacité résiduelle) peuvent finir leur vie comme stockage domestique. La encore, le Li-ion, que je considère comme une technologie transitoire, n'est pas excellente, mais utilisable.

- "Taxation de la transition énergétique": 10% sur une facture électrique annuelle de combien déjà? 400.-? 800.-? franchement, l'argumentation de la taxation semble totalement ridicule à ce stade.

- Romande énergie: demandez-leur, posez-leur des questions, cela sera intéressant.

- Sur les questions posées par Serge Enderlin: la réponse est claire, la mobilité électrique n'est pas soutenable pour propulser 4 million de véhicules qui font 15000km par an. Il n'y a aucune solution technique qui le permet. De toute façon, la mobilité électrique amènera beaucoup moins de mobilité individuelle, nous devrons nous adapter à une décroissance qui est inhérente aux "énergie vertes", pour la simple et bonne raison qu'une batterie de 40kWh (renault, nissan, BMW) contient l'énergie thermique de 4.5l d'essence et l'énergie utile de 15-17L, pour un poids de 100aines de kg. Et il y a une barrière thermodynamique insurmontable qui s'oppose à des progrès rapides dans les performances des batteries.
Pour donner dernier élément, quand vous faites le plein d'une voiture en qqs minutes, vous avez une puissance disponible de 10MW (10 Mega-watts, soit 10'000kW, soit 10'000'000 W, thermiques), alors que la raccordement électrique d'une maison fournit de l'ordre de 10000W, soit 1000x moins. Si on voulait transporter cette puissance sur le réseau électrique, il faudrait des câbles gros comme le pouce sur le réseau d'une maison.
C'est insurmontable, indépassable, et nous devrons nous y adapter - ou disparaître avec l'environnement planétaire qui nous donne la vie.
L'addiction aux énergies fossiles. à la liberté qu'elles nous ont donné pendant un petit siècle, à 10% de la population mondiale, c'est ça, et nous devons la dépasser.

»


@Eggi 11.11.2019 | 17h45

«Inversons les rôles: dbovey à la rédaction et Sarah Dohr aux commentaires! En effet, l(a)e journaliste n'est pas celle (celui) qu'on pense...»


@bouboule 30.11.2019 | 20h31

«La voiture électrique à tout va est certainement une idée de vert-libéral. Nécessitant des matériaux rares et des technologies complexes, elle ne devrait pas être utilisée pour le transport individuel. Rappelons que la meilleure voiture électrique est ... le tram! Afin de remédier à l'encombrement sur les routes, une alternative pour se déplacer moins serait de dormir tout près de son lieu de travail (au moins un soir par semaine) en concentrant le travail sur trois jours. Pour cela il faudrait aménager un type d'habitation ad hoc. Cela permettrait d'aller au resto le soir et voir d'autres têtes, une bonne chose pour la paix des ménages et la stabilité du couple où gugus et bobonne se marchent dessus une centaine d'heures par semaine.
A part ça, prôner la sobriété n'est pas tomber dans l'"hystérie verte" que je sache ! C'est l'économie de marché qui est hystérique: nous vendre absolument un truc hyper complexe gavé de lithium et de métaux rares, connecté 5G et finalement plus informatisé qu'une voyage Terre-Lune sur Apollo 15.»


À lire aussi