Média indocile – nouvelle formule

Culture

Culture / A la recherche de Lénine

Luc Debraine

4 juillet 2017

PARTAGER

Chaque jour, un écho des Rencontres de la photographie d’Arles, en Provence. Le festival, en pleine semaine d'ouverture, est marqué comme d’accoutumée par une forte présence suisse. Aujourd’hui, l’exposition «Looking for Lenin» du Genevois Niels Ackermann, installé en Ukraine. Le propos documentaire est aussi une leçon d'histoire: les empires finissent eux aussi à la décharge, concassés en morceaux menus, ou transformés en Dark Vador.



Connu pour sa série multi-récompensée sur la jeunesse de Slavoutytch, proche de Tchernobyl, le photographe genevois Niels Ackermann (30 ans) est installé en Ukraine. En compagnie du journaliste français Sébastien Gobert, il arpente depuis 2015 son pays d’adoption à la recherche des statues de Lénine qui montaient la garde idéologique sur tout le territoire, avant l’indépendance.

Au cloître Saint-Trophime, sur la place de la République d’Arles, l’exposition de Niels Ackermann évoque un labyrinthe. Le commissaire de «Loooking for Lenin», Peter Pfrunder (co-directeur de la Fotostiftung Schweiz à Winterthour) l’a voulu ainsi. Un parcours comme le dédale de l’histoire d’un peuple, longtemps sous tutelle soviétique, qui a récemment fait table rase de son passé. En déboulonnant entre autre 5500 statues de Vladimir Illitch Oulianov, les fracassant au marteau, les transformant en Dark Vador ou homme d’affaires, les remisant à la cave ou au grenier quand elles ne finissaient pas à la décharge.

L'inventivité effrontée d'une nation

Point de vue frontal, en couleur, cadrage au cordeau, les photographies de Niels Ackermann sont d’abord documentaires. Chaque image se prend isolément, sans qu’il n’y ait de début ni de fin à ce récit. Toutes racontent leur propre histoire, accompagnée de la citation d’un témoin ukrainien qui se réjouit de cette mise au rancart ou la regrette. «Moi aussi j’ai appris par cœur des poèmes à la gloire de Lénine. "Lénine est toujours avec toi, Lénine est toujours vivant", qu’on répétait… », dit Natacha l’architecte.

L’exposition est aussi une réflexion sur la mémoire, celle de la photographie comme celle d’un pays, désormais amputée d’une part symbolique de son passé. Ackermann et Gobert ne jugent pas de la pertinence de ce grand effacement. Ils décrivent le sort des empires, mortels eux aussi. Un monument aspire à l’éternité, mais un jour ou l’autre, il finit en mille morceaux, affublé d’un nez rouge, laissé à l’abandon dans une forêt.

L’exposition est enfin sociale, montrant l’inventivité effrontée d’une nation qui recycle parfois avec humour ses icônes révolutionnaires. Ou sa rage, sa honte, parfois même sa nostalgie. Un livre accompagne «Looking for Lenin», paru aux éditions Noir sur Blanc.


Rencontres de la photographie d’Arles, jusqu’au 24 septembre 2017. 




VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

0 Commentaire