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Culture

Culture / Soudain, le bœuf a explosé. Éclaté sans un «meuh».

Stéphane Venanzi

3 octobre 2018

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Séance de rattrapage, ce jeudi 4 octobre à Pôle Sud pour le captivant «Mabata Bata» de Sol de Carvalho. Un film plastiquement superbe, cinématographiquement maîtrisé et thématiquement riche, qui confirme encore une fois tout le bien qu'on est en droit de penser de son auteur.



Sur fond de guerre civile et de cérémonie religieuse, Mabata Bata nous raconte l'histoire d'Azarias. Un jeune orphelin mozambicain dont la seule envie est d'aller à l'école, mais qui doit garder le troupeau de son oncle Raul. Il est donc encore une fois question dans le cinéma de Sol de Carvalho du droit à l'éducation. Un sujet qui était déjà au centre de son premier long métrage, Le jardin d'un autre homme. Mais au-delà de cette thématique importante et récurrente, Mabata Bata aborde aussi la question de la réconciliation après un conflit armé. En cela, le film prolonge davantage qu'il n'adapte la nouvelle éponyme de Mia Couto, celle-ci ayant été écrite en 1986, en pleine guerre civile. Ce n'est d'ailleurs pas la seule différence notable entre la version écrite et filmée de ce conte. Mais Sol de Carvalho ne trahit pas pour autant l'esprit originel du texte par ses nombreux apports. Au contraire, grâce à eux il parvient à transformer une œuvre éminemment littéraire en un vrai objet de cinéma. La narration éclatée de son film, qui oscille continuellement entre le présent, le passé et le monde des esprits, de même que le recours à certains effets propres au septième art (notamment dans l'utilisation du son non synchrone), offrent ainsi un équivalent cinématographique probant à la langue riche, inventive et vivante utilisée par Mia Couto dans son récit.


Loin de toute image d'Epinal

Par ailleurs, si le film de Sol de Carvalho, par son cadre et sa beauté plastique peut peut-être évoquer les œuvres contemplatives d'un Gaston Kaboré (Wend Kuuni ou Buud Yam notamment), le mozambicain échappe toutefois à toute idéalisation de l'Afrique rurale. En effet, un autre thème quasiment absent du conte, mais qui affleure tout au long du métrage, s'avère être la question de la tradition. Plus précisément de son poids sur la vie des gens, puisque tous ici en souffrent à divers degrés. Raul ne possède du bétail que pour payer la dot de sa future femme et rêve de repartir travailler en Afrique du Sud le plus vite possible. Azarias, plutôt que de pouvoir aller à l'école, est contraint de s'occuper des bêtes de son oncle et ne leur témoigne aucun amour. Au comble de la frustration et de la rancœur, l'orphelin ira même jusqu'à jeter gratuitement une pierre contre l'un des bœufs dont il a la garde. Quant à la fiancée de Raul, si elle désire effectivement se marier, cela semble davantage dans l'espoir de pouvoir finalement fuir ce village où elle étouffe, que par amour pour l'oncle d'Azarias. En fait, seule la très jeune Lúcia, en refusant de suivre les ordres qui ont été transmis à sa mère par la féticheuse Irondina, paraît à même de pouvoir peut-être briser cette longue chaîne d'asservissement. Ainsi, comme souvent chez Sol de Carvalho, c'est par un personnage féminin capable de prendre son destin en main qu'un peu d'espoir nous est rendu... Pour autant que la guerre ne vienne pas tout gâcher avant, évidemment.


Mabata Bata sera projeté jeudi 4 octobre à 20h30 à Pôle Sud, av. Jean-Jacques Mercier 3, Lausanne


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