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Culture

Culture / L'Algérie, au son de J.-S. Bach

Stéphane Venanzi

5 décembre 2018

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La réalité quotidienne algérienne est tout sauf réjouissante, ce n'est une révélation pour personne (du moins je l'espère)... Pourtant, cela n'a pas empêché Karim Moussaoui, en l'utilisant comme toile de fond de son premier long métrage, «En attendant les hirondelles», de réaliser ce que l'on pourrait considérer comme un feel-good movie.



En effet, avec En attendant les hirondelles, Moussaoui caresse son public de bobos blancs dans le sens du poil. De la première à la dernière image, il ne fait que psalmodier la doxa contemporaine:

  • À cause de la vieille génération patriarcale, qui a fait preuve de lâcheté, le monde va mal

  • Les femmes sont bien davantage courageuses que les hommes

  • L’amour est plus fort que la tradition

  • Et, évidemment, l’avenir appartient aux jeunes épris de musique occidentalisée et de démocratie!

Dès lors, sachant que le film a été coproduit par la France et l’Allemagne, qu’il a été sélectionné à Cannes et a bénéficié d’une exploitation en salle à travers l’Hexagone, diverses questions me reviennent tout naturellement à l’esprit. Des questions qui n’ont jusqu’à maintenant jamais été résolues et dont les deux principales pourraient être: qu’est-ce qu’un film africain et à quel public doit-il s’adresser?

Personnellement, je ne possède pas d’avis tranché. Et peut-être n’y a-t-il d’ailleurs pas de réponse réellement satisfaisante à ces deux interrogations. Cela ne m’empêche toutefois pas de ressentir bien davantage de sympathie pour un «petit» drame comme Le foulard noir (en intégral sur Youtube) du Burkinabé Boubacar Diallo, que pour une coproduction qui, tout en se déroulant en Algérie, me farcit la bande-son d’Aram Khatchaturian et de Jean-Sébastien Bach dans le désir d’atteindre l’universalité («Je crois que l’image d’un couple qui danse passant du raï au classique tend à l’universalité», Karim Moussaoui dixit.)!

Malgré tout, ça se regarde avec plaisir...

N’allez cependant pas croire que tout est mauvais dans le film de Karim Moussaoui. En attendant les hirondelles, malgré un rythme parfois un peu lent, est au contraire plutôt plaisant à suivre. Déjà, la volonté du réalisateur de proposer du vrai cinéma (pas de la télévision sur grand écran), en cadrant large chaque fois que cela s’avère nécessaire, est particulièrement appréciable. Au même titre d’ailleurs que le travail qu’il a effectué avec ses acteurs pour parvenir à rendre les différents personnages pareillement crédibles et attachants, en dépit de leurs indéniables faiblesses.

Il n’empêche que certains choix de mise en scène m’ont laissé perplexe. Et je me demande encore ce que cela peut bien apporter à l’économie du récit que de suivre ainsi Aïcha, la protagoniste féminine du deuxième segment, à travers la nature jusqu’à ce qu’elle disparaisse derrière une colline pour satisfaire à un besoin bien naturel. Surtout que n’étant pas ici chez ce vieil anar érotomane de Tinto Brass, il ne sera malheureusement rien concédé au plaisir de l’œil...

Quant à la structure de l’œuvre, qui lie plus ou moins habilement les trois différentes histoires composant le récit, je dois avouer qu’elle ne m’a guère impressionné. Et à n’en pas douter, il devrait en être de même pour tous ceux qui ont déjà eu la chance de voir l’excellentissime City of hope de John Sayles.



En attendant les hirondelles sera projeté jeudi 6 décembre à 20h30 à Pôle Sud (av. Jean-Jacques Mercier 3, Lausanne)



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