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Culture / Autopsie d’une tragédie


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La tragédie de l’OTS, l’Ordre du Temple Solaire, dans laquelle 74 personnes trouvèrent la mort entre 1994 et 1997 au Canada, en Suisse et en France, a suscité quantité de livres et toutes sortes d’interprétations.



On a parlé de complot, d’action des services secrets, que sais-je encore? Alors que tout indique qu’il s’est agi d’un drame à huis clos. Certaines des victimes se sont suicidées, d’autres ont été tuées avec leur consentement, les autres, enfin, ont été froidement assassinées.

Le mérite de l’ouvrage de Julien Sansonnens, L’Enfant aux étoiles, «roman-enquête» au sens où l’entend Bernard-Henri Lévy, c’est-à-dire ni seulement enquête, ni vraiment fiction, mais un peu tout cela, son intérêt, dis-je, c’est de s’en tenir assez strictement aux faits tels que la justice a pu les établir. L’auteur a d’ailleurs pu consulter certaines pièces versées au dossier. Mais surtout il essaie de nous faire comprendre de l’intérieur les ressorts du drame, de nous faire pénétrer en quelque sorte dans les entrailles du monstre. Et cela à travers la destinée de l’une des jeunes adeptes de la secte, qui va devenir la maîtresse de Jo Di Mambro, fondateur, avec Luc Jouret, de l’OTS. C’est elle qui va mettre au monde Emmanuelle, l’«enfant cosmique», «l’enfant aux étoiles» promis à devenir une sorte de nouveau messie.

Emmanuelle sera conçue prétendument divinement lors d’une cérémonie granguignolesque avec coups de tonnerre, épée jetant des éclairs, et j’en passe – on trouve des photos de ladite épée bidouillée sur interner. Emmanuelle, bien que choyée, ne connaîtra évidemment jamais ce destin glorieux. Elle et sa mère figureront parmi les victimes de Granges-sur-Salvan en 1994. L’auteur tente de reconstituer la vie de la fillette, qui constitue en quelque sorte le fil rouge de l’ouvrage, jusqu’aux événements de Cheiry et Salvan. Ceux-ci nous sont racontés presque minute par minute. On quitte alors l’enquête pour la fiction, pour le roman, car bien évidemment personne n’a pu rapporter ce qui s’est réellement passé. De mon point de vue, toute cette dernière partie fait la force du livre. Des pages vraiment magnifiques, très réussies, poignantes, tout à fait essentielles pour qui veut comprendre ce qui a conduit à la tragédie de l’OTS.

L’OTS et les musiciens

Hormis Jo Di Mambro et Luc Jouret, dont l’auteur a conservé les noms dans le livre, tous les autres protagonistes y figurent sous une autre identité – qu’il est aisé, au demeurant, de percer en se rendant sur internet. Ainsi un célèbre chef d’orchestre, qui fut très proche de l’OTS et y donna des conférences, qui fut par la suite trainé à deux reprises devant la justice pour, à chaque fois, être acquitté, devient sous la plume de Julien Sansonnens un peintre célèbre. On dira qu’il s’agit d’une licence littéraire. Sauf que c’est méconnaître un versant tout à fait important de l’OTS, qui a su séduire nombre de musiciens, dont par exemple une très grande cantatrice – qui, plus tard, a épousé le père de celle qui mit au monde «l’enfant aux étoiles». Or ce n’est pas sans signification quant à l’attraction exercée par l’OTS.

De nombreux musiciens ont en effet une vision mystique de leur art, voire ésotérique. Jusqu’à Ernest Ansermet (1983-1969) qui dans son ouvrage fameux, Les Fondements de la musique dans la conscience humaine, s’efforce de remonter jusqu’au «fondement des fondements» – qui n’est pas sans évoquer le point Omega du père Theilhard de Chardin (1881-1955) – pour aboutir à une «phénoménologie de Dieu.» Cette dimension, encore une fois importante, de l’OTS n’a, me semble-il, guère été soulignée jusque-là. Elle reste à explorer.


Julien Sansonnens, L’Enfant aux étoiles, L’Aire, 2018.

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