Culture / «La vague»: submergée par sa propre médiocrité
La mort du cinéma, professée voilà déjà plus de trois décennies par Serge Daney et Jean-Luc Godard notamment, s'est transformée au fil du temps en une sorte de boutade, au point d'être récemment récupérée à des fins mercantiles par Nicolas Winding Refn... Pourtant, en subissant «La vague», d'Omar Belkacemi, impossible de ne pas constater qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark.
La première séquence de ce court-métrage algérien est déjà tout un programme en soi... En plan fixe, elle nous montre les allées et venues d'un couple à l'intérieur d'un modeste appartement (chambre à coucher, salon, cuisine) d'abord plongé dans la pénombre, puis illuminé au fur et à mesure des déplacements de chacun. Et du fait qu'il n'y a aucun mouvement de caméra ni aucun montage, toute la dramaturgie de la scène (aussi mathématique que prévisible) s'appuie ipso facto sur sa durée. Ainsi, dès les premiers instants, on n'est déjà plus dans le septième art en tant que tel, mais dans l'installation vidéo pour musée d'art contemporain.
Le pire toutefois, c'est lorsqu'Omar Belkacemi cherche malgré tout à produire de la belle image. Car il ne propose alors qu'un cinéma d'imitation. Un mauvais mélange des Straub et de van der Keuken, en particulier lors de cet interminable travelling latéral traversant tout le terminal à conteneurs du port de Béjaïa.
Et pour ce qui est du discours, c'est du pareil au même. Vendu comme un «cri de colère contre le diktat des institutions financières internationales», le film manifeste surtout une absence de préparation idéologique propice à tous les populismes (la scène du bar, durant laquelle à peu près tout et son contraire est asséné avec la même emphase en est un bon exemple) et privilégie par trop l'émotion à la moindre réflexion. À la fin, le spectateur n'échappera d'ailleurs pas à la mort du père. Le suicide étant, comme souvent dans les films qui ne sont pas réellement porteurs d'un projet politique, l'ultime recours du pauvre.
Quant à cette manie qu'ont certains nouveaux réalisateurs de filmer longuement le travail manuel*, elle me laisse assez perplexe. Déjà parce qu'ils ne semblent pas en comprendre les réelles implications (on est loin du Humain, trop humain de Louis Malle par exemple), mais aussi parce qu'ils le font avec une insistance qui confine à la fascination. À tel point que j'en viendrais à me demander si le travail manuel n'est pas devenu, pour une certaine part de la population tout au moins, le nouvel exotisme du 21ème siècle...
*C'est en effet aussi le cas de Ahmed Fawzi Saleh, le metteur en scène de Poisonous roses, fiction qui sera présentée les samedi 25 et dimanche 26.
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