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Culture / Un ténu rai de lumière aux heures les plus sombres


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Paru fin 2020 chez i-lirEdition, le recueil «Lueurs dans la nuit» est l’aboutissement poétique d’une très longue méditation d'Anne Burger sur les atrocités de la guerre pour ceux qu’elle mutile et décime comme pour celles qu’elle endeuille. La réflexion prend une épaisseur particulière sous la plume de cette autrice qui vient de perdre sa sœur jumelle après avoir consacré un autre recueil de poèmes à l’impossibilité de lui survivre («Chant des inséparables», éditions Samizdat, octobre 2016). Un thème d'actualité s'il en est, traité avec infiniment de délicatesse.



En préambule, l’autrice neuchâteloise commence par s’excuser d’évoquer des réalités qu’elle n’a pas vécues personnellement et qui pourtant la hantent. Elle explique sa démarche, son admiration pour la capacité à survivre de ceux qui sont revenus de l’enfer.

Les poèmes d’Anne Burger expriment violemment le besoin de dire, d’écrire, de dénoncer l’insoutenable quand c’est le seul moyen d’y résister, pour qu’il en reste une trace.

Ils disent «l’époux le frère le fils front de chair fraîche» et l’adolescent à l’orgueil meurtri que son trop jeune âge interdit de sacrifice.

Ils donnent à voir l’acharnement à survivre envers et contre tout,

«offrir ses orbites creusées
à l’ouest
et que s’y enfile enfin
la nuit
un semblant de repos»

et à sentir la pestilence endurée pour offrir une sépulture aux copains.

Les poèmes d’Anne Burger illustrent les prières «avec des mots décousus au travers de bouches cousues.»

Ils rendent compte de la douleur persistante d’un membre amputé.

Ils s’arrêtent sur le brin d’espérance que représente un coquelicot et sur l’abrutissement de ceux qui le déracinent.

Ses poèmes décrivent «une coulée d’esclaves qui passe comme un troupeau nourri de clous» sous les yeux de ceux dont ce sera le tour un jour.

Ils évoquent «une poudre plus mortelle que la mort» et l’espoir flou du brouillard complice quand il étouffe les miradors.

Ils saluent le courage des femmes qui ralentissent le présent quand même les rats meurent de faim, ces femmes qui osent revêtir les culottes des hommes pour «penser à demain qui n’est pas encore, mais s’entend déjà», ils saluent ce courage sans pour autant taire la lâcheté qu’il y a à renier l’autre dans un réflexe de survie et la honte qu’il faut porter ensuite face à tous les miroirs.

Les poèmes d’Anne Burger rendent compte de l’extrême difficulté à parler de «ce qui éteint les regards quand la mise en doute est une deuxième torture».

Ils rendent grâce aux justes, hommage à ceux qui ont osé agir à contre-courant.

Ils le font avec des mots qui nous explosent à la figure comme autant de déflagrations et un ton empreint d'humilité.

Avec des images fortes et de subtiles métaphores qui donnent à voir l'indicible.

Et comme la poésie est avant tout musique, plusieurs QR codes disséminés dans le recueil permettent d’accéder à la version audio de certains poèmes.

La page de couverture reste délibérément entrebâillée pour laisser envers et contre tout une ouverture possible.


«Lueurs dans la nuit», Anne Burger, i-lirÉdition, 52 pages.

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