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Culture / Un instant en absence au cœur de la Shoah


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«In Absentia», Raphaël Jerusalmy, Actes Sud, 173 pages.



Assez parlé de la Shoah? Ce grand drame de l’humanité a-t-il été déjà regardé, décrit, filmé, joué, chanté, pleuré sous tous ses angles? Non, sans doute. Il reste des pistes à explorer pour regarder sans jamais comprendre. Des œuvres à publier régulièrement pour que la mémoire reste vive. Mais ne parle pas de Shoah qui veut. Que la démarche soit vraie. Qu’elle soit originale, pour que la mémoire vive certes, mais aussi pour qu’elle soit féconde de nouveauté. «Chantez au Seigneur un chant nouveau», dit le Psaume 97 dans la Bible hébraïque. Chantez à la Shoah un chant nouveau, nous dit l’ouvrage. Dans son récit composé de trois histoires, la démarche de l’auteur Raphaël Jerusalmy est assurément originale. Il s’éloigne en fait de la Shoah, errant dans un rêve aux confins du fantastique, tout en faisant mémoire de la Shoah. Il se met en absence pour respirer et savourer encore un instant le souffle de vie. Avant que Monsieur Bernstein et ses 85 frères et sœurs en martyr ne soient dépecés. Avant que l’écrivain Delmain ne marque à jamais ses mains et son cœur du sang de ceux qu’il a à la fois sauvés et étouffés. Ecrit tantôt à la deuxième tantôt à la troisième personne du singulier, le récit raconte autant qu’il interpelle, il offre un moment in absentia du réel, pour revenir au devoir de mémoire dans le réel des camps de concentration. 

«Cette tristesse, Bernstein la savoure. Il s’y cramponne. Elle est son dernier retranchement. Elle lui évite d’avoir peur. Il s’étonne, une fois encore, du cran avec lequel il affronte son malheur. Et de comment la souffrance des autres l’afflige bien plus que la sienne propre. Comme celle de ce détenu au calot gris qui va pourtant lui survivre, mais dont la face est rongée par quelque chose qui le torture en dedans, une détresse insondable qui lui distord les traits.»

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