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Chronique

Chronique / Stéphane Mitchell, la scénariste derrière le «Quartier des Banques»


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Louise Anne Bouchard est écrivain, scénariste, photographe. D'origine québécoise, elle vit depuis près de vingt ans sur les bords du Léman.



Dans le milieu cinématographique ou télévisuel on ne présente plus Stéphane Mitchell. Elle fait partie des privilégiés dont les scénarii ont été souvent portés à l’écran, soit plus d’une soixantaine.

Rejointe à Genève, notre rendez-vous FaceTime est entrecoupée par les allées et venues de son adolescente de 17 ans, aussi active que sa mère semble-t-il. En effet, Stéphane Mitchell a longtemps eu la bougeotte et a vécu de 19 à 29 ans à New York où elle a décroché un Bachelor of Fine Arts en cinéma de la Tisch School of the Arts de New York University. De retour à Genève, elle rencontre Pierre Naftule, Vincent Pluss et Laurent Toplitsch qui sont intéressés par son écriture vive et rythmée. Les scénarii s’enchaînent dans différentes maisons de productions Sa rencontre avec Pauline Gygax et Max Karli de Rita Productions a été déterminante au niveau de sa carrière: on lui confie le remaniement d’une série qui deviendra un grand succès, Heidi.

La dernière réussite de Stéphane Mitchell c’est incontestablement Quartier des Banques, diffusé récemment sur la RTS, où elle a dirigé un pool de six scénaristes-dialoguistes menant à bon port une histoire de secret bancaire qui a nécessité quinze mois de travail. Ardu le travail de scénariste? Oui, et dans l’ombre. Deux fois plus difficile lorsqu’il s’agit de travailler pour une coproduction où l’histoire devra plaire à des investisseurs multiples. Les scénaristes ont la vie dure dans le milieu du cinéma ou de la télévision. Car si une série ne rencontre pas son public la faute sera attribuée à la vacuité du scénario par contre, si elle s’avère être un succès, le mérite reviendra aux acteurs et à la réalisation, en oubliant commodément qu’un projet démarre sur papier.

Quartier des Banques c’est une idée originale de Jean-Marc Fröhle qui contacte la scénariste en 2013 en lui demandant de lire Les 600 milliards qui manquent à la France d’Antoine Peillon, publié au Seuil. Comme Stéphane Mitchell n’appartient pas au monde de la finance, elle creuse, cherche, s’informe et s’entoure de six scénaristes dialoguistes pour écrire les six épisodes à succès. Quartier des Banques a demandé quinze mois d’écriture et de nombreuses réécritures avant le premier jour de tournage. Cela en valait la peine: l’intrigue tient la route, les personnages sont plus que crédibles au centre du secret bancaire de la famille Grangier. La série a connu un tel engouement qu’elle sera bientôt doublée en italien et en allemand. Et on parle d’un remake américain.

Gare à vous si vous n'utilisez pas le bon terme

On ne peut parler de Quartier des Banques sans parler de sa protagoniste principale Elizabeth Grangier interprétée à l’écran par Laura Sepul. C’est que Stéphane Mitchell est féministe, militante, croit au destin des femmes fortes qui dévient de la trajectoire familiale et sociale lorsque les conventions ne leur plaisent pas. Comme sa protagoniste Stéphane Mitchell a un parcours atypique et pluridisciplinaire. Elle est dramaturge, consultante sur scénario, a un projet de réalisation, et a trouvé le temps de rédiger un mémoire de maîtrise à l’université de Genève qui traite de l’identité de genre. Gare à vous si vous n’utilisez pas le bon terme lorsque vous vous exprimez à propos de ce qui touche au féminisme ou à l’identité: j’en ai fait les frais avec elle sur les réseaux sociaux, mais dans un échange des plus respectueux. Mitchell corrige, rectifie, argumente, précise. On la devine comme ça Stéphane Mitchell: précise, passionnée, militante, inquiète et efficace.

Il n’est pas étonnant que Stéphane Mitchell aime les réalisations de Jane Campion et son écriture. Jane Campion a été une des premières réalisatrices à donner aux femmes des rôles qui les sortaient des carcans que l’on avaient dessinés pour elles pendant des décennies.  

Je ne peux évidemment pas terminer mon face-à-face avec elle sans lui demander s’il y aura une suite à Quartier des Banques, puisqu’au dernier épisode Vincent Kucholl ouvre finalement les yeux mais sans dire un mot. Tout dépendra du résultat de la votation de mars prochain, en faveur ou en défaveur de «No Billag». Les projets sont en suspens jusqu’au printemps. Rien ne bouge d’ici là. Tout peut s’effondrer question financement pour la RTS ou redémarrer. Stéphane Mitchell garde espoir. Et nous aussi.


*Quartier des Banques est disponible en DVD sur le site de la RTS.    

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