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Analyse


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Est-il possible d’être heureux au travail? La question paraît soit stupide, soit trop compliquée. Stupide: bien sûr que c’est possible si l’on exerce un travail qu’on aime! Trop compliquée: impossible d’y répondre brièvement, qu’est-ce qu’on entend par «travail», qu’est-ce qu’on entend par «heureux»? Il y a pourtant l’espace d’une réflexion pour cette question dans cet article. N’est-ce pas une question que l’on se pose tous? Si l’on est heureux au travail: d’où vient ce bonheur et comment le préserver? Si l’on y est malheureux: comment changer? Regard.



Le travail est une activité professionnelle qui rapporte de l’argent pour vivre. C’est également une activité que l’on exerce à temps partiel pour recevoir un complément salarial. C’est évidemment prendre soin de son foyer. C’est encore une activité exercée dans le bénévolat, si l’on peut se le permettre, ou simplement si le cœur nous en dit, et si la cause est importante à nos yeux. Est un travail toute œuvre dans laquelle on s’implique, parce que cela a du sens en soi, et du sens pour la construction de notre parcours de vie.

Le bonheur?

Sans entrer dans les abysses de la philosophie, le bonheur est un état de paix et de joie dans son cœur. Toujours en paix, toujours en joie? Non! Le bonheur est un choix. Un état de sa personne à cultiver. Le bonheur ne se résume pas à un sentiment: il le nourrit. Si je veux être heureux, j’y travaille, quelle que soit ma condition de vie actuelle.

Comment y travailler? En prenant conscience et en regardant profondément la personne que je suis aujourd’hui, en y cherchant mes vrais désirs, et en fixant en conséquence des objectifs qui sont importants pour moi. Cela, en restant ouvert à la découverte et à tous les inattendus, parfois bien loin de mes aspirations profondes et de mes objectifs. Le bonheur c’est enfin l’adéquation de mes désirs au réel de ma situation et de qui je suis.

Quel travail pour être heureux?

Quel travail exercer pour y être heureux? Le métier de ses rêves? Pourquoi pas… Faut-il encore distinguer les rêves d’un enfant des désirs d’un adulte. Si celui qui admirait son maître d’école devient enseignant à son tour en poursuivant son rêve, cela aide. Comme si le passionné de construction devient maçon. Cela aide si l’on exerce une profession qui nous passionne, mais ça ne doit pas un être une condition.

Une femme de ménage n’est peut-être pas passionnée par le nettoyage. Elle peut en revanche être heureuse dans son travail en voyant que son salaire nourrit sa famille, et en contemplant son œuvre: grâce à son ouvrage, tel établissement éclate de propreté et de beauté. Mon père, ouvrier d’usine, est très fier de faire partie d’une grande famille d’ouvriers. Il est heureux de voir que, par son travail, il sort de son usine des rouleaux d’aluminium avec lesquels sont fabriqués les carrosseries de voitures. Même si, à la base, l’aluminium n’était pas passion.

En fait, la question première n’est pas: est-ce que mon travail me rend heureux, mais comment puis-je être heureux aujourd’hui dans mon travail? Que puis-je mettre en place pour jouir d’un bon esprit d’équipe? Comment changer de regard sur ce que je produis: en quoi la fabrication de rouleaux d’aluminium ou la mise en place des produits dans un supermarché est-elle un bien pour la société, auquel moi je contribue? Tout travail a un sens: l’enjeu est de l’accorder au sens de ma vie. 

En un second temps, si vraiment je vois que je ne suis pas fait pour tel profession, ou que je ne souhaite plus servir telle entreprise, la reconversion professionnelle ou la recherche d’un autre poste est toujours possible. C’est d’ailleurs de plus en plus fréquent. 

Ma vie et mon travail

Quant à la place du travail dans ma vie, il faudrait peut-être envisager de ne plus dresser un mur sacré qui sépare ma vie dite privée de ma vie professionnelle. Bien sûr, certaines choses restent à la maison, et d’autres restent au travail. Mais la personne est une. Il n’y a pas le moi du foyer et le moi au bureau. L’enjeu est de voir comment ma vie privée est nourrie en enrichie par mon travail et vice-versa. Le travail fait pleinement partie de ma vie: autant ne pas l’exclure de la construction de ma personne et de ma famille.

Le travail est constitutif de l’homme. L’homme est fait pour travailler. Petite réflexion intéressante: dans la culture judéo-chrétienne, on retrouve souvent l’idée que le travail est une punition et une souffrance, infligées par Dieu pour punir Adam et Eve de leur désobéissance. En observant pourtant attentivement le livre de la Genèse – premier livre de la Bible qui raconte le mythe de la création du monde et les débuts de l’humanité – on remarque que Dieu a créé l’homme et qu’il lui donne en cadeau le jardin d’Eden à labourer. Le travail est donc un cadeau reçu avant l’expulsion du jardin d’Eden.

Le travail est un cadeau, oui. Même le travail dur. Mon oncle paysan ne laisserait pour rien au monde ses terres et ses vaches. Bétail oblige, il travaille sept jours sur sept. Il est épuisé le soir, mais heureux. Bien sûr il doit travailler d’arrache-pied à la ferme pour nourrir sa famille, il n’empêche qu’il est fier de son œuvre et qu’il serait exclu pour lui de faire autre chose. Sa vie est rythmée par celle des animaux et de la terre, par le travail.

Même pour quelqu’un qui a un métier à mille lieux de la paysannerie, il faut retrouver un rythme de vie qui se calque sur le travail. Il y a un avant un après le travail. Comment bien se préparer le matin pour arriver au travail en bonne disposition? Car si j’arrive au travail toujours fatigué, en stress et en retard, il y a quelque chose à changer dans mon organisation. Comment profiter de retour du travail? Boire au bistrot ou se planquer devant la télé n’est peut-être pas ce qui est le plus favorable au ressourcement – même si parfois c’est tout ce qu’on a le courage de faire… Au contraire, travailler encore pour la maison, sans consacrer un instant à un semblant de détente est dangereux aussi…

Est-ce qu’aujourd’hui je veux changer de regard sur mon travail? Est-ce que je veux décider de contempler mon bonheur au travail, de le soigner et d’aider les autres à l’être aussi? Est-ce que je veux aujourd’hui prendre conscience que ce que je fais est merveilleux, alors que je ne le voyais avant que comme une activité alimentaire? Est-ce que je veux au contraire me rendre compte que là aujourd’hui, à ce poste, je ne suis pas à ma place, et entreprendre une démarche pour un changement? Il n’y a que des questions, pas de réponses. Pourtant des questions nécessaires pour être heureux au travail et travailler à son bonheur.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

6 Commentaires

@simone 23.09.2022 | 18h13

«Quel magnifique article! C'est un ...bonheur! Bravo
Suzette Sandoz»


@LorisSalvatoreMusumeci 24.09.2022 | 15h01

«Merci, Madame Sandoz ! C'est un honneur que l'article vous plaise.
Meilleures salutations,
Loris S. Musumeci »


@Giragirotondo 26.09.2022 | 06h44

«La question à se poser serait selon moi : Est -ce que le monde du travail, de l'entreprise tel qu'il existe aujourd'hui, ce monde peut-il vraiment encore donner la possibilité à la personne d'éprouver du bonheur dans sa tâche, malgré toute la bonne volonté qu'elle y accorde.

De mon expérience et de celles que me partage mon entourage, ce n'est pas le cas. C'est même plutôt l'inverse. Plus la personne s'implique, met du sens dans ce qu'elle fait, plus ses probabilités d'être en souffrance, de finir en burn-out sont élevees. Seuls ceux qui font le choix et ont la capacité de "déconnecter" pendant le travail s'en sortent.
S. Robert »


@LorisSalvatoreMusumeci 26.09.2022 | 22h17

«Bonsoir S. Robert,
Merci pour votre commentaire et votre partage d'expérience profond et intéressant. Je prends bien en considération votre avis et je vais y réfléchir.
Bien à vous,
Loris »


@rogeroge 27.09.2022 | 11h08

««Si je veux être heureux, j’y travaille»: c'est souvent irréfléchi. »


@LorisSalvatoreMusumeci 27.09.2022 | 18h56

«Merci pour votre commentaire, rogeroge ! J'insiste sur le fait que, selon moi, nous ne pouvons pas attendre que le bonheur nous tombe du ciel : nous devons, pour être heureux inconditionnellement, entreprendre des démarches pour préserver les joies qui nous tombent dessus, pour résoudre des difficultés et pour prendre soin de nous dans toutes les dimensions de notre être. Sinon, le bonheur ne serait qu'éphémère et dépendant des aléas de la vie.
Meilleures salutations,
Loris S. Musumeci »