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Analyse / «L’incompétence géopolitique des Européens est sidérante»


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Les analystes asiatiques n’en reviennent pas: comment est-il possible que les européens soient aussi ignorants des réalités! L’offensive diplomatique menée par l’Administration Trump pour mettre fin à la guerre en Ukraine leur donne raison. Car l’Europe, elle, n’a rien vu venir, ni compris encore qu’elle n’a pas d’autre choix que de vivre aux côtés de son grand voisin russe en bonne intelligence.



Si l’on veut comprendre ce qui se passe dans le monde, rien ne sert d’écouter les experts de plateau qui se bousculent sur nos chaînes radio et TV. Ils vivent dans un monde parallèle qui n’a plus rien à voir avec les réalités internationales du moment. Même les commentateurs américains sont parfois dépassés. Mieux vaut, de temps en temps, suivre quelques-uns des plus fins analystes d’Asie, comme Shashi Tharoor et M. K. Bhadrakumar en Inde, Zhang Weiwei en Chine ou Kishore Mahbubani à Singapour. Dans un récent podcast, ce dernier avoue ainsi sa sidération devant «l’incompétence géopolitique des leaders européens». Il n’est pas plus tendre avec l’arrogance aveugle des élites intellectuelles américaines.

L’offensive diplomatique menée depuis le début de la semaine par l’Administration Trump pour mettre fin à la guerre en Ukraine lui donne entièrement raison. Les Européens et les Britanniques, obnubilés par le bellicisme du quintette von der Leyen-Baerbock-Kallas-Rutte-Starmer et envoûtés par les complaintes du comédien-charmeur de Kiev, n’ont rien vu venir. Ils n’ont pas anticipé Trump, ils n’ont pas anticipé les tornades qu’il allait déchainer avec ses menaces de conquêtes et ses guerres tarifaires. Ils n’ont pas non plus anticipé la paix, ou du moins le silence des armes, qu’il souhaitait apporter en Palestine et en Ukraine.

Et pourtant, tout cela était annoncé depuis des mois.

Résultat: l’entretien d’une heure et demie qui a eu lieu mercredi entre Trump et Poutine les a sonnés. Ils en sont restés comme deux ronds de flanc, eux qui avaient tout misé sur «l’isolement diplomatique» et «l’effondrement économique» de la Russie. Même les médias en sont restés muets, eux qui, le lendemain, mentionnaient à peine ou ignoraient carrément l’événement.

Trump: le meilleur défenseur des intérêts européens à long terme

Et pourtant, il s’agit là d’un tournant majeur après trois ans de guerre. Pas moins de quatre des plus hauts cadors de l’Administration Trump après le président lui-même, le vice-président J.D. Vance, le chef du Pentagone Peter Hegseth, le secrétaire d’Etat Marco Rubio, et l’émissaire Steven Witkoff ont été dépêchés en Europe pour faire passer le message que les Etats-Unis ne voulaient plus de cette guerre et qu’ils allaient entamer des négociations directes avec Moscou sans demander leur avis aux Européens. On devine qu’à la Conférence sur la sécurité qui doit se tenir à Munich ce week-end, les anges vont voler bas et en escadrilles.

L’ironie de la chose est que dans cette affaire Trump se révèle être le meilleur défenseur des intérêts européens à long terme. Non seulement il est prêt à renoncer aux avantages économiques que la guerre en Ukraine procurait aux Etats-Unis, mais il aide les économies flageolantes de l’Europe à se refaire une santé après qu’elle eut coupé tous les ponts énergétiques et commerciaux avec son proche voisin russe, il investit 500 milliards dans la reconstruction de l’Ukraine (en échange des terres rares) et il oblige les Européens à prendre en charge leur propre défense et à réassumer leur rôle géopolitique. A terme, c’est toute l’Europe, Ukraine incluse, qui devra lui en être reconnaissante.

L’ancien conseiller de Zelenski, Oleksiy Arestovych, ne s’y est pas trompé lui qui vient d’avouer sur son blog que l’Ukraine avait fait tout faux en s’embarquant depuis 1991 dans un délire nationaliste russophobe et un conflit perdu d’avance avec la Russie à partir de 2014.

L’Europe: une attitude incohérente et une ignorance stupéfiante

Pour les Asiatiques, qui regardent l’Europe de loin et suivent les Etats-Unis de près, cette attitude incohérente, cette ignorance crasse des élites européennes à l’égard des réalités physiques, économiques, géographiques, politiques de leur propre continent est proprement stupéfiante.

Pourquoi les Européens ignorent-ils qu’ils sont condamnés à vivre aux côtés de leur grand voisin russe pour les siècles des siècles, et qu’une coopération intelligente avec lui est préférable à la guerre? Pourquoi, après des siècles de voisinage commun, ignorent-ils que la Russie, constamment envahie par eux depuis mille ans, est avant tout préoccupée par sa sécurité et qu’elle met cette préoccupation au-dessus de toutes les autres? Pourquoi ignorent-ils les effets des insultes dont ils ne cessent de couvrir le chef d’Etat russe, accusé de tous les torts et de toutes les ignominies? Pourquoi ne veulent-ils pas voir que les Etats-Unis, angoissés par leur déclin relatif, cherchent aujourd’hui à se reconcentrer sur eux-mêmes dans l’espoir de reconquérir la place qu’ils ont occupée ces dernières décennies? Pourquoi les Européens, qui vivent sur un continent aussi divers, multiple, compliqué et parfois antagoniste que l’Asie du Sud-Est ne pratiquent-ils pas ce principe de sagesse extrême-orientale qui consiste à parler à ses ennemis et à ses rivaux quoiqu’il arrive et quelle que soit sa détestation à son égard, sachant qu’on devra de toute façon vivre avec lui?

Voilà le genre de questions que nos amis asiatiques posent à l’Europe. Elles ne sont pas dénuées de bon sens…

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

9 Commentaires

@Pabeda 14.02.2025 | 08h24

«Je vous remercie pour cet article. Et je suis abasourdie par l’incompétence crasse des élites politiques européennes. Il y a un adage russe : une mauvaise paix est meilleure qu’une bonne guerre. Les politicien.nes européen.nes semblent préférer l’envers. A les écouter caqueter ces jours, on dirait qu’ils regrettent que la guerre aille s’arrêter. Ils et elles n’ont jamais voulu avouer et assumer leur part de responsabilité dans ce conflit en se pavanant tels les parangons de vertu. Ils n’ont que ce qu’ils méritent. Dommage pour les peuples : ce sont les petites gens qui paient et vont encore payer les incompétences de leurs élites. »


@jfrere 14.02.2025 | 08h43

«Bonjour, merci de mettre en mots ce qui nous semble évident. Ces gens ne sont pas incompétents, ils sont malveillants et suivent (ou suivaient) un chemin sans doute tracé par la précédente administration américaine.»


@Persil 14.02.2025 | 08h59

«Comme Pabeda, je vous remercie pour cet article.»


@Christophe Mottiez 14.02.2025 | 10h20

«en 1300, la principauté de moscou était plus petite que la moldavie contemporaine, puis elle s'est agrandie, conquête après conquête, jusqu'à devenir le plus grand empire de tous les temps, englobant l'europe orientale et toute l'asie septentrionale.

depuis le 14ème siècle, les moscovites ont non seulement toujours été une terrible menace pour tous leurs voisins, mais ils ont en plus, au cours de leur expansion coloniale, usurpé au 16ème siècle le nom historique de la rus de kyiv pour s'afficher comme les soi-disant seuls héritiers légitimes de cette dernière.

se faisant appeler désormais "russes"; et leur empire, "russie"; ils se présentent comme des victimes qui auraient "constamment" été envahies "depuis mille ans" par l'europe occidentale.

les européens occidentaux doivent dialoguer avec le régime russe, mais refuser un tel travestissement de la réalité.

»


@markefrem 14.02.2025 | 15h29

«Si notre puissant voisin était raisonnable et de bonne foi, comme essaie de nous le faire croire M.Mettan, et non pas obnubilé par des visées impérialistes avec reconquête des frontières de feu l'URSS (voire plus encore), que la géopolitique serait simple et plus à la portée de nos incompétences...»


@JNSPQM99 14.02.2025 | 15h35

«Quel plaisir de vous lire!»


@markefrem 14.02.2025 | 15h40

«La Russie constamment envahie par les Européens depuis mille ans... Je vais devoir mettre à jour sérieusement mes connaissances de l'Histoire, au moyen des manuels soviétiques peut-être, sauf à considérer comme crédibles les misérables et inefficaces tentatives de Napoléon et Hitler»


@guy.mettan 15.02.2025 | 19h55

«

Cher Markefrem libre à vous de considérer l’invasion de la Russie par Napoléon et l’incendie de Moscou et la guerre de 1941-1945 qui a coûté 26 millions de morts à la Russie soviétique comme des « tentatives misérables et inefficaces ». Ce n’est pas mon cas. Et c’est aussi oublier toutes les autres invasions: chevaliers teutoniques en 1240, Mongols et Tatars au XIIIe siècle, Polonais en 1610, Suédois dans les années 1700 (Poltava), Polonais à nouveau, Français et Américains en 1919-1920. Chaque fois au prix de massacres et de centaines de milliers ou de millions de morts. Mais ce sont sans doute des détails pour vous.

»


@Vladimir le grand 19.02.2025 | 16h46

«C’est intéressant monsieur Mettan que vous écrivez que 26 millions citoyens de la Russie soviétique ont perdu la vie de 1941-45.
C’est une habitude chez les pro russes apparemment de nier l’existence des biélorusses, kazakhs, même les méchants ukrainiens qui ont perdu la vie. Par apport à leur nombre total d’habitants, c’est la Biélorussie suivie par l’Ukraine qui ont perdu le plus d’habitants.
Bon il est vrai que pour Moscou la Biélorussie et l’Ukraine ne sont pas des pays mais des régions faisant partie de la Russie qui est devenu le plus grand pays du monde en allant pacifiquement dans les territoires des autres peuples.
Les polonais au dix neuvième siècles en garde des souvenirs affreux.
Et cela a recommencé en janvier 40 avec la déportation des polonais en Sibérie.
Penser qu’une capitale européenne d’un pays anti impérialiste contrôle un tiers du continent asiatique donne à réfléchir.»


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